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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Covid-19 et recherche clinique : l'Académie de Médecine enfin ! « La science n’est pas une option »

13 Mai 2020 , Rédigé par Seppi Publié dans #Covid-19

Covid-19 et recherche clinique : l'Académie de Médecine enfin ! « La science n’est pas une option »

 

 

La vérité scientifique ne se décrète pas à l’applaudimètre. Elle n’émerge pas du discours politique, ni des pétitions, ni des réseaux sociaux. En science, ce n’est ni le poids majoritaire ni l’argument d’autorité qui font loi.

 

Un exemple de manipulation de l'information, vite démontée (source)

 

 

Le paysage de la recherche clinique sur les traitements du Covid-19 devient plus désespérant de jour en jour.

 

Le malade, atteint ou potentiel, s'inquiétera de l'absence de résultats vraiment probants, ou même prometteurs... enfin dans l'hypothèse où il n'aura pas été marabouté et convaincu de l'existence d'un remède miracle, ici la combinaison hydrochloroquine-azithromycine, ailleurs un breuvage baptisé Covid-Organics à base d'Artemisia annua.

 

S'il est rationaliste et curieux, il s'inquiétera des difficultés qu'il y a à produire des études crédibles – simplement crédibles, pas forcément conformes à l'étalon-or de la recherche – du fait des pressions médiatiques et, de plus en plus, de la diminution du nombre de patients (je touche du bois...). Il s'indignera de la mauvaise qualité de beaucoup d'études – ou « études ». Il en est qui sont des fraudes caractérisées.

 

S'il a un minimum de sens civique, il s'offusquera des ravages occasionnés dans l'opinion publique par une communication débridée, qu'elle provienne des milieux médicaux, des médias ou des réseaux sociaux.

 

C'est dans ce contexte que, enfin, le 8 mai 2020, l'Académie de Médecine s'est enfin exprimée sur le sujet. Dans un silence médiatique qui serait assourdissant s'il n'y avait pas eu (à l'heure où nous écrivons) la Dépêche et la Croix.

 

Voici son communiqué

 

« Recherche clinique et Covid-19 : la science n’est pas une option

 

Communiqué de l’Académie nationale de Médecine

 

8 mai 2020

 

La vérité scientifique ne se décrète pas à l’applaudimètre. Elle n’émerge pas du discours politique, ni des pétitions, ni des réseaux sociaux. En science, ce n’est ni le poids majoritaire ni l’argument d’autorité qui font loi.

 

C’est pourtant dans ce type de dérive que s’est fourvoyée la recherche de traitements médicamenteux actifs contre le Covid-19 : trop de précipitation dans la communication, trop d’annonces prématurées, trop de discordes entre les équipes, trop de pressions de toutes sortes, mais pas assez de science.

 

La démarche scientifique exige du temps, de la méthode et de l’esprit critique. Dans le domaine du médicament, il faut non seulement vérifier qu’une substance est efficace, mais aussi s’assurer que ses avantages l’emportent largement sur ses effets indésirables, eu égard à la gravité de la maladie cible. C’est la balance bénéfices/risques. L’essai thérapeutique contrôlé randomisé est la seule méthode permettant de répondre à ces questions avec un niveau de preuve élevé.

 

Dans le cas du Covid-19, en l’absence de traitement de référence susceptible de servir de comparateur, chaque médicament candidat doit être comparé à un placebo. Ce choix est légitime en situation d’incertitude, c’est-à-dire lorsqu’on ne sait pas a priori si le patient qui sera inclus dans l’essai thérapeutique aura intérêt à être dans un groupe plutôt que dans l’autre. Mais les prises de positions passionnelles, voire compassionnelles, en faveur de l’hydroxychloroquine avant tout essai comparatif ont été si nombreuses, et les pressions si fortes dans un contexte anxiogène, que les patients n’acceptaient d’entrer dans l’essai qu’avec la certitude de ne pas être inclus dans le bras placebo, ce qui est incompatible avec le principe même de l’essai contrôlé. En conséquence, rares étant ceux qui acceptaient de contribuer à l’avancée de la science.

 

Par ailleurs, l’évolution spontanément favorable de l’infection par le SARS-CoV-2 dans 85% des cas impose de recruter un grand nombre de participants pour démontrer l’efficacité d’un traitement dans la phase initiale de la maladie. Or, la regrettable dispersion des essais limite la taille des effectifs et réduit la puissance statistique des résultats.

 

Enfin, le battage médiatique en faveur de l’hydroxychloroquine se déportant secondairement vers le remdesivir et le tocilizumab sur la foi de modestes résultats préliminaires, il importe de rester prudent en attendant leur confirmation.

 

Si le contexte anxiogène de la pandémie stimule la compétition entre les équipes de recherche dans le monde entier, cet impératif ne saurait justifier l’utilisation de méthodes inappropriées, d’études bâclées, ni d’une communication avide d’exclusivités. Précipiter l’évaluation d’un candidat médicament, c’est exposer les patients à d’éventuels effets adverses sans être sûr de leur apporter un bénéfice. Il existe heureusement des équipes responsables qui font preuve d’imagination et de proactivité en raccourcissant autant que possible les délais d’obtention de leurs résultats.

 

Le temps de la recherche et de la science n’est pas celui de l’immédiateté des médias et des réseaux sociaux. Le doute, inhérent à toute démarche scientifique, est aussi intolérable pour le public soucieux d’apaiser son anxiété que pour le politique désireux de conforter ses décisions. En temps de crise, si le doute exaspère, les croyances sont nuisibles et souvent dangereuses.

 

Face au défi du Covid-19, l’Académie nationale de médecine rappelle que la recherche thérapeutique doit :

 

  • s’appuyer sur des essais cliniques scientifiquement rigoureux et éthiquement irréprochables malgré la contrainte de délais optimisés ;

     

  • se fonder sur des bases pharmacodynamiques et pharmacocinétiques solides ;

     

  • coordonner des équipes nationales et internationales dans de grandes études multicentriques ;

     

  • s’astreindre à une communication prudente et responsable de la part des chercheurs, ne divulguer que des résultats contrôlés et validés, et s’interdire de susciter de faux espoirs et de provoquer des réactions d’engouement injustifiées dans le grand public.

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P
«Dans le cas du Covid-19, en l’absence de traitement de référence susceptible de servir de comparateur, chaque médicament candidat doit être comparé à un placebo. »<br /> On pourrait dire aussi bien qu'en l'absence de tout traitement en général, la référence peut être un échantillon de personnes non traité, comparable à celui traité dans l'essai thérapeutique. Vu qu'on ne sait pas tout les facteurs aggravants de la maladie, la sélection d'un échantillon témoin dans la population non traitée est délicat, mais pas forcément plus imprécis que le choix d'un échantillon placebo arbitraire. Je suis persuadé que la comparaison sera possible a posteriori sans qu'il y ait besoin d'attendre de disposer d'un échantillon suffisant.
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M
" la référence peut être un échantillon de personnes non traité, comparable à celui traité dans l'essai thérapeutique"<br /> C'est possible, mais il faut effectuer des correction pour diminuer les biais et même avec ça il faut rester prudent sur les résultats.<br /> L'avantage d'un groupe contrôle (placebo), c'est que le seul paramètre qui change (si l'étude est faite correctement) est le traitement. Les résultats sont donc bien plus solides.<br /> Sans aller dans l'excès méthodologique, la présence d'un groupe contrôle même en l'absence de traitement de référence (c'est là qu'il seras un groupe placebo, si il y a un traitement on l'utilise dans le groupe contrôle pour le comparer au nouveau traitement) rendra toujours les résultats plus fiable.
U
Bonsoir Seppi<br /> La façon dont le débat se centre sur Raoult m'atterre. D'abord parce qu'il atteint un niveau de véhémence, voire de violence verbale, effrayant et totalement hors de proportion. J'ai parfois l'impression d'une guerre de religion, alors que rien ne le justifie. Ensuite parce qu'il obscurcit totalement toutes les recherches passionnantes qui continuent de se dérouler.<br /> L'intérêt du blog de Gozlan, qu'il faut vraiment lire, ou au moins parcourir, est de nous montrer toute cette recherche qui se fait, toutes ces nouvelles connaissances qui apparaissent et changent presque chaque jour la vision de cette maladie et des pistes éventuelles pour en venir à bout.<br /> Et encore plus important, de nous montrer comment peut fonctionner une recherche efficace, en cruel contraste avec Discovery : chaque observation est partagée le plus vite possible, et prise en compte pour une évolution quotidienne des pratiques. Si un traitement est trouvé avant la fin de la pandémie, c'est de ces démarches qu'il viendra, pas d'une étude conçue avant qu'on ne sache tout cela.
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G
C'est quand même fou d'être aussi franco-français. Des milliers d'études dans le monde ont été lancées sur des essais de traitements divers et variés, et même sur l'hydroxychloroquine ! Les derniers essais sur celle-ci ne sont pas très concluants, même s'il s'agit d'études à faible niveau de preuve.<br /> Voir les commentaires du Pr Adnet, de l'hôpital Avicenne :<br /> https://www.esanum.fr/today/posts/faq-covid-index <br /> <br /> FAQ 45<br /> COVID et hydroxychloroquine - Épisode 234.652 !<br /> Le JAMA vient de publier les résultats d’une étude de cohorte américaine multicentrique et rétrospective rassemblant 1.438 patients COVID-19+, hospitalisés dans 25 hôpitaux de l’état de New-York et représentant 88% des patients hospitalisés (JAMA, 11 mai 2020).<br /> [...]<br /> Les auteurs concluaient qu’il n’y avait pas d’association entre ces traitements et la mortalité et soulignaient que la nature rétrospective et observationnelle du design de l’étude limitait la portée des résultats.<br /> Faible niveau de preuve.<br /> Pr Raoult pas content.<br /> <br /> FAQ 44<br /> Dans cet essai chez l’animal, les chercheurs ont voulu savoir si l’injection d’hydroxychloroquine associée ou non à l’azithromycine et à différentes concentrations pouvait prévenir ou traiter une infection par SARS-CoV-2 chez le macaque (Nature Research, en cours de reviewing, 8 mai 2020).<br /> [...]<br /> Les auteurs concluent que l’hydroxychloroquine associée ou non à l’azithromycine ne devrait pas être administrée au cours de la maladie Covid-19 et encore moins en prévention.<br /> (Pr Raoult pas content du tout et ce d’autant plus qu’il y a deux auteurs dont l’affiliation est le célébrissime IHU Méditerranée de Marseille…).<br /> <br /> FAQ 43<br /> Une étude observationnelle prospective sur l’évaluation du traitement de l’hydroxychloroquine (ou chloroquine) chez des patients COVID-19+ vient d’être publié dans le NEJM (chose rare, ce journal ne publie d’habitude que des essais randomisés).<br /> [...]<br /> Ce résultat suggère que l’hydroxychloroquine ne constitue ni un facteur aggravant ni un facteur protecteur du COVID-19.<br /> Étude sans groupe contrôle donc avec faible niveau de preuve.<br /> (Pr Raoult pas content).
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U
Je n'ai lu que le résumé de la première, FAQ 45. <br /> Elle illustre bien le fait que les études défavorables a l'hydroxychloroquine ont des biais qui feraient pousser des cris aux lecteurs plus impartiaux. <br /> L'étude utilise l'HCQ ni à la bonne dose ni suffisamment longtemps. Les auteurs donnent 3 cp de Plaquénil le premier jour puis 2 cp pendant 4 jours. Ils traitent des patients sévèrement atteints et remarquent que ce court traitement ne les empêche pas d'être intubés.<br /> Mais vous connaissez une maladie grave qui se soigne en cinq jours ?!<br /> Dans le lupus, la meilleure indication du Plaquénil, on obtient des résultats au bout d'un mois de traitement par 2 cp/j.<br /> Raoult donne 3 cp/j pendant 10 j et comme il voit que ça ne suffit pas, il ajoute un autre médicament (azithromycine) et initie le traitement suffisamment tôt pour qu'il puisse servir à quelque chose.<br /> Vous voyez ainsi que l'étude citée est une parodie d'étude sur l'hydroxychloroquine. Il est facile de mettre la barre haute (soigner un grand malade avec un traitement sous-dosé et trop court) pour déclarer ensuite le traitement inefficace à d'autres doses, sur une durée plus longue et chez des malades moins atteints. C'est l'équivalent scientifique de la technique de l'homme de paille.
S
Il y aurait beaucoup à dire mais je vais me contenter de faire une version courte : alors que l'épidémie décroît, y a t-il un seul exemple d'études faites dans les règles de l'art qui permette de conclure aujourd'hui 13 mai "c'est bon on a trouvé la substance x qui a montré une efficacité pour soigner les malades et on peut maintenant la donner à tous les autres qui en ont besoin"?
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U
Je partage l'avis de Bebop76. Il faut distinguer la lente recherche scientifique et la gestion de la crise. Que faire dans la période où l'épidémie atteint son pic, puisque les études randomisées contre placebo donneront leurs résultats après le pic ?<br /> Réponse : il se fier aux quelques mandarins qui font autorité sur la question et suivre leurs conseils. Eux seuls peuvent nous aider à faire quelque chose d'utile avant de disposer du résultat des grandes études. C'est une reconnaissance de leur savoir et de leur expérience. Ce sont eux qui se tromperont le moins en attendant le verdict de la science.
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M
"Les propos de Raoult ont sans doute été déformés, une tendance assez générale."<br /> Ou pas.<br /> https://twitter.com/carpedi56046538/status/1242240550692159489<br /> https://twitter.com/carpedi56046538/status/1241646342260301825<br /> https://www.techno-science.net/actualite/video-coronavirus-infection-respiratoire-plus-facile-traiter-toutes-N19329.html<br /> A rajouter que l'étude venant de chine dont il parle, n'en est en faite pas une. C'est une lettre qui revendique son efficacité, sans apporter la moindre preuve.<br /> https://www.youtube.com/watch?v=00_vy-f22nE<br /> https://www.mediterranee-infection.com/coronavirus-moins-de-morts-que-par-accident-de-trottinette/<br /> <br /> "En ce qui concerne la communauté scientifique, elle a été longtemps absente sauf pour recommander l'étude Discovery,"<br /> La communauté scientifique ne se résume pas à la France et à l'étude Discovery.<br /> <br /> "Personne d'autre que Raoult est venu dire aux prescripteurs : voila le médicament que vous devez donner."<br /> Traitement dont la preuve de l’efficacité n'existe toujours pas.<br /> <br /> Je rajoute aussi ça. Et n'hésiter pas à lire le commentaire que j'ai mis en réponse à Bebop76.<br /> https://www.youtube.com/watch?v=h18tSEYukqE<br /> https://www.youtube.com/watch?v=TAGhaZV1VzM<br /> https://www.youtube.com/watch?v=qirbNmrxmUI<br /> https://www.youtube.com/watch?v=rP2PWgnGn24<br /> https://www.youtube.com/watch?v=XXGRr10bgLs
U
Les propos de Raoult ont sans doute été déformés, une tendance assez générale. Je ne le suis pas depuis le début mais les dernières vidéos que j'ai vues semblaient irréprochables. Il est possible qu'il ait méconnu au début la seconde phase inflammatoire, dangereuse, qui survient dans un nombre limité de cas, et centré ses commentaires sur la première phase, virale, effectivement peu dangereuse.<br /> En ce qui concerne la communauté scientifique, elle a été longtemps absente sauf pour recommander l'étude Discovery, laquelle n'est toujours pas publiée après le pic. Personne d'autre que Raoult est venu dire aux prescripteurs : voila le médicament que vous devez donner.
M
Raoult c'est systématiquement trompé. Il a prévue moins de morts que la trottinette, que cette maladie n'était pas grave, que son traitement était super efficace et que c'était l'infection respiratoire la plus facile à soigner. Rien n'a été vrai.<br /> Suivre un mandarin est un argument d'autorité. Ce serait comme suivre Luc Montagnier parce qu'il a reçu un Nobel.<br /> Il faut suivre l'avis de la communauté scientifique dans son ensemble et non pas une seul personne. Surtout quand celle-ci est plutôt controversé.