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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Covid-19 : les derniers résultats de M. Didier Raoult sont-ils sérieux ?

10 Avril 2020 , Rédigé par Seppi Publié dans #Covid-19, #Santé publique, #Article scientifique

Covid-19 : les derniers résultats de M. Didier Raoult sont-ils sérieux ?

 

Poser la question, c'est y répondre

 

 

(Source)

 

 

L'Institut Hospitalo-universitaire en Maladies Infectieuses de Marseille (IHU – Méditerranée Infection) vient d'inventer un nouveau mode de publication : il a mis en ligne un résumé d'article scientifique sans titre et sans noms d'auteurs.

 

Une petite recherche nous mène cependant vers une annonce sur son site avec des liens vers un résumé (apparemment la version 1, dont on appréciera l'URL, reflet d'une mégalomanie ou d'une soumission au mandarin) et un tableau.

 

En voici le texte :

 

« La première version de notre article sur les 1061 patients qui ont été traités entièrement par hydroxychloroquine et azithromycine est terminée. Vous verrez dans les résultats que la mortalité est de l’ordre de 0,5% et que le taux de guérison est extrêmement élevé. Ce traitement a déjà été utilisé par d’autres services de l’AP-HM, avec des résultats comparables, indépendamment de notre équipe. Nous mettons en pré-publication le résumé de cet article en anglais et un tableau qui résume l’ensemble de nos données pour que ceci puisse servir éventuellement à des décisions politiques.

 

Version 1 du 9 avril 2020

 

Early treatment of 1061 COVID-19 patients with hydroxychloroquine and azithromycin, Marseille, France [traitement précoce de 1061 patients atteints du COVID-19 avec hydroxychloroquine et azithromycine, Marseille, France]

 

Matthieu Million, Jean-Christophe Lagier, Philippe Gautret, Philippe Colson, Pierre-Edouard Fournier, Sophie Amrane, Marie Hocquart, Morgane Mailhe, Vera Esteves-Vieira, Barbara Doudier, Camille Aubry, Florian Correard, Audrey Giraud-Gatineau, Yanis Roussel, Cyril Bellenger, Nadim Cassir, Piseth Seng, Christine Zandotti, Catherine Dhiver, Isabelle Ravaux, Christelle Tomei, Carole Eldin, David Braunstein, Hervé Tissot-Dupont, Stéphane Honoré, Andreas Stein, Alexis Jacquier, Jean-Claude Deharo, Eric Chabrière, Anthony Levasseur, Florence Fenollar, Jean-Marc Rolain, Yolande Obadia, Philippe Brouqui, Michel Drancourt, Bernard La Scola, Philippe Parola, Didier Raoult »

 

Trente-huit auteurs !

 

Au moins, les choses sont claires : il s'agit d'influencer des décisions politiques.

 

Cette action est sans nul doute liée à un événement du 9 avril 2020 que le Monde rapporte sous un titre plutôt neutre, mais avec un adjectif peu flatteur pour l'hôte du jour, « La visite surprise d’Emmanuel Macron à l’infectiologue controversé Didier Raoult ». Il précise :

 

« Plus tôt dans la journée, M. Macron s’était déjà rendu, sans avoir convié la presse, à l’hôpital du Kremlin-Bicêtre (Val-de-Marne) pour y rencontrer des équipes hospitalo-universitaires impliquées dans le programme de recherche européen Discovery, chargé de lutter contre l’épidémie. Mais c’est bien sa visite marseillaise qui capte toute l’attention, à quatre jours d’une nouvelle allocution du chef de l’Etat, prévue lundi 13 avril. »

 

Les Échos s'est fait plus racoleur avec «Exclusif - Didier Raoult dévoile à Emmanuel Macron une étude estimant à 91 % l'efficacité de son traitement contre le coronavirus ». En chapô :

 

« Le professeur Didier Raoult a réservé au président de la République l'exclusivité de son étude de suivi sur 1.061 patients passés par ses services. La guérison virologique a été obtenue chez 973 patients en 10 jours. Le débat sur la chloroquine suit son cours. »

 

S'agissant du résumé, n'en déplaise aux Échos, il n'y a plus d'exclusivité... Objectif : convaincre en maintenant la pression. Le Monde note encore :

 

« Mais de nombreuses voix sur la scène politique, à droite en particulier, plaident en faveur de sa généralisation à tous les malades du Covid-19. "Ce n’est pas au président de trancher ce débat, il doit être tranché scientifiquement, estime-t-on dans son entourage. Une visite ne légitime pas un protocole scientifique, elle acte et marque l’intérêt du chef de l’Etat pour des essais thérapeutiques, qu’ils soient prometteurs ou pas.

 

Bien des commentateurs ne l'ont pas compris ainsi. Et il est bien regrettable que les autres programmes d'essais ne communiquent pas de résultats intermédiaires et provisoires, laissant ainsi le champ libre à ce qui relève de la gesticulation. Que dit, en effet, le résumé ? En voici une traduction :

 

« Contexte

 

Dans une enquête récente, la plupart des médecins du monde entier ont considéré que l'hydroxychloroquine (HCQ) et l'azithromycine (AZ) sont les deux médicaments les plus efficaces parmi les molécules disponibles contre le COVID-19. Néanmoins, à ce jour, un seul essai clinique préliminaire a démontré leur efficacité sur la charge virale. De plus, une étude clinique portant sur 80 patients a été publiée et l'efficacité in vitro de cette association a été démontrée.

 

Méthodes

 

L'étude a été réalisée à l'IHU Méditerranée Infection, Marseille, France. Une cohorte de 1.061 patients atteints de COVID-19, traités pendant au moins 3 jours avec la combinaison HCQ-AZ et suivis pendant au moins 9 jours, a été étudiée. Les critères d'évaluation étaient la mort, l'aggravation et la persistance de l'excrétion virale.

 

Résultats

 

Du 3 mars au 9 avril 2020, 59.655 échantillons de 38.617 patients ont été testés pour le COVID-19 par PCR. Sur les 3.165 patients positifs placés en soins dans notre institut, 1.061 patients non publiés auparavant répondaient à nos critères d'inclusion. Leur âge médian était de 43,8 ans et 493 étaient des hommes (46,4 %). Aucune toxicité cardiaque n'a été observée. La guérison virologique a été obtenue chez 973 patients en 10 jours (91,7 %). Un portage viral prolongé à la fin du traitement a été observé chez 47 patients (4,4 %) et était associé à une charge virale plus élevée au diagnostic (p < 10-2), mais la culture virale était négative au jour 10 et tous sauf un ont été débarrassés selon la PCR au jour 15. Un mauvais résultat a été observé pour 46 patients (4,3 %), 10 ont été transférés aux soins intensifs, 5 patients sont décédés (0,47 %) (74-95 ans) et 31 ont nécessité 10 jours d'hospitalisation ou plus.

 

Dans ce groupe, 25 sont désormais guéris et 16 sont encore hospitalisés (98 % des patients guéris jusqu'à présent). Un mauvais résultat clinique était significativement associé à un âge plus avancé (OR 1,09), à une gravité initiale plus élevée (OR 13,46) et à une faible concentration sérique d'hydroxychloroquine. En outre, de mauvais résultats cliniques et virologiques étaient associés à l'utilisation d'agents bêta-bloquants sélectifs et de bloqueurs des récepteurs de l'angiotensine II (p < 0,05). La mortalité était significativement plus faible chez les patients qui avaient reçu > 3 jours de HCQ-AZ que chez les patients traités selon d'autres modalités à la fois à l'IHU et dans tous les hôpitaux publics de Marseille (p < 10-2).

 

Interprétation

 

La combinaison HCQ-AZ, lorsqu'elle est démarrée immédiatement après le diagnostic, est un traitement sûr et efficace du COVID-19, avec un taux de mortalité de 0,5 % chez les patients plus âgés. Il évite l'aggravation et élimine la persistance et la contagiosité du virus dans la plupart des cas. »

 

Procédons pas à pas.

 

Le premier paragraphe est à notre sens scandaleux. Il se réfère sans doute à un sondage rapporté par le Washington Times le 2 avril 2020 dans « Hydroxychloroquine rated 'most effective therapy' by doctors for coronavirus: Global survey » (l'hydroxychloroquine classée "thérapie la plus efficace" par les médecins pour le coronavirus : enquête mondiale).

 

 

 

 

L'affirmation de la première phrase est-elle étayée par le fait que 37 % et 32 % des médecins ayant traité (ou vu traiter) des patients atteints de Covid-19 (tous les 6.227 sondés ou seulement une partie d'entre eux?) estiment que l'hydroxychloroquine ou la chloroquine et l'azithromycine ou un antibiotique similaire, respectivement, sont les plus efficaces (le total est supérieur à 100 %, les sondés devaient pouvoir donner plusieurs réponses) ?

 

En tout cas, la question ne portait pas sur le combo, ni sur la posologie préconisée et promue par M. Didier Raoult.

 

Mais ce n'est qu'un détail. Dans cette étude, il manque le groupe témoin. Il est donc impossible de distinguer l'effet du traitement de l'évolution naturelle de la maladie ou de son évolution dans le cadre d'un traitement standard.

 

 

La première phrase est un sarcasme (source)

 

 

Le Figaro résume cela sous un titre euphémique : « Chloroquine: de nouvelles données peu convaincantes »

 

On aura donc testé 38.617 patients – lire : personnes qui se sont déplacées pour se faire dépister – avec en moyenne 1,54 test par personne pour hospitaliser 3.165 personnes (8,2 %). Est-ce là une utilisation judicieuse des moyens de santé publique, alors que les besoins sont par ailleurs criants, s'agissant tout particulièrement du dépistage du personnel soignant dans les hôpitaux, les EHPAD, le secteur libéral, etc. ?

 

Sur les 3.165 personnes hospitalisées, seules 1.061 ont été retenues dans la cohorte (33,5 %). À ce stade, les critères d'inclusion ne sont pas connus. Mais comme les traitements doivent (normalement) être administrés en milieu hospitalier, on peut penser que la cohorte incluait des cas modérés dont lé rémission aurait été spontanée sans traitement.

 

Ce que M. Mathieu Rebeaud exprime de manière ironique dans le gazouillis suivant est peut-être bien le reflet d'une réalité dérangeante.

 

 

(Source)

 

 

C'est ce que notent aussi plusieurs médecins dans ce fil de Mme Clarisse Audigier-Valettequi note que « 95% de la population étudiée a un score de News entre 0-4 donc sans critère de gravité ». Nous extrayons les deux gazouillis suivants :

 

 

 

 

Qu'en est-il des 2.104 patients exclus de la cohorte ? Mystère. En tout cas, la comparaison des mortalités faite dans la dernière phrase de la partie « Résultats » est dénuée de pertinence, faute de connaître les détails tels que la structure des populations traitées, la sévérité des cas à l'admission, les protocoles suivis... et la mortalité dans le deuxième élément de la comparaison.

 

On ose espérer que la mortalité n'aura pas été plus élevée chez les 2.104 patients exclus de l'étude.

 

 

(Source)

 

 

 

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D
hydroxychloroquine est un medicament etulisé au niveau des pays du magreb c'est un molecule etulisé depuis 70 ans
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B
Avec toutes ces informations, qui croire ? Excellent article ceci-dit <br /> https://histoiresdevies.cargo.site/
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P
A Seppi 11 avril 17h06<br /> Oui il n’y a pas de chef dans la boîte <br /> Il faudrait un chef et ce chef devrait intervenir plus régulièrement de manière plus courte et plus percutante et aussi avec plus d’enthousiasme et de motivation et de conviction <br /> Et surtout sans ce petit air mi gêné mi narquois <br /> A chacune de ses apparitions j’ai l’impression d’une pièce de théâtre et d’un mauvais acteur <br /> On dirait qu’il s’ennuie à la tête de l’état
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P
D’accord <br /> C’est bien de faire le malin et de critiquer les coups de com du Professeur Raoult <br /> 95% des personnes atteintes du covid de moins de 45 ans qui plus est si elles sont de sexe féminin etc guérissent naturellement et sans séquelles au bout de y jours etc...<br /> Si on connaît les facteurs aggravants ou prédisposants alors pouvez-vous m’expliquer pourquoi l’ensemble de la population d’un pays est confinée ?<br /> Depuis le temps pourquoi n’a t on pas des statistiques officielles fiables etc sur les décès liés au covid et facteurs aggravants etc ?<br /> Pourquoi ne fait on pas des tests pour savoir qui dans la population a déjà été confronté au covid et produit des anticorps ?<br /> Pourquoi les médias complices du pouvoir politique nous rabâchent t ils sans arrêt les mêmes rengaines et nous incitent ils à rester confinés chez nous ?<br /> Pourquoi tant tarder à nous révéler que 85 % des personnes en réanimation sont en surpoids ?<br /> Nous ne sommes pas débiles et nous voyons bien au gré des reportages malgré le floutage quel est le profil des personnes à risque <br /> Pourquoi ne pas faire de tests à grande échelle eh bien tout simplement parce que à mon avis que cela révélerait un tel pourcentage de porteurs du covid que cela metterait à bas toute la théorie du confinement promue par ce gouvernement d’idiots et par les incapables qui les conseillent qui d’ailleurs ne valent pas mieux que les gouvernements précédents
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P
@seppi<br /> Merci pour le lien european scientist avec J de K<br /> Justement je me disais que j’aimerais bien lire son avis sur la crise que nous vivons <br /> Son analyse des causes du problème pourra bientôt s’appliquer à l’agriculture si les attaques systématiques des ong ecolo continuent
P
Je partage plusieurs de vos inquiétudes. Cette bureaucratie sanitaire est enfermée dans une attitude de procrastination. Même avec peu de tests, il devrait être possible de faire des tests sur des échantillons statistiques (les sondeurs le font bien) pour savoir combien il y a de personnes contaminées par région, par tranche d'âge, et pour divers types de conditions de santé.
S
On verra ce qu'il aura à dire lundi.<br /> <br /> On peut théoriquement envisager un déconfinement progressif lié à une distanciation sociale drastique avec utilisation généralisée des masques (si on en trouve…),désinfection des mains et gants, mais les Français seront-ils suffisamment disciplinés ?
S
@ Philippe (Elsass) le samedi 11 avril 2020 à 16:53<br /> <br /> Je ne sais pas s'il est mal conseillé.<br /> <br /> Ce qui est sûr, c'est que beaucoup de gens "autorisés" (y compris du reste Didier Raoult) n'ont pas saisi l'ampleur du problème, au début potentiel. Cela s'est aggravé avec la question des municipales, où le gouvernement a manifestement cédé aux pressions des oppositions.<br /> <br /> Et sur certains aspects, on n'a manifestement pas joué franc jeu. Cela continue du reste (Christophe Castaner qui change de version du jour au lendemain sur la question de la réquisition de masques, par exemple).<br /> <br /> Il manque un conducteur dans le Char de l'Etat.<br /> <br /> A lire :<br /> <br /> https://www.europeanscientist.com/fr/sante/leurope-face-au-covid-19-serie-i-de-kervasdoue-la-france-fait-ce-quelle-peut/
S
@ Philippe (Elsass) le samedi 11 avril 2020 à 16:44<br /> <br /> Oui, bien sûr. Encore faut-il en avoir...
M
L’hydroxychloroquine a été utilisée dans de nombreux pays dont certains comme la Suède y ont d’ailleurs renoncé. Si elle avait un effet significatif sur le taux de mortalité ça se saurait. En revanche pour des patients à symptômes faibles ou modérés elle permet de faire baisser la charge virale deux à trois fois plus vite que les défenses immunitaires naturelles. Ça n’est pas négligeable car ça permet de dégager plus vite des lits d’hôpitaux, certes pas des lits de soins intensifs mais des lits « classiques » et par là de faire baisser un peu la pression sur l’hôpital.<br /> Donc pas de miracle mais ça peut être utile.<br /> Cependant c’est le Pr Raoult qui par ses études foireuses a instillé le doute et s’est lui-même tiré une balle dans le pied.<br /> Etude 1 : 26 patients au départ mais les résultats sont publiés sur 20 patients, que sont devenus les 6 « tombés du camion », un mort et trois cas graves, excusez du peu<br /> Etude 2 : encore un mort et trois cas graves mais sur 80, c’est donc mieux. Sauf que si on regarde la composition du groupe il n’y a que 30% de plus de 60 ans alors que la moyenne des hospitalisations en France c’est 67% de plus de 60 ans<br /> Etude 3 : 1016 choisis, on ne sait pas comment, parmi 3000 traités. L’échantillon a un âge médian de 43,9 ans et est composé en majorité de femmes (54%) alors qu’elles sont minoritaires dans les hospitalisations (39%)<br /> Donc population plus jeune que la moyenne d’au moins 20 ans et à forte majorité féminine donc moins à risques, pas étonnant que les résultats apparaissent flatteurs.<br /> Conclusion : l’hydroxychloroquine pourrait peut-être rendre des services (désengorgement de l’hôpital) mais c’est Raoult lui-même qui a semé le doute. Il ne faut surtout pas arrêter d’explorer d’autres voies.<br /> Quant aux arguments complotistes du type « conspiration de Bigpharma car pas assez cher » je ne crois pas un instant que pratiquement tous les chefs d’état du monde laisseraient l’ensemble de l’économie s’effondrer avec des conséquences qui dureront des années et ce pour le profit de la seule industrie pharmaceutique.
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S
@ Maître Folace le samedi 11 avril 2020 à 10:15<br /> <br /> Bonjour,<br /> <br /> Merci pour votre commentaire.<br /> <br /> Je vous suis (presque) entièrement.<br /> <br /> Le bémol porte sur le soulagement des hôpitaux. J'ai vu le résumé d'une étude chinoise (je n'ai pas gardé le lien) à très petite échelle (une dizaine de patients dans chaque bras) qui laisse entendre que les résultats (de quoi exactement ?) ne sont pas formidables.<br /> <br /> Comme St Thomas, j'aimerais voir… et je ne vois rien, ni chez l'un, ni chez les autres.<br />