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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Rêves dociles et cauchemar du COVID-19

10 Mars 2020 , Rédigé par Seppi Publié dans #Risk-monger, #Santé publique, #Politique

Rêves dociles et cauchemar du COVID-19

 

Risk-monger*

 

 

(Source : capture d'écran de Monty Python : Sacré Graal !

 

 

L'année dernière, j'ai écrit que le seul moyen de résoudre le désastre actuel de la politique de précaution est « d'attendre que les corps commencent à s'entasser ». Avec les criquets qui ravagent l'Afrique de l'Est et une épidémie de coronavirus qui paralyse les économies occidentales, il est peut-être temps de revenir en arrière et de voir comment le principe de précaution est devenu l'instrument (le seul) de gestion des risques dans notre boîte à outils politique. Avec une population supposant naïvement vivre une vie sans risque après avoir été rassurée sur la façon dont sa sécurité personnelle était gérée par d'autres, la crise à venir va frapper fort.

 

 

Qu'est-il advenu de la gestion des risques personnels, de la responsabilité et de l'autonomie ? Les populations qui ont perdu la compréhension des risques sont désormais incapables de gérer de simples mesures de réduction des risques. Le COVID-19 nous a appris que deux décennies d'aversion au risque fondée sur la précaution ont produit une population dénuée de confiance, sans la capacité de se protéger. Les temps de panique de masse que nous voyons aujourd'hui ne sont pas des périodes idéales pour réapprendre des compétences simples en gestion des risques, mais peut-être q'un peu d'éducation à la réalité des risques sera la bienvenue une fois que l'indignation sera passée et que les corps auront été enlevés.

 

 

Manipuler avec précaution

 

Deux décennies de principe de précaution en tant qu'outil politique clé pour gérer les incertitudes ont neutralisé les capacités de gestion des risques en offrant, comme seule approche, l'élimination systématique de toute exposition à tout danger. Au fur et à mesure que s'est consolidé l'état d'esprit de prudence et d'aversion au risque, de plus en plus d'entre nous sont devenus des gens dociles, passifs, qui attendent qu'on s'occupe d'eux. Nous ne faisons plus confiance et on ne nous fait plus confiance s'agissant des choix risques-avantages, car nous sommes orientés vers des solutions préventives exagérées. S'il est important de réduire l'exposition aux risques, nos gestionnaires de risques trop protecteurs ont, dans leur zèle, supprimé notre capacité à gérer nous-mêmes les risques. Précaution plutôt qu'information, sécurité plutôt qu'autonomie, consignes plutôt que responsabilité.

 

  • Qu'est-il arrivé à « Tenir hors de portée des enfants » ? Maintenant, on ne peut plus nous faire confiance, et tous les produits doivent être adaptés aux enfants.

 

  • Qu'est-il arrivé à « Manipuler avec précaution » ? Désormais, la sécurité assurée dès la conception du produit a supprimé le besoin pour les individus de faire preuve de bon sens ou de prendre des mesures de réduction des risques.

 

  • Qu'est-il arrivé à la confiance ? Désormais, les individus n'ont plus la capacité de prendre leurs propres décisions en matière de gestion des risques personnels.

 

« C'est bien comme ça », répliqueraient les défenseurs de la précaution « car les gens font souvent des erreurs et il est préférable de prévenir les mauvaises choses ! » Alors que l'amélioration continue des systèmes de sécurité a sa valeur, plus les clôtures sont grandes, moins les individus réagiront de manière autonome (créant une société de suiveurs dociles). L’approche de précaution implique un manque de confiance dans la capacité des individus à faire leurs propres choix (rationnels). Le processus de gestion des risques trop élaboré éliminerait toute situation où des choix pourraient être faits. C'est bon pour les cas où il n'y a pas de compromis, de perturbations ou de perte d'avantages (lorsque les moutons ont beaucoup d'herbe dans leur pré), mais en temps de crise (exposition à des dangers), lorsque la précaution est votre seul outil, alors le sacrifice est la seule solution.

 

 

Quand vous êtes à court de munitions… Courez !

 

Lorsque les sociétés sont confrontées à une crise exigeant une gestion individuelle des risques et que le seul outil que les régulateurs (gestionnaires des risques) semblent avoir laissé est le principe de précaution, l'autonomie et la responsabilité sont supprimées, la confiance est perdue et les avantages sont perturbés. Avec le COVID-19, les régulateurs ont affaire à une population à laquelle ils ne peuvent plus faire confiance car le processus de gestion des risques est devenu centralisé. Dans le même temps, la confiance dans les régulateurs s'est dissipée après une décennie de campagnes intensives de délégitimation militante.

 

La réponse de précaution au COVID-19 est de mettre la flambée en quarantaine pour essayer de minimiser les expositions au virus. Étant donné que la période d'incubation peut durer jusqu'à 14 jours, cela revient à verrouiller les portes après que tout le monde a quitté la pièce. Comme cette mesure échouera inévitablement, la prochaine étape sera de tout fermer. Les économies souffriront beaucoup plus longtemps que notre peur de l'incertitude liée au COVID-19, avec des effets indésirables sur le financement public des soins de santé, mais les précautionnistes n'ont jamais été très gênés par les avantages perdus ou les conséquences désastreuses.

 

Donc, plutôt que de laisser les écoles gérer les risques, ils les ferment. Les enseignants ne pourraient-ils pas saisir cette opportunité pour renforcer les compétences en matière d'hygiène et étendre l'utilisation des désinfectants ? (Ou les écoles ont-elles plutôt interdit l'utilisation de produits chimiques efficaces lors de la dernière vague de précaution ?) Plutôt que de promouvoir les avantages immunitaires de la forme physique et du bien-être, les organisateurs de Tokyo, Rome et Paris ont annulé les courses de marathon de cette année. Ces villes ne pourraient-elles pas profiter de l'occasion pour mettre l'accent sur la forme physique et les modes de vie sains comme bonne prévention des maladies. Plutôt que d'utiliser la pause COVID-19 en Occident pour éduquer le public sur les mesures de renforcement de l'immunité, les régulateurs perdent du temps à rassurer leurs populations et leur dire que rien de mal ne leur arrivera. Plutôt que de faire confiance aux gens pour s'auto-isoler en cas de symptômes d'une atteinte potentielle par le coronavirus (ce qui se fait essentiellement pour toutes les autres épidémies de grippe), nos autorités ont créé une panique de masse dans les supermarchés, une récession économique et une nouvelle baisse de la confiance de la population.

 

Tout cela indique de graves défaillances dans notre capacité de gestion des risques au niveau gouvernemental. Mais comment nos populations gèrent-elles personnellement ce dernier risque de coronavirus ?

 

Quand le public voit désormais tout de la vie moderne (travail, école, événements publics…) annulé dans une impulsion de précaution instinctive, est-il étonnant qu'il panique ? Et voici qu'entre en scène l'opportuniste qui vous vendra la solution miracle ou le remède de désintoxication naturel pour vous mettre à l'aise. Et voici venir le charlatan qui vous dira de boire de l'eau de Javel. Voici encore le raciste qui utilisera la peur pour susciter l'indignation. Plus de rationalité ni de gestion des risques.

 

Quand il n'y a plus de balles dans l'arme de gestion des risques, la seule chose qui reste à faire est de courir… ou comme on l'appelle plus communément : appliquer le principe de précaution. La précaution ne devrait être appliquée qu'après l'échec d'autres mesures de gestion des risques, mais étant donné le niveau horriblement inadéquat de nos capacités de gouverner, c'est la seule stratégie que nos régulateurs connaissent.

 

 

Sûr à 100 %… garanti !

 

Dans la plupart des pays occidentaux, les citoyens s'attendent à une sécurité garantie à 100 % par nos gestionnaires de risques délégués. Regardez les gens paniquer au sujet de minuscules niveaux d'exposition aux pesticides de par leurs céréales pour petit-déjeuner : cela indique à quel point la demande de la société est en faveur d'avantages sans risque. Cette mentalité d'aversion au risque engendre la complaisance dans une population ignorant que la prise de risque est une pratique nécessaire et constante. Lorsqu'ils sont confrontés à des risques perçus, les gens paniquent et finissent souvent par prendre des décisions stupides.

 

Ironiquement, plus ces personnes redoutant les risques exigent des mesures de réduction des risques, plus elles s'exposent à des risques. La demande d'aliments sans pesticides pour des raisons de santé entraîne une diminution de la consommation de fruits et légumes. La demande de désinfectants moins caustiques augmente les risques de flambées de pathogènes. La demande de produits plus naturels avec moins de conservateurs et d'emballages entraîne une augmentation des gaspillages et des intoxications alimentaires. Si nous apprenions davantage à accepter de petites expositions à des dangers (pesticides, produits chimiques, emballages…), nous serions plus en sécurité.

 

Nous sommes maintenant dans une situation où la prochaine génération d'adeptes du risque zéro doit se préparer à l'apocalypse et tester sa préparation à la gestion des risques personnels. Et en quels produits nos milléniaux [ou génération Y, née entre le début des années 80 et la fin des années 90] privilégiés s'approvisionnent-ils ? En tant qu'enfant des kits de survie à l'apocalypse nucléaire de la guerre froide, je suppose : eau, produits de nettoyage, conserves. Non ! Les provisions de choix que font en priorité les populations de l'Australie à la Belgique, en passant par les États-Unis, et qui vident frénétiquement les rayons des supermarchés sont… le papier toilette. Oui… du papier toilette. Je suppose que dans le monde d'une apocalypse millénaire imaginaire, Uber Eats pourra toujours livrer mon café Starbucks, donc je devrais juste m'assurer que mes fesses sont propres.

 

 

Les merdes se produisent

 

Les gens tombent malades, les gens meurent – c'est la vie ! La nature est telle que les forts se remettent de maladies et de virus comme le COVID-19 (et deviennent souvent plus forts) alors que nous avons besoin de la science et de l'humanité pour protéger les faibles. L'objectif de la gestion des risques doit toujours être de réduire la vulnérabilité.

 

Les gestionnaires des risques auraient dû faire ce qui est évident avec des moyens de réduction des risques limités : allouer toutes les ressources et l'énergie à la construction de pare-feux pour protéger les personnes vulnérables dans les hôpitaux et les maisons de soins en laissant le reste de la société gérer les risques de l'épidémie actuelle par l'auto-isolement et en fonction de leurs situations, capacités et ingéniosité. Au lieu de cela, tout le monde est mélangé dans la même soupe virale. Les forts (mais nerveux) encombrent les salles d'attente des urgences de l'hôpital pendant que les personnes âgées et à risque montent dans les bus. Et là où il y a des quarantaines, les forts et les infirmes partagent le même air. La débâcle du navire de croisière Diamond Princess mis en quarantaine à Yokohama servira de bonne étude de cas où, dans un monde de précaution, la profession de gestionnaire des risques était inexistante.

 

À titre personnel, en tant que personne atteinte d'une maladie cardiaque et encore affaiblie après une bataille de 18 mois contre une série d'infections d'organes, je me mettrais sur cette liste des vulnérables au COVID-19. Mme Monger se remet également lentement d'une crise respiratoire qui ne lui a laissé que 62 % de sa capacité pulmonaire. Les autorités belges ont nos dossiers médicaux et les mégadonnées devraient les aider à hiérarchiser les mesures de santé pour les personnes les plus exposées à la flambée actuelle… mais cela nécessiterait des gestionnaires des risques raisonnables. À ma connaissance, l'État belge ne fait aucun effort pour protéger ses citoyens les plus vulnérables. Nos gestionnaires des risques essaient plutôt de se montrer occupés en annulant des événements et en perturbant les activités économiques et sociales. À la Maison Monger, nous construisons activement nos propres pare-feux, essayant de renforcer notre immunité et de nous laver les mains avant de toucher le visage.

 

Je suppose que nous sommes censés être des moutons dociles attendant qu'une croix rouge soit peinte sur le linteau de notre porte d'entrée.

 

 

Les dociles

 

J'ai écrit un article et a prononcé une allocution l’année dernière sur ce que j’ai appelé le poison de la précaution, où j’ai déploré la façon dont notre recours excessif au principe de précaution au cours des dernières décennies a abouti à un changement de société vers un état d'esprit privilégiant le risque zéro, et mettant l'accent sur l'interdiction de substances et d'activités plutôt que sur la mise en œuvre de notre énergie intellectuelle pour résoudre des problèmes grâce à la science et la technologie. Relever les défis de la société requiert du leadership, des preneurs de risques et des innovateurs. La précaution nous enseigne le panurgisme, comment baisser la tête et fuir toute menace ; comment être des moutons dociles plutôt que des loups qui trouvent des solutions aux problèmes.

 

Les pires moutons sont les gourous naturophiles qui agissent comme des loups

 

Bien que la technologie de l'information ait profité à l'humanité de tant de façons, ses conséquences sont troublantes. Avoir un appareil entre nos mains qui apporte des réponses faciles à tous les besoins a tendance à réduire nos capacités cognitives. J'ai en fait conçu un cours pour les étudiants en première année de commerce pour tenter de réparer les dommages intellectuels des smartphones. Les mégadonnées nous classent dans des communautés tribales de gens qui pensent comme nous, donc nous n'avons pas besoin d'être mis au défi par des idées (nous avons banni ou bloqué ceux qui ne sont pas d'accord avec nous). Nous suivons les instructions de Google Maps pour aller d'un point A à un point B ; nous téléchargeons une application qui rédigera notre travail de fin de session ; nous trouverons quelqu'un d'intéressant en naviguant bien. En échange, nous avons abandonné toute capacité analytique et critique pour porter des jugements personnels solides – nous n'avons pas la capacité de gérer correctement les risques. Nous sommes devenus des moutons avec tous nos besoins pris en charge pendant que nous suivons notre tribu, nous orientons grâce à nos téléphones, suivons les loups…

 

Je cherchais un nom pour décrire comment ces personnes peu intelligentes ont permis à cette folie de se perpétuer sans opposition. Dans le texte peut-être le plus mordant que j'aie jamais écrit, je les ai appelées « porcs confus » (mais on m'a dit que c'était offensant… pour les porcs). « Docilians » – les dociles – est peut-être le prochain raccourci de mon lexique pour suivre l'évolution de l'Âge du Stupide.

 

Les dociles sont des individus qui n'ont pas besoin de penser, qui s'attendent à ce que les choses soient faites pour eux et qui craignent les perturbations et les défis. Les gens deviennent dociles quand ils sont bien nourris, quand des réponses leur sont données sur le chemin de la moindre résistance et quand leur tribu prend des décisions pour eux. Les risques terrifient les dociles car ils ont été amenés à croire que leur monde a été rendu sûr pour eux. Ils recherchent des zones de sécurité intellectuelle et leurs communautés de réseaux sociaux les protègent des pensées difficiles (du besoin de toute pensée). Par précaution dans leur état d'esprit, les dociles n'accueillent pas les nouvelles solutions ou les innovations (ils détestent les entrepreneurs) mais résolvent plutôt les problèmes en disant « Non ! » à tout risque ou incertitude (ils soutiennent les contrepreneurs naturophiles). Dévoués à leurs gourous tribaux, les dociles ne se soucient pas de la perte des avantages ou de la souffrance des autres.

 

Les dociles sont des moutons.

 

Notre état d'esprit culturel de précaution célèbre le suivisme, abhorre le leadership innovant et sert de seul outil de gestion des risques pour une société de dociles exigeant le risque zéro. En période d'abondance et de bonne santé, les moutons sont heureux… mais je crains qu'avec l'invasion des criquets et la survenue de nouvelles quarantaines, nos moutons manquent de pâturages.

 

 

Post-scriptum

 

On m'a dit que mon article était trop sombre pour les gens qui ne veulent avoir que des pensées heureuses. Donc pour eux, voici une conclusion de substitution (mais prenez-la comme un dernier avertissement) :

 

Heureusement, nous avons peut-être encore suffisamment de scientifiques innovants pour développer de nouveaux vaccins, des produits chimiques désinfectants et des outils de protection des cultures pour gérer les crises et les risques auxquels nous sommes confrontés. Mais une autre décennie de précaution docile, une autre décennie de campagnes contre les produits chimiques, les pesticides, les produits pharmaceutiques et les vaccins, une autre décennie de régimes alimentaires et de pratiques qui affaiblissent l'immunité, et nous aurons certainement un problème de pâturages stériles avec des carcasses de ruminants pourrissantes.

 

_______________

 

David pense que la faim, le SIDA et des maladies comme le paludisme sont les vraies menaces pour l'humanité – et non les matières plastiques, les OGM et les pesticides. Vous pouvez le suivre à plus petites doses (moins de poison) sur Twitter et la page Facebook de Risk-monger.

 

Source : https://risk-monger.com/2020/03/08/docilian-dreams-and-the-covid-19-nightmare/

 

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