Covid-19 et collapsophiles : rien ne les arrête !
La France patauge dans une crise qui n'est pas que sanitaire, mais qui impose une priorité : stopper l'épidémie de SRAS-CoV-2. Cela n'empêche pas des maniaques du changement climatique de tenter de pousser leurs pions. Au contraire, certains ne se gênent pas d'instrumentaliser la situation actuelle à l'appui de leur cause.
Le Monde Planète continue d'offrir ses colonnes aux collapsophiles qui salivent à la perspective de mettre notre société à bas – au nom du « bien de la planète » – dans la foulée des mesures de confinement et de restriction destinées à endiguer l'épidémie de SRAS-CoV-2.
Ainsi, un collectif – forcément... ça chasse préférentiellement en meute – de personnalités – forcément... les nobles causes ne peuvent être promues que par elles – nous intime le 19 mars 2020 (date sur la toile) et le 20 (édition papier) qu'« Après le confinement, il nous faudra entrer en résistance climatique » (les guillemets sont dans le titre). C'est hallucinant dès l'entrée en matière :
« Depuis deux ans, les mobilisations pour le climat se multiplient sans être écoutées. La crise du coronavirus vient démontrer à tous qu’une bascule rapide est possible et ne nécessite que deux choses fondamentales : de la volonté politique et du volontarisme citoyen. Afin d’y forcer nos dirigeants sans attendre, après le confinement, nous devons adopter une stratégie plus ambitieuse. Il ne nous faudra pas revenir à la normale mais entrer en résistance climatique. Nous partons de l’idée qu’il est possible de maintenir une vie digne et heureuse sur Terre. Nous nous battons contre ce qui détruit le vivant. Nous agissons pour ce qui le préserve. Pour cela, suivant les recommandations scientifiques sur le climat et la biodiversité, nous visons une victoire climatique à travers une profonde transformation de nos vies et de nos sociétés. »
Ces gens sont vraiment hors-sol ! Ils semblent imaginer que ce qui est accepté – avec beaucoup de réticences dans certains milieux (le maire de Nice vient de décréter un couvre-feux à partir de 20 heures) – quand la santé, voire la vie, est en jeu, pourra être prolongé pour obtenir « une décroissance énergétique mondiale » – « objectif neutralité carbone 2050 ».
Bien sûr, il faudra « forcer nos dirigeants », comme si le peuple n'avait pas droit à la parole – enfin le vulgum pecus, pas cette « élite » aux nobles et généreuses aspirations.
Voyez-vous, dans le plan en cinq phases, il faudrait, dans la phase 1,
« repenser sa manière de se déplacer et ne plus prendre l'avion, redécouvrir les transports doux et rouler moins de 2000 kilomètres par an en voiture; développer la cuisine végétarienne et se nourrir d'aliments biologiques, locaux et de saison, avec de la viande au maximum deux fois par mois [...] »
Et, dans la phase 3 :
« abolir l'aviation de masse pour envoyer le message que la crise climatique est réelle. Cette victoire permettra de pulvériser la norme sociale destructrice à laquelle l'avion appartient. »
Le travailleur dépendant de sa voiture est donc prié de se loger à moins de 10 kilomètres de son lieu de travail (ou de déplacer l'usine...). « On » sollicitera M. Pierre Casiraghi pour se rendre à New York en voilier... enfin, ce ne serait que « l'aviation de masse » qui serait abolie...
C'est dit par des « signataires [qui] soutiennent cette stratégie, mais tous n'ont pas encore pleinement mis en œuvre les 4 actions de la phase 1 »...
Des Tartuffe format Pantagruel !
Parmi eux l'hélicologiste Yann Arthus-Bertrand, l'astrophysicien Aurélien Barrau et sa montre à plusieurs milliers d'euros, le sociologue, anthropologue et philosophe Bruno Latour, l'inévitable Pablo Servigne ; et huit autres, moins médiatiques mais quand même « personnalités ».
Faites ce que j'écris, pas ce que je fais...
Le Monde ne semble pas « lutter » dans son édition papier du 19 mars 2020 : un titre, « Les leçons de la crise du coronavirus pour lutter contre le changement climatique » prend presque une demi-page. Le titre est donc en grands caractères, mais leur minceur n'est-elle pas annonciatrice de la minceur du propos ? En chapô de la version électronique intitulée « De la crise du coronavirus, on peut tirer des leçons pour lutter contre le changement climatique » (les guillemets sont dans le titre) :
« Les mesures radicales et pourtant acceptées par la population pour endiguer l’épidémie éclairent sur la manière de mener le combat contre le réchauffement de la planète, estiment la spécialiste en santé publique [Anneliese Depoux] [François Gemenne] et le chercheur en sciences politiques dans une tribune au "Monde". »
Reconnaissons aux auteurs des propos plus mesurés que ceux des prescripteurs de sobriété pour autrui susvisés :
« Mais cette crise montre en tout cas une chose : il est possible que des gouvernements prennent des mesures urgentes et radicales face à un danger imminent, y compris des mesures (très) coûteuses. Et il est possible que ces mesures soient acceptées par la population.
Et pourtant, malgré les menaces très graves qui y sont également associées, nous n’avons pas été capables de prendre des mesures similaires pour contrer le changement climatique. […]
Alors que nous sommes parfaitement capables de traiter la pandémie du coronavirus pour ce qu’elle est – une urgence absolue, nécessitant des mesures radicales sur la base d’avis scientifiques – nous sommes à l’évidence incapables de faire de même pour le changement climatique. Pour le dire simplement : nous avons beaucoup plus peur du coronavirus que du changement climatique. Pourquoi ? »
L'analyse se fait louvoyante – et pour cause, le propos est foireux – pour aboutir à :
« Et surtout, les mesures de lutte contre le coronavirus sont des mesures imposées par l'état de nécessité : nous ne les avons pas choisies, nous les subissons. Les mesures pour lutter contre le changement climatique devront être choisies. Comment passer de l'un à l'autre, du subi au choisi ? Tout l'enjeu est là. Car les réponses à la crise du coronavirus sont aussi un appel à retrouver le sens du commun. Et elles nous montrent qu'il est possible de prendre des mesures radicales et urgentes face à un danger imminent. Puissions-nous en tirer les leçons qui s'imposent dans le combat contre le changement climatique. »
« ...on peut tirer des leçons » selon un titre de la version électronique, mais les auteurs concluent par une interrogation et un vœu pieux... La boucle de la contradiction est bouclée.
Bien peu prudents sont ceux qui pensent que la crise du Covid-19, d'un danger réel et imminent, puissent fournir beaucoup de leçons – si tant est qu'on les tire... – s'agissant de la question climatique, une question diffuse, à moyen ou long terme, et appelant des mesures très différentes de celles appliquées aujourd'hui.
Mais le Monde a rempli une pleine page...
Mme Laurence Tubiana a accordé un entretien à Ouest-France. Parler de l'écologie et du climat est quasiment un must pour elle. N'est-elle pas titulaire de la chaire Développement Durable à Sciences Po Paris – cette institution qui trouve que Mme Vandana Shiva est fréquentable (oups ! Un sophisme du déshonneur par association, mais ça fait du bien)... – et directrice de la Fondation Européenne du Climat ?
Elle n'a certainement pas choisi le titre... une sorte de lapalissade...
On est tout de même surpris de voir étalés les éléments de langage de l'activisme :
« Il est important de rappeler que le Covid-19 est une zoonose, une maladie issue du monde animal. Sa propagation a été rendue possible par nos modes de vie. L’extension de l’habitat humain, la déforestation, l’artificialisation des sols, provoquent de plus en plus d’interactions entre l’espèce humaine et le monde sauvage. [...] Avec le réchauffement climatique, la grippe n’est déjà plus saisonnière dans les tropiques. Le dérèglement climatique, directement lié aux émissions de gaz à effet de serre de l’activité humaine, est un vrai multiplicateur de menaces. »
Flûte ! Nous faisons face à une pandémie causée par un virus dont le réservoir naturel est une chauve-souris, virus qui a certainement été transmis à un patient zéro (ou plusieurs), probablement par un pangolin acheté sur un marché.
Il est plutôt navrant de ramener aujourd'hui les thèmes activistes généraux.
Du reste, on voit mal le rôle de l'artificialisation des sols dans cette affaire. Et si la grippe, maladie des saisons fraiches, n'est plus saisonnière sous les tropiques, il faut s'interroger aussi sur le rôle attribué au climat.
Notons toutefois cette réponse :
« Pour autant, le coronavirus semble avoir mis le climat entre parenthèses…
Oui, des marches ont été annulées, l’important sommet entre l’Union européenne et la Chine a été reporté et les efforts diplomates sur l’ambition climatique sont à l’arrêt. C’est cohérent, responsable et rationnel. Greta Thunberg dit suffisamment qu’il faut écouter les scientifiques. C’est vrai pour la crise du climat, cela vaut pour la crise sanitaire. Les spécialistes des épidémies nous disent que la seule manière d’écrêter le pic de contamination est d’éviter les regroupements et de rester chez soi. C’est la réalité, il faut le faire. »
La rationalité et le bon sens sont tout de même au rendez-vous. Mais fallait-il se prévaloir de Ste Greta ?
Cependant, on retombe vite dans l'à-peu-près, le discours convenu (voire la flatterie pour s'attirer les bonnes grâces élyséennes/jupitérienne) :
« Donc, le climat pourrait redescendre d’un cran…
Je ne pense pas. Cette crise sanitaire est très liée à la crise écologie. Elle nous amène à réfléchir à notre surconsommation, à nos dépendances aux marchés internationaux, à l’interpénétration de nos économies. »
Climat et maladies – et activités humaines – sont cependant liés.
Ainsi, ce n'est qu'une question de temps avant que nous ayons les premiers cas, non sporadiques, de maladies virales véhiculées par le moustique tigre. Mais nous sommes là, essentiellement, dans le domaine des maladies connues, non émergentes comme le SRAS-CoV-2.
Le dégel du pergélisol arctique pose un problème d'une autre envergure. 20 Minutes a produit un excellent article sous la signature de Mme Laure Beaudonnet, « Le coronavirus pourrait être une partie de plaisir à côté des maladies futures ». En chapô :
« PANDEMIES Avec le réchauffement climatique, des virus disparus pourraient réapparaître. »
Ne soyons toutefois pas pessimistes : s'il est une leçon que l'on pourra probablement tirer de la crise actuelle, c'est que la science est capable de produire des résultats très rapidement.
L'article de 20 Minutes, « La climatologue Corinne Le Quéré demande une réponse équivalente au coronavirus pour le climat », date du 11 mars 2020, des temps maintenant anciens où l'on tergiversait encore.
Selon le chapô :
« ENVIRONNEMENT La présidente du Haut conseil pour le climat estime que les mesures actuelles ne sont pas "au niveau" de l’urgence. »
Mme Le Quéré était persuadée que l'on déployait les grands moyens dans la lutte contre le Covid-19 :
« Des plans d’actions sont développés sur la base de données scientifiques et actualisées. Une réponse rapide est coordonnée à l’international, soutenue par les individus et les entreprises. La communication est continue. Des sommes importantes sont débloquées au niveau national ou européen pour aider les entreprises à passer le cap. […] On sait donc faire. »
Ne soyons pas trop durs avec l'auteure des propos, qui s'exprimait devant le Conseil Économique, Social et Environnemental (CESE) et défendait les intérêts de sa boutique : ce catalogue de douces illusions est un « moi y en a aussi vouloir des moyens ». Il reflète un drame de notre système de gouvernance actuel : dans les allées du pouvoir, chacun prêche pour sa petite chapelle, et tant pis pour l'intérêt général.