Covid-19 : derrière les immenses enjeux sanitaires, une farce
La question du traitement du syndrome respiratoire aigu sévère (SARS) dû au coronavirus Covid-19 – en clair, la vie de nombreux patients – a pris un tour détestable et a tourné à la farce.
Faut-il administrer de l'hydroxychloroquine (du Plaquenil) ou un combo hydroxychloroquine + azithromycine aux malades ? Telle est la question qui fait débat pour le moment et qui empoisonne l'opinion publique.
Le malade potentiel – et le parent d'une personne effectivement atteinte et sous assistance respiratoire – que je suis est évidemment convaincu que la réponse est positive. Quoique... faites en sorte qu'il y ait encore au moins une boîte de chaque le jour où j'en aurais – espérons que non – besoin (à supposer que le traitement soit efficace...).
Dans les médias, de nombreux malades potentiels – on les appelle des journalistes – sont sur une ligne similaire. Quant aux politiques, surtout aux chevaux et aux juments de retour, la polémique est une occasion rêvée de jouer des coudes et de se profiler... en oubliant pour certains qu'ils ont été aux manettes – certes pas au ministère de la santé – quand le désastre d'aujourd'hui a été « soigneusement » construit.
(Source – le gazouillis a, parfaitement contradictoire, été supprimé)
(Source)
Le milieu médical n'est pas épargné. Là encore, parmi ceux qui se disputent le micro et aspirent à une statufication sur chaque place publique au titre de sauveur de l'Humanité, il y en a qui, il y a peu, tournaient les inquiétudes en dérision. Le JDD n'a-t-il pas, par exemple, titré le 1er février 2020 : « Le professeur Didier Raoult : "Ce coronavirus n'est pas si méchant" » ?
Un vidéo du 21 janvier 2020
Une vidéo du 25 février 2020. Elle s'intitulait à l'origine « Fin de Partie pour le coronavirus ! », titre modifié après que les Décodeurs du Monde ont expliqué qu'elle était partiellement fausse.
On peut dire d'une manière générale que ce monde médical – tout comme le monde politique – s'est lourdement trompé. Mais les erreurs ont été faites, il ne reste plus qu'à répondre aux défis de manière efficace – ou la plus efficace possible compte tenu des limites de nos moyens d'action.
Ce qui se joue – ou semble se jouer –, c'est une formidable guerre d'égos. Une guerre qui ne répugne pas à se mettre au niveau du « classico » footballistique (le match, dans l'ordre alphabétique, OM-PSG) et à user de thèses complotistes.
🔴 #Chloroquine : "Ce qui se passe à Marseille est absolument scandaleux (...) C'est en dehors de toute démarche éthique"
— Info France 2 (@infofrance2) March 23, 2020
💬 Karine Lacombe, infectiologue, réagit dans le #JT13h#Coronavirus #Restezàlamaison pic.twitter.com/HRuTDpzef3
Pouvons-nous encore avoir une démarche rationnelle ? Pouvons-nous encore dire : « Minute ! » ? Après l'analyse objective et l'intuition sur l'utilité possible de la chloroquine et de ses dérivés, il y a eu une micro-étude fortement critiquée parce que bâclée et surtout scandaleusement médiatisée, suscitant un emballement d'espoirs qui devaient fort logiquement être confortés – ou infirmés – par des études plus sérieuses. Elles sont en cours (quatre traitements étudiés en parallèle sur 3.200 patients au niveau européen) et les résultats ne sauraient tarder. L'OMS a aussi lancé une étude.
(Source)
La « querelle » – en gros entre Marseillais et Parisiens – a été artistiquement orientée, à mon sens, vers la question des effets secondaires : ces effets étant largement connus, les tenants parisiens de la prudence et de la rationalité scientifique et médicale ne pouvaient qu'être discrédités. Il y a pourtant d'autres questions qui se posent.
L'une d'elles – et pas la moindre – est celle de la disponibilité des médicaments et, partant, de la logistique pharmaceutique.
Le 23 mars 2020, au soir, le Ministre des Solidarités et de la Santé Olivier Véran a annoncé que le Haut Conseil de Santé Publique a recommandé de ne pas utiliser la chloroquine, sauf pour des formes graves et sous surveillance médicale stricte.
la réponse de notre ministre sur le sujet devrait vous intéresser pic.twitter.com/MM7k6rrTU7
— Thomas #RestezChezVous (@Thomas_Auriel) March 22, 2020
La veille, l'Institut Hospitalo-Universitaire Méditerranée Infection annonçait qu'il pratiquerait un test de dépistage sur tout malade fébrile qui viendrait le consulter et de proposer un traitement combiné à tout patient infecté sous réserve des précautions d'usage.
(Source)
C'est, ni plus ni moins, une déclaration de guerre aux autorités sanitaires. Est-ce dans l'intérêt de la population, infectée ou non ? On peut penser ici qu'il s'agit plutôt de l'éruption d'un ou plusieurs égos zeppelinesques.
Alors que le Président de la République Emmanuel Macron a plaidé pour l'union nationale dans des discours qu'on peut ou non apprécier (ils furent bien trop littéraires à mon goût), un grand institut médical fait sécession.
Alors que la France souffre d'une pénurie de produits pour les tests et que se pose la question de la disponibilité en masse des médicaments – et peut-être bientôt la question de la priorité à donner au personnel médical pour les soins –, un grand institut médical bien pourvu du fait de ses fonctions décide de se faire franc-tireur et d'utiliser largement des ressources limitées, de surcroît dans une région qui ne compte pas parmi les plus infectées de France.
C'est d'une irresponsabilité et d'un incivisme intolérables. Il y en a qui méritent le goudron et les plumes.
Cet article a été commencé le 24 mars 2020 et laissé en souffrance pendant un temps, le temps que des neurones se reconnectent pour faire jaillir l'hypothèse qu'une panne d'Internet peut être causée par un simple problème de connexion un peu fatiguée. Bien des choses se sont produites entre-temps.
La farce trouve un nouveau sommet avec une tribune dans le Monde – décidément aux avant-postes du n'importe quoi –, « Didier Raoult : "Le médecin peut et doit réfléchir comme un médecin, et non pas comme un méthodologiste" », résumée dans l' Obs dans « Dans une tribune, Didier Raoult justifie ses méthodes et tacle le conseil scientifique ». On lira aussi avec intérêt « Le Professeur Didier Raoult : Rebelle Anti-Système ou Mégalomane sans éthique ? ». Cest très long et très détaillé.
Les premiers résultats des essais cliniques de grande envergure tomberont dans les prochains jours.