Glyphosate et le Monde Planète d'un Stéphane : le grand bal de Mardi Gras
Le Monde Planète – de M. Stéphane Foucart – nous aura gratifié d'un article grandiose, « L’évaluation officielle du glyphosate de nouveau mise en cause » le 24 février 2020 sur la toile et le 25 février 2020 – Mardi Gras – dans l'édition papier.
En bref,
« La réanalyse des tests fournis aux autorités réglementaires, indique que l’herbicide controversé est susceptible de déclencher des cancers chez les rongeurs. »
Plus en détail et en introduction de l'article,
« Près de cinq ans après la classification du glyphosate comme "cancerogène probable" par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), c'est une nouvelle pièce qui s'ajoute au débat sur les dangers de l'herbicide controversé. »
Qui a réalisé la « réanalyse » ? Un certain Christopher Portier que nous avons souvent rencontré sur ce blog. D'une honnêteté et d'une moralité impeccables...
Il avait été coopté en tant que spécialiste invité dans le groupe de travail du Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) qui avait déclaré à l'issue de – osons-le, en restant dans l'euphémisme – manœuvres que le glyphosate était un cancérogène probable. Quelques jours après la publication de cette décision, il reçut une juteuse proposition de contrat, pour servir de témoin expert, de deux cabinets d'avocats prédateurs déterminés à faire les poches de Monsanto, maintenant Bayer.
Il s'est évidemment dévoué à cette tâche avec diligence et zèle – et on l'a vu prêcher la « bonne parole » dans les instances européennes, sans nul doute en soutien, au moins implicite et collatéral, de l'opération états-unienne de racket par la voie judiciaire.
En bref, ce Monsieur est affligé d'un énorme conflit d'intérêts qui devrait le priver de toute crédibilité – surtout dans ce Monde Planète qui agite le spectre du conflit d'intérêts à tout bout de champ... enfin quand ça l'arrange...
Les relations d'affaires troubles de M. Christopher Portier ne sont cependant pas occultées, mais artistiquement noyées dans le texte. Il est :
« ancien directeur du National Toxicology Program (NTP) américain et aujourd’hui professeur associé à l’université de Maastricht (Pays-Bas) ».
Plus loin, en incise :
« [il] a participé à des procès outre-Atlantique contre Monsanto, en qualité d’expert témoin auprès de plaignants ».
En tout cas, donc,
« Dans sa dernière édition de février, la revue Environmental Health publie une réanalyse des treize études de cancérogénicité disponibles menées sur des rongeurs. Conduite par le toxicologue Christopher Portier, ancien directeur [… cf. ci-dessus], cette étude indique que l’herbicide controversé est susceptible de déclencher différents cancers sur les animaux exposés. »
Cette formidable découverte est donc décrite avec une remarquable prudence et mesure. La suite est plus brutale :
« Si cette conclusion est notable, c’est que ces mêmes tests – dont la majorité ont été menés par les industriels eux-mêmes – ont servi de base aux avis des autorités réglementaires, notamment européennes et américaines. Or celles-ci ont unanimement estimé, à l’inverse, que le glyphosate n’a pas de potentiel cancérogène. »
On peut s'amuser à cette lecture : les tests « menés par les industriels eux-mêmes » normalement vilipendés et dénigrés dans la littérature activiste viennent sans nul doute d'acquérir une grande qualité...
Le contraste est – à dessein ? – trop brutal : ce qu'ont conclu les autorités, c'est que le glyphosate n'est pas cancérogène lorsqu'il est utilisé conformément aux préconisations d'emploi. Évidemment, les choses changent ou peuvent changer quand on administre quelque 5 grammes (vous avez bien lu), voire 9 de glyphosate par kilogramme de poids corporel et par jour.
Les études « réanalysées » par M. Christopher Portier. Notez les doses...
Mais oyez, oyez, braves gens ! M. Christopher Portier a raison sur une douzaine d'agences d'évaluation et de réglementation et des centaines d'experts...
Enfin... M. Stéphane Foucart, en bon journaliste, a interrogé le toxicologue – un vrai, M. Christopher Portier ne l'est pas – Bernard Salles, ancien directeur de l'unité Toxalim (INRAE, université de Toulouse) :
« Au vu de cet ensemble de résultats, le niveau de preuve de cancérogénicité chez le rongeur est limité mais non nul. »
On ne cesse de nager dans le sophisme de l'homme de paille : les autorités ont dit – suit une allégation fausse ou, au mieux, incomplète –, M. Christopher Portier démontre que c'est faux...
Son chef d'œuvre de réanalyse, c'est « A comprehensive analysis of the animal carcinogenicity data for glyphosate from chronic exposure rodent carcinogenicity studies » (une analyse complète des données sur la cancérogénicité animale pour le glyphosate provenant d'études de cancérogénicité chez les rongeurs à exposition chronique – traduction Google).
Nous n'entrerons pas dans cet article, et ne traduirons pas même le résumé. C'est à l'évidence une fishing expedition, une pêche au chalut.
Non, ce qui est intéressant, c'est la peer review, l'examen par les pairs qu'à diligentée Environmental Health.
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Mme Fiorella Belpoggi, de l'Istituto Ramazzini, qui nous a fait produire de belles pages sur ce site. En bref, une militante anti-pesticides (et plus...). Son évaluation ? Brève et, bien sûr, positive.
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M. Michael Antoniou, du King's College de Londres. Autre militant anti-pesticides et anti-OGM notoire. On relèvera qu'il est membre du conseil scientifique du Comité de Recherche et d’Information Indépendantes sur le Génie Génétique (CRIIGEN). Son appréciation : « un article exceptionnel ».
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Mme Lianne Sheppard, professeure à l'université de Washington... et co-auteure d'articles tentant de nous convaincre que le glyphosate est cancérigène (voir ici et ici sur ce site). Elle aussi considère que l'article est exceptionnel.
Mme Lianne Sheppard est aussi longuement citée dans l'article du Monde : des récriminations contre l'Environmental Protection Agency (EPA) qui n'aurait pas appliqué ses procédures et masqué des effets cancérogènes.
Non, Mme Lianne Sheppard, reviewer de l'article de M. Christopher Portier, n'a pas de conflit d'intérêts quand elle contribue à la promotion de l'article...
C'est probablement à son insu, ses propos cités ayant été extraits d'un article publié dans Forbes. Un article qui contient cette perle :
« Une caractéristique du processus scientifique est un profond scepticisme et un examen indépendant par les pairs ».
Antoniou, Belpoggi, Sheppard... pour un article à charge contre le glyphosate...