Agribashing v. agriloving ? Petite revue de presse
Le hasard a créé un « cluster » de publications sur l'agribashing.
Pour rappel, l'excellent « L'agribashing n'existe pas / Baliverne #23 » d'Agriculture et Environnement, la revue et le site de M. Gil Rivière-Wekstein (vidéo ci-dessous).
« ... l’agribashing n’a rien à voir contrairement à ce qu’ils prétendent avec la critique d’un modèle agricole. L’agribashing consiste à dénigrer de façon constante et systématique les agriculteurs conventionnels et leurs pratiques en leurs collant l’image de pollueur, d’empoisonneur ou encore de tueur. Occultant les progrès constants des pratiques agricoles, les agribasheurs stigmatisent les agriculteurs, les accusants notamment aggraver le réchauffement climatique, d’annihiler la biodiversité, de maltraiter les animaux ou encore d’empoisonner les aliments. »
Il y a aussi ce point de vue :
L'#agribashing, une démarche bien au delà de la #fabriquedelapeur, une critique systématique de notre modèle agricole qui participe d'une véritable guerre économique. @ForceRep_fr @BrunoRetailleau pic.twitter.com/Mz3tInE7E7
— GRW (@AEGRW) February 7, 2020
Nous avons publié sur ce site plusieurs éditos de M. Jean-Paul Pelras, qui sévit pour le bonheur de ses lecteurs dans l'agri, « le journal qui le dit, tous les jeudis. Actu agricole & rurale de l'Aude et des Pyrénées-Orientales ». L'un d'eux (republié ici sur ce site) a été repris en main, muni d'un titre plus salonfähig – « Agribashing : "Quand la terre se tait" » – et publié dans le Point. En résumé :
« TRIBUNE. Ancienne figure catalane de la résistance paysanne, l'écrivain Jean-Paul Pelras dénonce ces néoruraux qui fantasment une campagne de carte postale. »
(Source)
Nous avons rencontré dans un article précédent le blog La campagne passe au vert – 15 jours en Haute-Loire – Sur les chemins du défi écologique de huit étudiants de l'ESJ Pro Montpellier. Et on y trouve des choses de grande qualité. Procédons dans l'ordre alphabétique.
« Le bio, le coup de trop qui fait craquer les agriculteurs » de M. Robin Bouctot est un article plein d'émotion et de justesse. En voici le chapô et le premier paragraphe :
« Bio, bio, bio, bio, bio. Pour les agriculteurs déjà en souffrance, la remise en question de leurs pratiques est la blessure de trop. Quand la coupe est pleine, le traumatisme affleure.
Déboussolés. Déjà écrasés par les coûts et les réalités d’un monde qui bat de l’aile, les agriculteurs subissent une nouvelle charge. Comme si leurs difficultés ne suffisaient pas, il leur faut désormais supporter les critiques de la terre entière. Porter le poids des erreurs du passé et des autres. Pesticides, bien-être animal, environnement, pollution des sols. Drapeau vert au vent, écolos, citadins, scientifiques et bureaucrates remettent en question des décennies de pratiques dans les champs. "Les mots des écolos, ils me pèsent. Ils me font mal. Peut-être que je suis trop sensible et que je prends les choses trop à cœur. Peut-être que je devrais laisser couler sur moi, comme on dit."
L'ordre alphabétique a du bon... Mme Tiphaine Sirieix nous a présenté « Le "youtubeur-agriculteur" qui n’aimait pas Elise Lucet… » Voici également le chapô et le premier paragraphe :
« Au compteur, 73 vidéos et 850.000 vues. Éleveur d’ovins à Saugues, le youtubeur Guillaume Redon donne à voir "sa" réalité de l’agriculture. En mode 2.0, à contre-courant des clichés.
Énervé… Horripilé par les reportages "à charge" réalisés par les journalistes. Agacé par l’ignorance des citadins sur les pratiques agricoles. Fatigué des consommateurs qui exigent du "bio à prix coûtant", Guillaume Redon, 33 ans, éleveur d’ovins à Saugues, en Haute-Loire, a décidé de crier sa vérité, sur YouTube sous l’intitulé "Guillaume, éleveur de brebis". »
On apprécie !
Mme Tiphaine Sirieix cite M. Guillaume Redon :
« S’ils ont une mauvaise image de l’agriculture, c’est à cause des médias. Elise Lucet a particulièrement le don de m’énerver. Ses reportages font mal à l’agriculture. Nous sommes stigmatisés, alors que l’agriculteur est le premier écolo. Mais on nous demande de laver toujours plus blanc que blanc. Les consommateurs veulent du bio, au prix le plus bas. Tout ça n’a pas de sens. »
Ce mot « reportages » apparaît deux fois dans le texte. S'il est nécessaire pour véhiculer le message, est-il pour autant approprié ? Mme Élise Lucet produit-elle ou fait-elle produire des « reportages » sur les sujets liés à l'agriculture (et d'autres) ? Et qui, parmi les agriculteurs, apprécie la dame et ses productions ?
Quant aux consommateurs, ils sont bien plus nombreux à vouloir boucler le mois vraiment à la fin du mois et à se ficher du « bio ».
Souhaitons à ces jeunes qui se lancent dans les métiers de la communication de valoriser ce qu'ils auront appris en Haute-Loire. Ne cédez pas à la facilité et au cynisme qui consiste à diffuser ce qu'une certaine clientèle veut voir ou entendre plutôt que ce qu'elle devrait voir ou entendre – et dans le pire des cas (suivez mon regard...) à « soigner » son image et flatter son égo.
(Source)
Voici un autre article qui fait grand plaisir... jusqu'à ce qu'on gratte un peu : « Contre l'agribashing, l'agriloving », de Mme Sabine Delanglade dans les Échos. En résumé :
« Lassés du dénigrement systématique dont ils estiment faire l'objet, les agriculteurs répondent sur les réseaux sociaux, le terrain où s'ébattaient leurs contempteurs. A raison de quarante atteintes au monde agricole par jour recensées, il était temps de réagir, écrit Sabine Delanglade. Un carnet de campagnes qui en dit long sur les dérives de notre temps. »
Et un paragraphe avant la description de quelques agriculteurs-communicants actifs sur les réseaux sociaux :
« N'empêche, ceux-ci ont des choses à dire, ont compris qu'au-delà des extrémistes qu'ils ne convaincront jamais, il est légitime que les consommateurs se posent des questions sur la qualité de leur alimentation, sur ses modes de production. Leurs contempteurs s'étalant sur les réseaux sociaux, c'est là qu'ils ont choisi de réagir pour faire basculer l'opinion de l'"agribashing" vers l'"agri loving", heureuse expression imaginée par un groupe de jeunes exploitants de la Côte-d'Or. Lorsque vous moissonnez en juillet et que l'on vous demande si vous n'avez rien de mieux à faire que de faire de la poussière, lorsque, quoi que vous pulvérisiez, vous êtes accusé de propager le cancer, etc., il est certain qu'il faut expliquer le rythme des saisons, la raison des intrants et le reste. »
On se dit alors que #agriloving est un nouveau mot-clic... on se précipite sur Twitter... et on s'aperçoit qu'il y a un compte Agri_loving qui montre un pouce levé « aux agriculteurs qui nous protègent », c'est-à-dire les « bios ».
Vous aurez compris : les autres agriculteurs ne nous protègent pas... L'agriculture conventionnelle est dénigrée, parfois pesante et outrancière. L'agribashing est au rendez-vous !
(Source)
L'article des Échos vient sur Internet avec une petite vidéo.
Nous préférons nettement ce genre d'agriloving. Faites-nous en d'autres ! Le site mérite une visite.
C'est, selon l'URL, le titre qu'aurait sans doute dû porter cet article, « Contre l'agribashing, les paysans sont devenus des influenceurs comme les autres ».
Non, les agriculteurs n'ont pas besoin de redorer leur image, sauf dans la bobosphère, où c'est mission quasi impossible. Ils ont une bonne image dans la population française, mais pas vraiment chez l'auteur de cet article qui aura pollué son propos par une certaine forme d'arrogance et de mépris. Mais oui, il y a un réel besoin de montrer les réalités de l'agriculture face à un dénigrement systématique du secteur économique qui nous nourrit.
En résumé :
« Depuis 4 ans, les agriculteurs se sont emparés des réseaux sociaux et notamment de YouTube et Twitter afin de faire entendre leur voix… au risque d’être récupérés par les lobbies. »
Ils sont cons ces agriculteurs, n'est-ce pas ?
« La seconde raison [de l'arrivée des agriculteurs sur les réseaux], et la plus importante, est d'ordre social. Les agriculteurs et les éleveurs veulent répondre à l’hostilité qu’ils sentent monter à leur égard et se défendre contre l’"agribashing". L’emploi de ce néologisme est entré dans les éléments de langage des lobbies de l’agro-industrie et des syndicats agricoles depuis 2014 et semble traduire un réel sentiment de malaise. »
Ah... célélobi... En intertitre, nous sommes même gratifiés d'un « Les idiots utiles de Monsanto ? » C'est suivi, notamment, par un sophisme du déshonneur par association :
« On les retrouve souvent dans le sillon de la communauté des #NoFakeScience, qui estime que le sujet n’est pas bien traité par les journalistes, ou bien encore de personnalités médiatiques comme le très libéral Laurent Alexandre ou les journalistes Emmanuelle Ducros de L’Opinion et Géraldine Woessner du Point, dont les écrits épousent régulièrement les éléments de langage et la logique de l’agro-industrie. »
Et voici la « chute » :
« Par ailleurs, d’autres pans de la profession – les éleveurs de poulets ou de porcs – ne peuvent tout simplement pas prendre la parole en ligne. Les images des conditions d’élevage qu’ils pratiquent heurtent jusqu’aux citoyens les plus viandards. Les quelques éleveurs qui s’y risquent doivent bloquer des dizaines de comptes pour éviter le harcèlement et les insultes. Après tout, on ne communique pas impunément sur YouTube et Twitter sans provoquer l’ire d’autres communautés. »
L'ignorance et la bien-pensance sont encore à l'œuvre... Est-il hors de portée d'un journaliste de comprendre que « [l]es images des conditions d’élevage » auxquelles il pense ne sont pas celles des activités économiques en cause ? Car si elles étaient réelles et représentatives, ces activités auraient disparu depuis fort longtemps.
Le propos a donné lieu à un échange « intéressant » :
(Source)
Il y a une suite sur ce fil que l'on peut considérer comme peu glorieuse. Le parti pris et le clanisme sont au rendez-vous. Tout comme l'ultima ratio de Schopenhauer sur un autre fil.
(Source)
Au fil des clics, voilà qu'est apparu Paysan heureux. La devise : « La vie d'un paysan, éleveur de charolaises, qui regarde l'agriculture,les événements et la société depuis sa cour de ferme. Ma devise : Prendre ce que la nature veut bien me donner. Vivre avec ce que les hommes me laissent ! »
Et, dans ses pages, « Les commentaires haineux vis à vis des éleveurs, un quotidien sur les réseaux sociaux ».