« Que vais-je manger aujourd'hui ? » c. « Vais-je manger aujourd'hui ? » – Il est temps de faire confiance aux scientifiques africains
Dr Mwimali Murenga*
En Occident, les gens se demandent tous les jours : « Que vais-je manger aujourd'hui ? » Mais chez moi, en Afrique, les gens se posent tous les jours une question plus difficile : « Vais-je manger aujourd'hui ? »
En réfléchissant à la deuxième question, je suis parvenu à la conclusion qu'il était temps que les gens fassent confiance aux scientifiques pour le rôle que peuvent jouer les organismes génétiquement améliorés pour y répondre.
Il est regrettable que l’Afrique continue de prendre du retard dans l’adoption des cultures biotechnologiques 23 ans après leur première commercialisation, avec seulement deux des 54 pays du continent qui les cultivent maintenant. Le retard est particulièrement tragique car il est largement prouvé que l'adoption de cultures biotechnologiques pourrait aider énormément à relever les défis de la faim et de la malnutrition dans le monde.
En Afrique, il est temps que nous nous concentrions sur des régimes de réglementation diligents et accélérés, ainsi que sur des décisions fondées sur la science et sur les avantages de la biotechnologie agricole. Il est temps que nous nous concentrions sur la productivité agricole avec une reconnaissance de la préservation de l'environnement et de la durabilité. Il est temps de prendre en compte les millions de personnes qui ont faim et qui s'appauvrissent sur notre continent et de voir que la biotechnologie agricole moderne peut aider à résoudre ces problèmes d'insécurité alimentaire, au lieu de nous concentrer sur les risques perçus et les préoccupations qui n'ont jamais été étayés par des preuves. La réticence à adopter cette technologie est en partie imputable aux préoccupations en matière de sécurité, renforcées par un fort activisme propagé depuis l’Occident par des pays qui ne font pas face aux mêmes défis que nous.
Récemment, en 2017, une équipe de scientifiques italiens a publié une analyse détaillant les impacts potentiels du maïs génétiquement modifié (GM) sur l'environnement, l'agriculture et la toxicité. Les données générées sur 20 ans ont conclu que le génie génétique augmentait les rendements de maïs de 10 % en moyenne et réduisait les mycotoxines dans le maïs. Cette analyse de données multiples fournit des preuves très fiables que le maïs génétiquement modifié peut s'attaquer à un grave problème qui affecte le continent depuis longtemps – les aflatoxines. Des niveaux plus faibles de mycotoxines naturelles, lesquelles sont à la fois toxiques et cancérogènes pour l'homme et le bétail, ont été observés dans le maïs génétiquement modifié par rapport à son homologue conventionnel. L’étude, comme beaucoup d’autres avant elle, a confirmé la sécurité des OGM.
En 2016, la National Academy of Sciences des États-Unis a publié un rapport sur les OGM, renforçant ainsi le consensus scientifique selon lequel il n'y avait aucune preuve matérielle que les cultures GM sont moins sûres que les cultures non GM. La question qui me préoccupe est la suivante : combien d'études faudra-t-il encore pour que nos dirigeants fassent confiance aux scientifiques ? Qu'est-ce que le scientifique est supposé faire au-delà de fournir des preuves que la technologie fonctionne ?
Il est également prouvé que le fait d'empiler plusieurs caractères génétiquement modifiés dans une culture est bénéfique, ce qui entraîne une augmentation de rendement de plus de 25 %. Dans le même ordre d'idées, aucun impact significatif n'a été observé sur les organismes non ciblés et autres organismes utiles, notamment les abeilles, les coccinelles, les coléoptères, les chrysopes et les araignées. Dans des analyses de données précédentes, il a été démontré que l'adoption d'OGM réduisait l'utilisation des pesticides chimiques d'environ 37 % par rapport à leurs homologues conventionnels. Pourquoi alors nos dirigeants voudraient-ils empêcher les gens de bénéficier de tels avantages longtemps après que les problèmes de sécurité ont été résolus ?
Indépendamment du consensus scientifique et des innombrables études soutenant la sécurité des cultures GM, l'opinion publique largement répandue est qu'elles ne sont pas sûres. Pire encore, certains gouvernements africains ont même entravé leur production, avec pour seule conséquence l'obligation d'importer des denrées alimentaires et des aliments pour animaux issus ou contenant des produits génétiquement modifiés. Cela ne profite qu'aux agriculteurs des pays qui ont adopté la technologie, tout en affectant indirectement les progrès de nos recherches, retardant encore notre accès à des semences améliorées. Il s’agit d’une tendance inquiétante sur un continent considéré comme la dernière frontière de la transformation de l’agriculture et du déploiement du nombre considérable de jeunes chômeurs vers une agriculture intelligente.
Il est décourageant de constater que les personnes chargées de prendre des décisions clefs concernant la sécurité alimentaire et nutritionnelle de ce continent continuent de laisser des demi-vérités les empêcher de prendre des mesures décisives. Ils hésitent à prendre des décisions fondées sur des preuves et à élaborer des politiques de facilitation permettant à cette technologie viable de s'épanouir. Environ deux décennies après que la technologie a fait ses preuves en termes de sécurité et de fourniture d'avantages socio-économiques, certains de nos dirigeants continuent de se cacher derrière des mesures de précaution et de réclamer une « recherche sans fin ».
Les dirigeants africains doivent se préoccuper de ces études et de celles qui ont approuvé la sécurité des OGM et se laisser guider par des preuves scientifiques crédibles dans la prise de décision. En Afrique, nous avons de nombreuses initiatives de collaboration sur les cultures GM dans le cadre de divers projets menés dans de nombreux pays et d’autres qui continuent de se heurter à des goulets d’étranglement réglementaires qui entraînent des pertes d’opportunités pour les agriculteurs et leurs familles.
Le récit de «Que vais-je manger aujourd'hui ?» par opposition à « Vais-je manger aujourd'hui ? » ne peut pas continuer. Il est temps que les gouvernements africains agissent. Nous avons besoin de produits dans les champs des agriculteurs et d’aliments sur la table, et maintenant !
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* Mwimali Murenga, Ph.D., est un scientifique, sélectionneur de maïs au Kenya et boursier du programme de 2019 de l'Alliance Cornell pour la Science. mwimali@yahoo.co.uk
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