Insectes : Nature publie un torchon politicien, les insectes pris en otage
« Eric Andrieu a retweeté »... C'est vraiment une obsession ! Et est-ce le rôle d'un député européen de répercuter les gazouillis d'une sulfureuse association ? Vérifiez aussi ci-dessous si les auteurs ont bien évoqué une « sortie » des pesticides. Et si ce n'est pas le cas, que penser d'un député européen qui répercute des infox…
Vous avez le choix pour l'incipit : ou bien « La très sérieuse revue Nature », ou bien « La très prestigieuse revue Nature ».
Nature a donc publié une lettre à l'éditeur signée par quelque 70 chercheurs. Pour le fun, en voici la liste :
Jeffrey A. Harvey, Robin Heinen, Inge Armbrecht, Yves Basset, James H. Baxter-Gilbert, T. Martijn Bezemer, Monika Böhm, Riccardo Bommarco, Paulo A. V. Borges, Pedro Cardoso, Viola Clausnitzer, Tara Cornelisse, Elizabeth E. Crone, Marcel Dicke, Klaas-Douwe B. Dijkstra, Lee Dyer, Jacintha Ellers, Thomas Fartmann, Mathew L. Forister, Michael J. Furlong, Andres Garcia-Aguayo, Justin Gerlach, Rieta Gols, Dave Goulson, Jan-Christian Habel, Nick M. Haddad, Caspar A. Hallmann, Sérgio Henriques, Marie E. Herberstein, Axel Hochkirch, Alice C. Hughes, Sarina Jepsen, T. Hefin Jones, Bora M. Kaydan, David Kleijn, Alexandra-Maria Klein, Tanya Latty, Simon R. Leather, Sara M. Lewis, Bradford C. Lister, John E. Losey, Elizabeth C. Lowe, Craig R. Macadam, James Montoya-Lerma, Christopher D. Nagano, Sophie Ogan, Michael C. Orr, Christina J. Painting, Thai-Hong Pham, Simon G. Potts, Aunu Rauf, Tomas L. Roslin, Michael J. Samways, Francisco Sanchez-Bayo, Sim A. Sar, Cheryl B. Schultz, António O. Soares, Anchana Thancharoen, Teja Tscharntke, Jason M. Tylianakis, Kate D. L. Umbers, Louise E. M. Vet, Marcel E. Visser, Ante Vujic, David L. Wagner, Michiel F. WallisDeVries, Catrin Westphal, Thomas E. White, Vicky L. Wilkins, Paul H. Williams, Kris A. G. Wyckhuys, Zeng-Rong Zhu & Hans de Kroon
La lettre s'intitule « International scientists formulate a roadmap for insect conservation and recovery » (des scientifiques internationaux élaborent une feuille de route pour la conservation et le rétablissement des insectes).
C'est leur droit le plus absolu, et on ne saurait que leur savoir gré, mais à condition...
...à condition que leur feuille de route... tienne la route.
Ils écrivent :
« Nous proposons ici une "feuille de route" mondiale pour la conservation et le rétablissement des insectes (Fig. 1). Cela implique la mise en œuvre immédiate de plusieurs mesures "sans regret" (Fig. 1, étape 1) qui agiront pour ralentir ou arrêter le déclin des insectes. Parmi les initiatives que nous encourageons figurent les mesures immédiates suivantes : [...] »
Suit un catalogue à la Prévert, dont voici le début (nous divisons le paragraphe original) :
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« Prendre des mesures énergiques pour réduire les émissions de gaz à effet de serre ;
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inverser les tendances récentes de l'intensification agricole, notamment en réduisant l'application de pesticides et d'engrais de synthèse et en poursuivant leur remplacement par des mesures agro-écologiques ;
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promouvoir la diversification et le maintien de techniques d'utilisation des terres adaptées aux conditions locales ;
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accroître l'hétérogénéité du paysage par le maintien des zones naturelles dans la matrice du paysage et assurer la rétention et la création de microhabitats dans des habitats qui peuvent être de plus en plus importants pour les insectes lors d'événements climatiques extrêmes tels que les sécheresses ou les vagues de chaleur ;
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réduire les menaces locales identifiées telles que la pollution lumineuse, hydrique ou sonore, les espèces invasives, etc. ;
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donner la priorité à l'importation de biens qui ne sont pas produits au détriment d'écosystèmes sains et riches en espèces ;
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concevoir et déployer des politiques (par exemple, subventions et fiscalité) pour inciter à l'innovation et à l'adoption de technologies respectueuses des insectes ;
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appliquer des mesures plus strictes pour réduire l'introduction d'espèces exotiques et donner la priorité aux tactiques fondées sur la nature pour leur atténuation (à long terme) ; [...] »
Est-on encore dans le domaine de la science ?
Mettre en premier les GES relève à notre sens du manifeste politique.
Il en est de même, d'une manière générale du deuxième point. Extensifier la production agricole – en fait, la production alimentaire – a des effets complexes sur les écosystèmes. Il n'est pas dit qu'elle ait un impact favorable, en particulier si cela se traduit par une emprise accrue sur les terres (il faut bien nourrir le monde...).
C'est encore plus vrai de l'appel à réduire l'utilisation des engrais de synthèse. En quoi cela serait-il favorable à l'entomofaune ?
Cette image a été utilisée ici pour illustrer un article sur les effets sur le climat de la conversion au « bio » – une forme d'extensification sans nul doute contemplée par les auteurs de la lettre à l'éditeur et présentée sous des camouflages.
Le couplet sur les importations est aussi intéressant : faut-il bannir totalement l'importation d'huile de palme ? De soja brésilien accusé de détruire la forêt amazonienne, l'états-unien produit sur des terres dont les « écosystèmes sains et riches en espèces » ont été convertis à l'agriculture il y a longtemps ? On frémit à l'idée que nous devrons nous passer de chocolat...
Supposons que nous, Européens (la lettre est signée par de nombreux Européens), jouions aux premiers de la classe en important de l'huile de palme, du soja, etc. « certifié écoresponsable » mais que des pays continuent de mettre des terres en culture pour satisfaire une demande croissante. Où est le bénéfice pour les insectes ? Cet élément d'un catalogue pompeusement appelé « feuille de route » n'est qu'un élément pour se donner bonne conscience.
Curieusement, les auteurs n'ont pas fait référence à la limitation de l'artificialisation des terres et de l'urbanisation...
Mais ils n'ont pas oublié le plaidoyer en partie pro domo :
« Pour mieux comprendre les changements dans l'abondance et la diversité des insectes, la recherche devrait viser à prioriser les domaines suivants : [...] »
Dans le lot :
« établir un organe directeur international sous les auspices d'organes existants (par exemple, le Programme des Nations Unies pour l'Environnement (PNUE) ou l'Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN)) qui est responsable de la documentation et du suivi des effets des solutions proposées sur la biodiversité des insectes à plus long terme »
Grâce ! Pitié !
N'y a-t-il pas déjà un « machin », la Plateforme Intergouvernementale sur la Biodiversité et les Services Écosystémiques (IPBES) ? Au fait, si nous disposons d'un résumé pour les décideurs (non finalisé...), où est le rapport de 2019 ?
Retour à Nature : la lettre se termine par un mouvement de menton :
« Nous devons agir maintenant. »
À l'heure où nous écrivons, le Guardian a repris l'information – avec un vigoureux massage – dans « Urgent new ‘roadmap to recovery’ could reverse insect apocalypse » (une nouvelle "feuille de route pour le rétablissement" urgente pourrait inverser l'apocalypse des insectes)... ils vont vite en besogne... C'est d'autant plus ridicule que cette « feuille de route » n'est qu'une énumération de bonnes intentions, sans réelle innovation.
Mais qu'ont-ils retenu en résumé au Guardian ? En chapô :
« L'élimination progressive des pesticides et engrais de synthèse et des réductions d'émissions agressives parmi une série de solutions décrites par les scientifiques »
Il n'est pas interdit de crier à l'agribashing...
À l'heure où nous écrivons, nous attendons avec impatience le fruit des investigations du Monde.