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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

GlyFauxTests : l'infox de Libé

11 Janvier 2020 , Rédigé par Seppi Publié dans #critique de l'information, #Glyphosate (Roundup)

GlyFauxTests : l'infox de Libé

 

 

(Source)

 

 

Le titre de ce billet devait être quelque chose comme « Silence médiatique sur les GlyFauxTests »... et puis est tombé, le 30 décembre 2019, sur Libération, « Glyphosate dans les urines : la réponse qu’on cherche encore ». C'est de Mme Pauline Moullot et c'est censé être du CheckNews... c'est même censé être « Le meilleur de Checknews en 2019 »... tellement meilleur que l'articulet n'a été annoncé sur Twitter que le lendemain à 23h57...

 

Et c'est une infox ; pire, une arnaque.

 

 

(Source)

 

Rappelons brièvement les faits.

 

C'est parti de l'Ariège où sont jugés, pour des actes de délinquance, des « faucheurs volontaires » qui tentent vraisemblablement de faire valoir l'argument excusatoire de l'état de nécessité. S'est donc mise en place une « campagne glyphosate » avec des opérations massives de prélèvements d'urine suivies, pour les « pisseurs de glyphosate » qui le désirent, d'un dépôt de plainte contre « toute personne impliquée dans la distribution et la large diffusion dans l’environnement de molécules probablement cancérigène de glyphosate » pour « mise en danger de la vie d’autrui, tromperie aggravée, atteintes à l’environnement (destruction de la biodiversité, pollution des cours d’eau, des nappes phréatiques, des sols …) », « le cas échéant, en réunion ». Rien que ça... Selon le site, plus de 6.000 analyses d’urine ont été réalisées, et 5.500 plaintes ont été déposées ou sont sur le point de l’être.

 

Les analyses sont réalisées par le – sulfureux – laboratoire allemand BioCheck avec un test ELISA. La totalité des tests – ou quasi – sont positifs et produisent en moyenne une présence de quelque 1,2 microgramme de glyphosate par litre d'urine (matinale, donc concentrée). Rappelons que, pour une petite personne et en comptant large, cela représente quelque chose comme le 1/3000 de la dose jounalière admissible.

 

Ces résultats ont suscité des interrogations et des suspicions, surtout après l'innommable Envoyé Spécial du 17 janvier 2019 « Glyphosate : comment s'en sortir ? » La Fédération Départementale des Syndicats d'Exploitants Agricoles du Morbihan (FDSEA 56) a alors organisé des tests utilisant une autre méthode, plus fiable, la chromatographie en phase liquide couplée à la spectrométrie de masse en tandem, réalisés sur des agriculteurs ou proches de l'agriculture et effectués par le laboratoire d'analyse du CHU de Limoges (voir par exemple ici). Ces tests ont été négatifs. Mais une comparaison était impossible en l'absence de tests de BioCheck sur les mêmes prélèvements.

 

Deux journalistes du Mensuel du Morbihan ont procédé à ce double test et ont publié les résultats dans leur numéro de novembre 2019. À la mi-décembre 2019, la FDSEA du Finistère a publié les résultats d'un double test sur 11 prélèvements. Résultats conformes aux attentes des sceptiques : tous positifs pour BioCheck avec le test ELISA et négatifs pour Labocea de Brest avec la LC/MS-MS.

 

 

(Source)

 

 

Épilogue provisoire sur ce front : la FDSEA d'Ille-et-Villaine a introduit une action contre les « pisseurs involontaires » :

 

« Nous y dénonçons les procédés de communication mensongers de ce collectif ainsi que l’incitation au harcèlement et à la violence contre les agricultrices et les agriculteurs français. Il n’est plus acceptable ni supportable que de tels agissements et de telles manipulations de nos concitoyens restent impunis. »

 

D'une manière générale, les médias, si prompts à annoncer les « pisseries » et relayer leurs résultats, ont brillé par leur absence à propos des informations et résultats « gênants ». Citons les trois principales exceptions, en plus des quotidiens régionaux.

 

Le 5 septembre 2019, Atlantico a osé, certes avec un point d'interrogation superfétatoire, un « Tests de Biocheck : une fraude à grande échelle dans l’affaire des "pisseurs" de glyphosate ? ». Trois questions posées à l'éminent chercheur du CNRS Marcel Kuntz. Que dit-il ? En bref, que le test ELISA est susceptible de produire des faux-positifs et que la méthode LC/MS-MS est au contraire fiable. Le laboratoire public breton Labocea disait en substance la même chose dans le Télégramme du 3 novembre 2019 (parties pertinentes citées ici).

 

Serait-ce une réponse à M. Marcel Kuntz ? Le 14 septembre 2019, Mme Pauline Moullot produisait dans Libération un CheckNews intitulé « Les tests urinaires utilisés par les "pisseurs"» de glyphosate sont-ils fiables ? »

 

C'est un article intéressant pour qui sait lire. Nous noterons par exemple l'absence de réponse, ou les réponses évasives, de BioCheck sur des questions importantes... cela devrait au minimum mettre la puce à l'oreille d'un journaliste qui se respecte. Une lecture critique de l'ensemble montre toutefois, à notre sens, que l'on a voulu « sauver les meubles » pour les « pisseurs », BioCheck et le test Elisa :

 

« En résumé : si chaque méthode est fiable selon la littérature scientifique, le seul moyen de mettre un terme à la polémique entre la méthode Elisa des"pisseurs involontaires" et la chromatographie des agriculteurs de la FDSEA serait d’effectuer les deux méthodes sur un seul et même échantillon. Ce que tous les interlocuteurs interrogés dans le cadre de cet article recommandent. »

 

Ben non... le 4 septembre 2019, M. Robin Mesnage – un ancien de l'équipe Séralini de l'infameuse « étude » sur les rats – avait déjà voué le test ELISA – attention : sur l'urine – à la poubelle :

 

« J'ai testé le test ELISA glyphosate et les résultats ont fini à la poubelle. Il y a trop de composés qui interférent avec la détection du glyphosate, et plus les urines sont concentrés plus l'interférence est forte. Rien ne remplace la spectrométrie de masse. »

 

 

(Source)

 

 

Enfin, le 19 décembre 2019, Mme Géraldine Woessner publiait dans le Point un tonitruant et très argumenté « Preuve à l'appui : les glyphotests sont bidon ! »

 

Cela nous amène à ce nouvel article de CheckNews dans Libération. Posons d'emblée la question : est-ce une « réponse » à l'article de Mme Géraldine Woessner ? La troisième fois, au moins, que Libé vole au secours de la manip' recourant au laboratoire BioCheck.

 

Le fait est que – les éléments rassemblés par Mme Géraldine Woessner étant accablants et la réfutation impossible, on utilise la ficelle bien éprouvée de la création du doute : « Glyphosate dans les urines : la réponse qu’on cherche encore »...

 

C'est un articulet de deux paragraphes qui plante le décor dans le premier. En principe !

 

Le lecteur est abusé quasiment dès le départ : « […] la polémique agite les pro et anti-pesticides » ! Comment peut-on parler de « polémique », et en plus entre des camps définis par les sentiments envers les pesticides, quand la question porte notamment sur un invraisemblable 100 % de positifs sur plus de 6.000 prélèvements ?

 

Ensuite, on évoque « Les tests urinaires pratiqués sur des journalistes... » – sans autre précision (elle vient par la suite pour qui sait lire) –, mais dans une question hautement trompeuse : « ...n’ont-ils pas en fait mesuré des résidus de lessive ? » Cela revient à jeter la suspicion sur les tests LC/MS-MS (négatifs), alors qu'elle avait plané sur les tests ELISA de BioCheck (systématiquement positifs) !

 

Oups ! Il n'est pas sûr que le lecteur lambda comprenne que le « débat » porte sur des tests différents mis en œuvre par des laboratoires différents. Il faut en effet de la sagacité pour le déduire de « utiliser une méthode inefficace » (voir ci-après).

 

Les doubles tests de la FDSEA du Finistère et la plainte de la FDSEA de l'Ille-et-Vilaine sont passés sous silence ! Cela permet de minimiser la nature du « débat » et l'importance des preuves qui s'accumulent contre la manipulation médiatique – et de la tentative de manipulation judiciaire – de l'opération « pisseurs involontaires de glyphosate ».

 

Et voici le clou du NewsChecking :

 

« […] Pro et anti [pesticides...] se renvoient la balle, chaque camp accusant l’autre de fausser les tests ou d’utiliser une méthode inefficace.

 

Sauf que si nos recherches prouvent que le glyphosate peut être détecté de manière fiable, impossible d’expliquer de telles différences entre deux labos en l’absence d’une étude officielle et de tests sur des échantillons croisés. Et même si deux journalistes du Mensuel du Morbihan ont fait le test, et obtenu des résultats opposés suivant les labos utilisés, rien n’explique non plus pourquoi. Seule une réponse de l’agence sanitaire, à défaut du lancement d’une étude officielle, permettrait de clore enfin le débat.

 

Ben voyons ! Les résultats ne me conviennent pas ? Il faut de nouvelles études... curieusement « de l'agence sanitaire ». D'habitude on exige des études « indépendantes »... mais, là, ce qui est en cause, ce sont les analyses « indépendantes » du laboratoire « indépendant » BioCheck.

 

Et quand le verdict, prévisible et implacable, tombera, si jamais, on mettra en cause l'indépendance de l'agence... Ainsi va le militantisme...

 

En fait, l'ANSES a déjà répondu en partie à la « polémique », le 29 octobre 2019, avec « Glyphosate : l’Anses fait le point sur les données de surveillance » :

 

« Enquêtes de surveillance des populations

 

La concentration de glyphosate dans les urines a été analysée dans deux études épidémiologiques menées en France, l’une portant sur une cohorte des femmes enceintes utilisatrices d’herbicides (étude PELAGIE de l’Inserm sur la période 2002-2006) et l’autre sur des femmes enceintes (étude ELFE de Santé publique France sur l’année 2011).

 

Le glyphosate et l’AMPA ont été retrouvés respectivement dans 43 % et 36 % des échantillons urinaires collectés chez les femmes de l’étude PELAGIE [Ma note : sur 47 femmes enceintes]. Les concentrations urinaires observées varient entre 0,07 et 0,76 µg/L et pour l’AMPA entre 0,06 µg/L et 1,22 µg/L. Le glyphosate a été quantifié dans l’étude ELFE dans 0,3% des échantillons, mais d’autres données issues d’études publiées dans la littérature scientifique, ainsi que de prélèvements réalisés par des associations, rapportent des niveaux de concentration urinaire de glyphosate du même ordre de grandeur, autour de 1 µg/L. Ces quantités de glyphosate de l’ordre de 1 µg/L dans les urines, correspondent à une exposition par voir orale inférieure à 1% de la dose journalière admissible.

 

Des résultats complémentaires de surveillance du glyphosate dans les urines de la population générale seront disponibles en 2020 (étude ESTEBAN de Santé publique France) et viendront compléter ces résultats.

 

 

Post scriptum

 

Rendons à César... Le #glyFAUXtest, auquel nous souhaitons prospérité tant que la polémique sévit, est une invention de M. Rémy Dumery.

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M
Certains commentaires de l'article du Point sont consternants et montrent combien le mal est profond, exemple:<br /> Nous n'avons pas plus de raison de faire confiance à une étude commanditée par une association écolo que par la FDSEA. <br /> Un autre dit qu'un labo trouve ce que son client (celui qui paye) lui a dit de trouver(ou de ne pas trouver).<br /> On est dans le pur procès d'intention sans aucune preuve, le "tous pourris", le labo du CHU de Limoges ne trouve rien car la FDSEA lui a dit de ne rien trouver, c'est diffamatoire et insultant.
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S
@ Il est là le lundi 13 janvier 2020 à 12:23<br /> <br /> Bonjour,<br /> <br /> Merci pour votre commentaire.<br /> <br /> Bien sûr que non ! Ce sont des réactions pavloviennes… Mais je suppose que vous avez fait dans l'ironie...
S
@ Maître Folace le lundi 13 janvier 2020 à 10:06<br /> <br /> Bonjour,<br /> <br /> Merci pour votre commentaire.<br /> <br /> Mais on peut aussi se réjouir du fait que la majorité des commentaires sont sensés.<br /> <br /> Mais le mal est aussi partout. Le "tous pourris" est devenu le slogan majeur d'une grande fraction du personnel politique et médiatique. Là est le vrai danger.
I
@Maître Folace<br /> <br /> Et je suppose que tous ces biotausaurus ont des preuves solides de ce qu'ils affirment ?
M
Bonjour, pour Max : en France, lorsque fleurissent les amandiers ( en Février), il n'y a pas encore d'abeilles mellifères; Si on une plantation importante d'amandiers, on utilise les bourdons (une autre espèce du genre abeille) qui assurent la pollinisation par temps nuageux et température basse. Aux US, ils utilisent effectivement les abeilles mellifères car les conditions climatiques sont plus favorables pour elles et les apiculteurs sont contents d'en profiter (moyennent dollars) sauf que certains arboriculteurs US ne ferment pas les ruches lorsqu'ils traitent à la floraison !<br /> Concernant le glyphosate, ces journaleux sont incorrigibles lorsqu'il s'agit de se mettre en avant, même s'ils disent des mensonges. a croire que leurs écoles de journalisme les poussent à faire uniquement de l'audience. Certes, je ne voudrais pas revenir au temps de l'ORTF avec Mr Peyrefitte, mais il faudrait une réelle objectivité de leur part !
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S
@ Marc le dimanche 12 janvier 2020 à 12:04<br /> <br /> Bonjour,<br /> <br /> Merci pour ce complément d'information.<br /> <br /> Je suppose tout de même que les arboriculteurs américains qui traitent en dépit du bon sens sont une minorité.
U
Les syndicats agricoles devraient mettre publiquement au défi les célébrités ayant pissé pour Biocheck de refaire une analyse sérieuse, voire un double test.
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S
@ un physicien le samedi 11 janvier 2020 à 10:18<br /> <br /> Bonjour,<br /> <br /> Merci pour votre commentaire.<br /> <br /> Hélas, les syndicats agricoles -- lire : la FNSEA -- ne sont pas très actifs sur ce sujet. Il est tout de même troublant que les initiatives ne viennent que de FDSEA et, plus récemment, des Jeunes Agriculteurs des Landes.
M
Un article de Slate sur la disparition d'abeille à cause des cultures d'amande. La première cause présenté est les pesticides, avec une accusation contre les néonicotinoïdes. Ils mettent même en cause le glyphosate avec tous les poncifs habituel (très controverser en France). Il présente ensuite comme cause secondaire la surexploitation des abeilles, réveiller deux mois en avance lors de leur hivernation et la trop grande concentration d'abeille au même endroit qui favorise le varroa destructor. Alors qu'on peut vite comprendre que ce qu'ils présentent comme la cause secondaire est la principale, ils préfèrent accuser en premier les pesticides (néonicotinoïde et même le glyphosate).<br /> http://www.slate.fr/story/186188/etats-unis-agriculture-lait-amande-hecatombe-abeille-pesticides-surexploitation
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S
@ Zernick le jeudi 16 janvier 2020 à 16:28<br /> <br /> Bonjour,<br /> <br /> Merci pour votre commentaire.<br /> <br /> Parfaitement exact pour le business model. Il va de soi que les apiculteurs ne se livreraient pas à la grande transhumance s'ils n'y trouvaient pas leur compte.<br /> <br /> Quant à "l'abeille, sentinelle de l'environnement", c'est une belle trouvaille (de l'UNAF, je crois), mais c'est une boeuferie sans nom : les abeilles sont domestiquées ou du moins gérées...
Z
En Californie, dans les vergers d'amandiers, les abeilles servent de pollinisateurs et ne servent qu'à ça: l'apiculteur ne produit pas de miel avec ces ruches-là, et l'amandiculteur paie pour la pollinisation.<br /> Un grand nombre de ruches meurt, parce qu'elles sont "poussées" (réveil précoce en début d'année, absence de nourriture adéquate,...) mais c'est compris dans le prix que <br /> paie l'amandiculteur, et le business-model fonctionne.<br /> Les abeilles sont alors considérées comme des animaux domestiques à usage unique, pour la pollinisation uniquement; les ruches sont "fabriquées" pour polliniser 1 seule saison. Les abeilles ne sont pas considérées comme des "sentinelles de l'environnement" dans ce modèle-là.
S
@ max le samedi 11 janvier 2020 à 16:48<br /> <br /> Merci pour votre commentaire.<br /> <br /> De "gentils coquelicots", SVP.<br /> <br /> En fait le problème des vergers d'amandiers est double : l'énorme concentration de ruches favorise la propagation des parasites et maladies. Et (si j'ai bien compris et retenu), l'amandier n'est pas un formidable producteur de nourriture pour les abeilles de sorte que les colonies s'essoufflent (mais je suppose qu'on pourrait y remédier en leur laissant suffisamment de nourriture.<br /> <br /> L'article de base du Guardian nous informe que l'apiculteur Arp (qui est, me semble-t-il, un des plus grands des USA) tire la moitié de ses revenus de la pollinisation des amandiers (sans y mettre toutes les ruches…).<br /> <br />
S
@ Raùl-Hugues le samedi 11 janvier 2020 à 13:34<br /> <br /> Bonjour,<br /> <br /> Merci pour votre commentaire.<br /> <br /> Si "fake" désigne un article bricolé par un incompétent sur la base d'un cherry picking d'autre article un peu bricolé, en l'occurrence du Guardian, c'est exact.
S
@ un physicien le samedi 11 janvier 2020 à 10:25<br /> <br /> Bonjour,<br /> <br /> Merci pour votre commentaire.<br /> <br /> Le raisonnement est un peu à l'emporte-pièce, mais il y a du vrai.<br /> <br /> Mettons-le au niveau français : plus de néonics en traitement des semences… moins de colza… moins de nourriture pour les abeilles… moins d'abeilles...