Fongicides SDHI : vous êtes sérieux, là, Journal du CNRS ?
L'audition qu'a tenue l'Office Parlementaire d'Évaluation des Choix Scientifiques et Technologiques (OPECST) sur les fongicides SDHI le 23 janvier 2020 (la liste des personnes entendues figure sous la vidéoi) a été catastrophique pour M. Pierre Rustin, le chef de file de la croisade activiste anti-pesticides* (*de synthèse) qui se sert maintenant de ces fongicides comme nouvel épouvantail.
Il y a deux raisons à cela.
D'une part, il n'a vraiment pas été inspiré dans sa présentation. C'est sans compter les âneries qu'il a pu proférer.
Un grand moment d'anthologie ! Les traitements de semences avec des SDHI devraient donc tuer les plantes cultivées ! Et les SDHI seraient aussi des herbicides ! Mais ni ces agrochimistes prétendument avides de profits et prêts à tout pour les réaliser, ni ces agriculteurs prétendument idiots à la botte des agrochimistes ne s'en sont rendu compte ! (Source)
D'autre part, il a été suivi par un Roger Genet, directeur général de l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l’Alimentation, de l’Environnement et du Travail (ANSES), pugnace, cartésien et efficace. Dans leurs partitions respectives, Mme Caroline Semaille, directrice générale déléguée en charge du pôle produits réglementés, et M. Jean-Ulrich Mullot, pharmacien, président du groupe d’experts ayant produit pour l’ANSES le rapport d’expertise de janvier 2019 sur les SDHI, l'ont été tout autant.
Il y a un indicateur que l'on peut considérer comme pertinent : Twitter et le mot-clic #SDHI...
La vieillesse ou le militantisme ? Voir aussi la bordée de réponses sur la page de Mme Géraldine Woessner (Source)
(Source)
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Il n'y a, du moins à notre connaissance, aucun gazouillis répercutant de manière positive les propos de M. Pierre Rustin. Quel contraste avec l'activité sur la prestation de M. Roger Genet ! L'excellent Alerte Environnement en livre un florilège sous le titre : « Premières réponses aux critiques des anti-SDHI : Roger Genet (ANSES), etc. »
La sénatrice Catherine Procaccia résume assez bien l'ampleur du problème : elle doit s'accrocher parce que c'est fumeux et capillotracté :
(Source)
Sur un plan général, le résumé est le suivant : faut-il croire le Pierre Rustin scientifique ou le Pierre Rustin militant ?
(Source)
Le dossier devrait être clos sur le plan scientifique et réglementaire, tout au moins jusqu'à la production de nouveaux éléments de preuve, dans un sens ou dans un autre.
Mais ce n'est pas le cas du Journal du CNRS, du Centre National de la Recherche Scientifique, qui a publié – le lendemain de l'audition – un entretien avec M. Pierre Rustin sous le titre « "Appliquer le principe de précaution à l'égard des SDHI" ».
En chapô :
« Alors que l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) vient de mener des auditions sur les fongicides SDHI, le biologiste Pierre Rustin, à l'origine de l'alerte en 2018, nous livre son point de vue sur les risques potentiels de ces pesticides. »
Aucune contradiction, aucune mise en perspective, aucune référence aux explications apportées lors de l'audition par l'ANSES (ou disponibles sur le site de l'ANSES).
Comment un journal d'une institution scientifique peut-il accepter de reproduire sans barguigner, par exemple :
« C’est justement parce que la communauté scientifique a établi que les maladies mitochondriales pouvaient être provoquées par d’infimes dérèglements de la chaîne respiratoire, qu’il m’apparaît urgent, ainsi qu’à 450 de mes collègues, d’appliquer le principe de précaution à l’égard des SDHI » ?
Manifestement, pour l'auteur de cet article, l'opinion d'un directeur de recherche émérite, fondée sur un raisonnement fumeux, doit prévaloir sur les conclusions de notre agence nationale d'évaluation des risques et de nombreuses autres agences.
Manifestement, pour l'auteur de cet article, la référence à « 450 de mes collègues » est recevable, alors que, selon M. Roger Genet et à l'évidence, ces signatures relèvent « plus de la pétition que de la contribution » et qu'aucun des signataires étranger n'a lancé la moindre alerte dans son pays.
Manifestement, par le choix du titre, cet article ne s'inscrit pas dans la mission scientifique du CNRS, mais dans l'activisme anti-pesticides.
En conclusion de l'audition de l'OPECST, son président Gérard Longuet avait très chaleureusement remercié l'ANSES pour son travail, une ANSES qui a « une responsabilité extrêmement lourde » et qui est « sous le feu croisé de l'inquiétude spontanée, naturelle, et du commerce de la peur, qui est également un commerce profitable, à rentabilité immédiate ». Il a aussi relevé que « si souvent la science a été prise en otage pour des intérêts politiques, partisans, excessifs, fondés sur la satisfaction de puissance ».
La direction du CNRS pourrait bien se demander si, à ce stade, l'institution n'est pas aussi prise en otage.
La sénatrice Catherine Procaccia résume assez bien l'ampleur du problème : elle doit s'accrocher parce que c'est fumeux et capillotracté :