Fongicides SDHI : la cerise sur le gateau de M. Pierre Rustin était pourrie !
Le jeudi 23 janvier 2020, l'Office Parlementaire d'Évaluation des Choix Scientifiques et Technologiques (OPECST) a procédé à des auditions sur les fongicides SDHI – inhibiteurs de la succinate déshydrogénase et bloquant la respiration cellulaire. Ont été entendus :
-
Mme Francelyne Marano, professeur émérite de biologie cellulaire et de toxicologie à l’Université Paris-Diderot, membre du Haut Conseil de la Santé Publique ;
-
M. Pierre Rustin, directeur de recherche, et Mme Paule Bénit, ingénieure de recherche, à l’INSERM, auteurs d’une publication scientifique concluant à un risque pour les organismes exposés aux SDHI ;
-
M. Roger Genet, directeur général, Mme Caroline Semaille, directrice générale déléguée en charge du pôle produits réglementés, de l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l’Alimentation, de l’Environnement et du Travail (ANSES), et M. Jean-Ulrich Mullot, pharmacien, président du groupe d’experts ayant produit pour l’ANSES le rapport d’expertise de janvier 2019 sur les SDHI.
Nous nous limiterons ici à un point particulier : à la fin de son audition, M. Pierre Rustin a tenu à présenter sa « cerise sur le gâteau ». Mme Géraldine Woessner a retranscrit :
« Nous avons demandé à la FNSEA, à l'UIPP, à l'anses, quelle était l'influence sur les rendements d'utiliser les SDHI. Ils n'ont pas été capables de nous donnr des chiffres. Les seules données qu'on a viennent de Monsanto, c'est insupportable. »
(Source)
L'argument est au mieux trompeur. Il suffit de s'intéresser à la question et de chercher un peu pour savoir quels sont les effets des maladies cryptogamiques sur les rendements (et la qualité sanitaire des produits) et quels sont les gains que les agriculteurs (et les consommateurs) dégagent de l'utilisation de fongicides. Mais il tourne en boucle comme le montre cet extrait du site End [tête de mort] SDHI.
Lors de l'audition, M. Pierre Rustin l'a épicé : « Et puis on ment aux agriculteurs ! »
En cause, une présentation un peu trompeuse des résultats d'un essai et, cerise sur le gâteau, de (prétendument) Monsanto. Ah ! Mondiablo... Le format du grand graphique évoque cependant une diapo de présentation PowerPoint. Voir ci-dessous.
Nous n'avons pas retrouvé l'image originale, mais une autre source, SpecialtyHybrids.com.
Le graphique de droite est le même que celui présenté par M. Rustin.
Notons que ce graphique ne prétend pas démontrer l'efficacité des SDHI, mais de l'application d'un fongicide à base de SDHI et strobilurine (une association destinée à minimiser les risques d'apparition de résistances) au stade R3 de la culture, et ce, dans des conditions de faible pression parasitaire.
En présentant les résultats dans un autre graphique avec des barres commençant à 0 plutôt qu'à 67 boisseaux/acre – et, ironiquement, dans un format plus petit qui minimise aussi visuellement les écarts –, M. Pierre Rustin a entendu démontrer que les fongicides SHDI ne servent à rien. Il a aussi ajouté des barres représentant des intervalles de confiance... fort probablement imaginés et imaginaires.
Ainsi, à tromperie alléguée, tromperie et demie avérée...
M. Cédric Villani, vice-président de l'OPECST s'est précipité avec enthousiasme dans le triple piège de l'argumentum ad Monsanto, de la prétendue tromperie et de l'inefficacité des fongicides SHDI (on pourrait aussi ajouter le sophisme de la généralisation à partir d'un exemple unique).
(Source)
M. Gérard Longuet, président de l'OPECST, a remis les choses en place avec maestria :
« ...les marges économiques d'un producteur sont assez faibles et trois à quatre pour cent de productivité, c'est la différence entre le fait de continuer une activité et d'être obligé de l'arrêter. »
Il y toutefois un gros os de plus : quand le rendement augmente de 73,1 à 75,8 boisseaux/acre, il augmente de 3,7 % et non de 2,7 %. De même, le passage de 70,4 à 73,4 boisseaux/acre représente un gain de 4,3 % et non de 3 %.
On pourra rétorquer que l'erreur réside dans l'addition de « % ». Mais quand on veut dire au munster qu'il pue, mieux vaut ne pas être un maroilles.
Voici la source du graphique : https://monsanto.com/app/uploads/2017/05/fungicide-response-planting-date-soybean.pdf. Bravo Christophe !