Programme National Nutrition Santé (PNNS) et bio : on nous prend pour des buses
Le « bio » s'infiltre sournoisement dans les recommandations alimentaires
Le 20 septembre 2019, Mme Agnès Buzyn a lancé le 4e Programme National Nutrition Santé.
Le site manger-bouger.fr devait être mis à jour avec les nouvelles recommandations nutritionnelles. Une campagne grand-public pour les faire connaître a été lancée le 23 octobre pour une durée d'un mois et déployée à la télévision, sur les réseaux sociaux et sur le site précité pour encourager les Français à modifier progressivement leurs habitudes vers une meilleure hygiène alimentaire et plus d'exercice physique.
L'orientation générale est résumée par l'affiche suivante :
(Source)
On y dit en particulier que « [p]our un mode de vie plus équilibré, commencez par […] aller vers […] [l]es aliments bio ».
Cette recommandation du bio figurait déjà dans la version précédente des recommandations.
Petit problème... Le menu déroulant du site manger-bouger.fr n'indique aucune page dédiée au bio sous la rubrique « recommandations » (ni, du reste, au « fait maison »).
Le document de référence « État des connaissances – recommandations relatives à l'alimentation, à l'activité physique et à la sédentarité pour les adultes » présente un visuel à prétester dont la recommandation relative au bio est également absente.
La recommandation serait du reste édulcorée :
« Concernant le message "Si vous pouvez, privilégiez les fruits et légumes bio", le niveau d’adhésion obtenu pour l’ensemble de l’échantillon a été plus faible que celui des autres messages. Il a semblé également être plus difficile à appliquer pour les CSP- comparativement aux CSP+.
Ces résultats ont confirmé les observations faites lors de l’étude qualitative (frein financier et scepticisme fort sur l’intérêt pour la santé des produits bio). Cependant, la formulation de ce conseil ("Si vous pouvez, privilégiez les fruits et légumes bio ") avait été jugée suffisamment ouverte et encourageante lors de cette première étude pour être acceptable par tous. »
Tout cela paraît bien curieux. Mais voici la suite : sur Twitter, Santé Publique France a publié une série de messages, dont :
« Quel fond scientifique conduit à recommander le bio? Cette recommandation s’appuie sur l’avis du @hcsp_fr #MangerBouger
https://www.hcsp.fr/Explore.cgi/avisrapportsdomaine?clefr=600 … »
Le lien renvoie vers un... texte minimaliste qui relève davantage du communiqué de presse que de l'avis !
Et un texte rédigé en termes généraux (c'est nous qui graissons) :
« Est mis en avant l’intérêt de privilégier des aliments cultivés selon des modes de production diminuant l’exposition aux pesticides pour les fruits et légumes, les légumineuses, les produits céréaliers complets, et de varier les espèces et les lieux d’approvisionnement pour les poissons. »
(Source)
C'est un peu léger... En outre, ce texte ne comporte pas la parenthèse – « (selon un principe de précaution) » – qui en ferait partie selon le visuel. Celle-ci se trouve dans l'avis proprement dit (adopté le 16 février 2017 par... 7 membres sur 13 de la Commission Spécialisée Prévention, Éducation et Promotion de la Santé, les autres ayant été absents) auquel on ne peut accéder que par téléchargement.
Du reste, « un principe de précaution », quésaco ? Y aurait-il plusieurs principes de précaution ? Y en aurait-il un qui considère les pesticides dangereux tout en autorisant la commercialisation de produits susceptibles d'en contenir des résidus ?
On y trouve aussi l'explication suivante :
« Le BIO [avec une note précisant : "BIO : agriculture certifiée, suivant le cahier des charges de l’agriculture BIO] est un mode de production limitant les intrants et constitue à ce titre un moyen de limiter l’exposition aux pesticides. Cependant, il ne permet pas d’éliminer totalement certains contaminants présents dans l’environnement (métaux lourds, dioxines, mycotoxines, pesticides organophosphorés, etc.). Par ailleurs, le recours aux produits BIO est un élément complémentaire aux repères principaux de consommation, qui sont eux des critères de choix prioritaires : par exemple, pour les fruits et légumes, le repère de consommation est d’au moins 5 par jour qu’ils soient BIO ou non ; s’ils sont issus de l’agriculture biologique, c’est un plus. Un produit gras et/ou sucré, même BIO, reste un produit gras et/ou sucré. »
En résumé, on se trouve confronté à des glissements progressifs dont on peut penser, avec un petit goût pour le complotisme, qu'ils sont le fruit de l'entrisme de taupes du bio qui ont infiltré le Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP). Le HCSP mentionne le bio de manière incidente dans son avis ; le HCSP formule ensuite des repères alimentaires principaux avec comme donnée complémentaire de privilégier certains produits « cultivés selon des modes de production... » ; cette dernière expression se transforme en « bio » ; et la donnée complémentaire monte d'un cran dans le visuel pour grand public.
Il y a encore mieux !
(Source)
Dans ce gazouillis du 22 janvier 2019 expliquant le volet « aller vers... », le bio est carrément en première position !
(Même source)
Le HCSP a travaillé sur la base d'expertises de l'ANSES (ici, ici et ici), d'« auditions d’experts dans certains champs de la nutrition » (lesquels?) et de recommandations alimentaires d'autres pays (Danemark, États-Unis d'Amérique, Finlande (lien corrompu), Pays-Bas, Royaume-Uni).
L'ANSES n'a fait aucune recommandation s'agissant des produits biologiques. Un survol rapide des recommandations des autres pays ne révèle aucune référence à l'agriculture biologique.
Allô ! Mme Buzyn ! We have a problem !
Il y a eu à l'époque un échange avec M. Alexandre Carré que nous vous livrons en grande partie.
On ne peut que souscrire à l'avis qu'il s'agit d'un agribashing... institutionnel...
Allô ! M. Guillaume ! We have a problem !
Idem pour la mise en cause des travaux de l'ANSES.
Allô ! Les ministres de tutelle ! We have a problem !