« Malformations néonatales : de fausses alertes ? » sur France Culture
Glané sur la toile 444
C'était le lundi 25 novembre 2019 dans Superfail de M. Guillaume Erner, une émission qui se place sans honte – et pour notre bonheur – sous le slogan suivant :
« Il n'y a pas que la réussite dans la vie. Superfail ne s'intéresse qu'à l'erreur, l'échec, la catastrophe. Superfail parce que ce n'est pas si facile de réussir à échouer... »
L'invitée était Mme Ségolène Aymé, médecin généticienne et épidémiologiste, directrice de recherche émérite à l’INSERM. Elle est la créatrice d’ORPHANET, site de référence mondial dédié aux maladies rares et aux médicaments orphelins. Ce n'est qu'une partie de son curriculum.
Pendant quelque 20 minutes, interrogée avec une grande justesse par M. Guillaume Erner, elle est revenue sur un énorme fiasco dans « Malformations néonatales : de fausses alertes ? » : les erreurs d'appréciation, la médiatisation outrancière et l'instrumentalisation de cas, apparemment groupés, d'agénésie transverse des membres supérieurs (ATMS), devenus « bébés sans bras » dans la littérature médiatique et sur les réseaux dits sociaux.
Elle a expliqué les faits avec un grand sens de la pédagogie. Et M. Guillaume Erner a fait amende honorable pour avoir participé à l'emballement médiatique.. chapeau !
Nous retiendrons le paragraphe suivant :
« Pour Ségolène Aymé, lorsque l’affaire a été médiatisée, le témoignage "très touchant" l'avait troublée, et la généticienne a compris immédiatement qu’il allait y avoir des retombées très négatives parce qu’on entrait dans une affaire compliquée à expliquer. "Les familles devaient être rassurées mais il n'y a pas d'explication à chercher parce qu'il n'y a pas d'augmentation réelle des cas" explique-t-elle. Les explications auraient pu, à tout moment, être interprétées comme une défense de la part des institutions ou des experts qui n’auraient pas vu… ou des lobbys qui voudraient fermer les yeux sur la pollution… Donc, les spécialistes étaient dans une situation très délicate. Quand Ségolène Aymé dit qu’il ne s’est "rien passé", il faut comprendre qu’il y a un taux qui est statistiquement régulier de malformations congénitales et que ce taux-là n’a pas été dépassé par les cas qui ont été portés à sa connaissance en 2018.
« Les explications auraient pu, à tout moment, être interprétées comme une défense... » ? Cela a été le cas, et plutôt deux fois qu'une. La parole des experts a été malmenée, tout comme celle de Mme Agnès Buzyn.
Cela pose question à propos d'une intervenante dans le « débat » – qui n'a pas été citée – et surtout des journalistes qui se sont prêtés avec délectation aux surenchères synonymes de buzz et, in fine, d'audience. On ne soulignera jamais assez que les journalistes ont une grande responsabilité intellectuelle, morale et citoyenne. Une responsabilité qui a pris encore plus de poids à l'ère du numérique, de l'« information » instantanée et des réseaux dits « sociaux ».
Et on peut regretter qu'il n'y ait pas suffisamment d'émissions type Superfail et de Ségolène Aymé disposés à affronter les fausses vérités.