Bisphénol et diabète : vraiment ?
(Source)
Une équipe française aux affiliations diverses et variées incluant un chercheur avec une affiliation australienne (Rancière F., Botton J., Slama R., Lacroix M.Z., Debrauwer L., Charles M.A., Roussel R., Balkau B., Magliano D.J., groupe d'étude D.E.S.I.R.) a publié dans Environmental Health Perspectives « Exposure to Bisphenol A and Bisphenol S and Incident Type 2 Diabetes: A Case-Cohort Study in the French Cohort D.E.S.I.R. » (exposition au bisphénol A et au bisphénol S et diabète incident de type 2 : une étude de cas-cohorte dans la cohorte française D.E.S.I.R.).
En voici le résumé :
CONTEXTE : La question de savoir si l'exposition au bisphénol A (BPA) contribue au développement du diabète de type 2 n'est toujours pas résolue. La plupart des preuves épidémiologiques sur l'association entre le BPA et le diabète proviennent d'études transversales ou longitudinales avec des mesures urinaires uniques. Aucune étude prospective n'a examiné l'exposition à des analogues du BPA tels que le bisphénol S (BPS) en relation avec le diabète de type 2 incident.
OBJECTIFS : Nous avons cherché à déterminer si l’exposition au BPA et au BPS, évaluée à un ou deux moments différents, était associée à l’incidence du diabète de type 2.
METHODES : Nous avons effectué une étude de cohorte sur 755 participants non diabétiques au départ et ayant fait l'objet d'un suivi sur 9 ans dans le cadre de la cohorte prospective française Données d'une Étude Épidémiologique sur le Syndrome de Résistance à l'Insuline (D.E.S.I.R.). Le BPA-glucuronide (BPA-G) et le BPS-glucuronide (BPS-G) ont été évalués dans des échantillons d'urine à jeun prélevés lors des examens de santé initiaux et 3 ans plus tard. Les associations avec le diabète incident ont été examinées à l'aide de modèles de régression de Cox à pondération de Prentice ajustés pour les facteurs de confusion potentiels.
RÉSULTATS : Au total, 201 cas incidents de diabète de type 2 ont été diagnostiqués au cours du suivi, dont 30 dans la sous-cohorte. Comparativement aux participants ayant l'exposition moyenne au BPA la plus faible (inférieure au premier quartile), les participants des groupes d'exposition des deuxième, troisième et quatrième quartiles avaient un risque de diabète de type 2 presque doublé, avec un ratio de risque (HR) = 2,56 (IC à 95 % : 1,16, 5,65), 2,35 (IC à 95 % : 1,07, 5,15) et 1,56 (IC à 95 % : 0,68, 3,55), respectivement. La détection de BPS-G dans l’urine à un moment ou aux deux moments était associée à un diabète incident, avec un HR = 2,81 (IC à 95 % : 1,74, 4,53).
DISCUSSION : Cette étude montre des associations positives entre l'exposition au BPA et au BPS et l'incidence du diabète de type 2, indépendamment des facteurs de risque de diabète traditionnels. Nos résultats devraient être confirmés par de récentes études observationnelles basées sur la population dans différentes populations et différents environnements. Dans l’ensemble, ces résultats soulèvent des préoccupations quant à l’utilisation du BPS en tant que substitut du BPA. Des recherches supplémentaires sur les analogues du BPA sont justifiées. https://doi.org/10.1289/EHP5159.
À l'heure où nous écrivons, nous n'avons pas (encore ?) vu de ramdam médiatique. C'est une heureuse surprise.
Ce genre d'études apporte des éléments de connaissance, mais ils sont fort limités. Quelle valeur attribuer à des associations entre une exposition à une substance mesurée deux fois sur une période de suivi de neuf ans et la survenue d'une maladie ? Les auteurs de l'étude ont bien fait de se montrer très prudents dans la partie « discussion » de leur résumé.
On peut aussi trouver que les résultats sont curieux pour le BPA : le ratio de risque par rapport au premier quartile baisse avec l'augmentation de l'exposition.
S'agissant du bisphénol S, nous avons trouvé un communiqué de presse de l'INRA, « Le remplacement du bisphénol A par le bisphénol S conduit à augmenter l’exposition à une substance hormonalement active », selon lequel :
« En raison des propriétés oestrogéno-mimétiques du BPS comparables à celles du BPA, le remplacement du BPA par le BPS conduit ainsi à multiplier par environ 250, les concentrations dans le sang d’une substance hormonalement active. Ce résultat montre que l’évaluation de l’exposition est critique pour la recherche d’alternatives à des substances préoccupantes et pourrait permettre d’éviter une substitution regrettable. »
Ce communiqué se rapportait à « Oral Systemic Bioavailability of Bisphenol A and Bisphenol S in Pigs » (biodisponibilité systémique orale du bisphénol A et du bisphénol S chez le porc) de Véronique Gayrard et al.
Il pourrait effectivement « permettre d’éviter une substitution regrettable », mais à condition que les décisions politiques prises en la matière soient fondées sur la science plutôt que sur l'impérieux désir de certains décideurs politiques de parader devant les activistes.
Lorsque le législateur avait été saisi d'une proposition de loi tendant à interdire le bisphénol A dans les plastiques alimentaires, les avertissements étaient déjà sur la table (voir par exemple ici et ici).