« Arrêtez de mettre des ruches partout ! » (en fait en ville) sur France Inter
Glané sur la toile 440
On peut écouter – c'est 5 minutes – ou lire la chronique "Detox" de Caroline Tourbe intitulée « Arrêtez de mettre des ruches partout ! ».
Et on peut souhaiter – merci par anticipation Père Noël – davantage de chroniques aussi intelligentes.
Le message en bref : la multiplication des ruches en ville porte préjudice à la biodiversité car les abeilles domestiques concurrencent les butineurs sauvages.
En chapô :
« Pour la première fois le mois dernier, une étude a mesuré avec précision l’effet négatif de la présence des colonies domestiques sur la fréquentation des fleurs en ville. »
Et en introduction, une indication sur le problème :
« Nous en parlions pas plus tard que la semaine dernière, il y a des ruches à Radio France. Et c’est loin d’être une exception dans la capitale : leur nombre est passé de 600 en 2016 à plus de 1500 cette année, soit environ 15 ruches / km². Et Paris est loin d'être une exception en France ou même en Europe...
La chronique se fonde donc sur une étude scientifique. C'est « Wild pollinator activities negatively related to honey bee colony densities in urban context » (l'activité des pollinisateurs sauvages liée négativement aux densités de colonies d'abeilles mellifères en milieu urbain) de Lise Ropars, Isabelle Dajoz, Colin Fontaine, Audrey Muratet et Benoît Geslin.
En voici le résumé (nous découpons) :
Alors que le déclin des pollinisateurs est de plus en plus signalé dans les environnements naturels et agricoles, les villes sont considérées comme des abris pour les pollinisateurs en raison de leur faible exposition aux pesticides et de la grande diversité florale tout au long de l'année.
Cela a conduit à l'élaboration de politiques environnementales soutenant les pollinisateurs dans les zones urbaines. Cependant, les politiques se limitent souvent à la promotion d'installations de colonies d'abeilles mellifères, ce qui a entraîné une forte augmentation du nombre de ruchers dans les villes.
Récemment, la concurrence pour les ressources florales entre les pollinisateurs sauvages et les abeilles mellifères a été mise en évidence dans des contextes semi-naturels, mais on ne sait pas si l’apiculture en milieu urbain pourrait avoir un impact sur les pollinisateurs sauvages.
Nous montrons ici que dans la ville de Paris (France), les taux de fréquentation des pollinisateurs sauvages sont corrélés négativement aux densités de colonies d'abeilles mellifères présentes dans le paysage environnant (500m – pente = -0,614 ; p = 0,001 – et 1.000m – pente = -0,489 ; p = 0,005).
En ce qui concerne les groupes morphologiques de pollinisateurs sauvages, les densités de colonies d'abeilles mellifères dans un rayon de 500m ont une incidence négative sur les taux de fréquentation des grandes abeilles solitaires et des coléoptères (pente = -0,425, p = 0,007 et pente = -0,671, p = 0,002, respectivement) et la densité des colonies d'abeilles mellifères dans une zone tampon de 1.000m a eu un effet négatif sur les taux de fréquentation des bourdons (pente = -0,451, p = 0,012).
De plus, une plus faible uniformité d'interaction dans les réseaux de plantes et de pollinisateurs a été observée avec une densité élevée de colonies d'abeilles mellifères dans une zone tampon de 1.000 m (pente = -0,487, p = 0,008).
Enfin, les abeilles ont tendance à axer leurs activités de butinage sur les espèces gérées plutôt que sur les espèces sauvages (test t de Student, p = 0,001), alors que les pollinisateurs sauvages visitaient de manière égale les espèces gérées et les espèces sauvages.
Nous préconisons des pratiques responsables afin d'atténuer l'introduction de colonies d'abeilles mellifères à haute densité en milieu urbain. D'autres études sont toutefois nécessaires pour approfondir nos connaissances sur les interactions négatives potentielles entre les pollinisateurs sauvages et domestiqués.
Fig 2. Sites d'étude à Paris (France) et réseaux de plantes-pollinisateurs associés.
Les réseaux bipartites sont extraits de la compilation de toutes les interactions observées entre les pollinisateurs (barre supérieure) et les plantes (barre inférieure). Les nombres sous les réseaux indiquent l'année. Chaque bloc de pollinisateurs représente un groupe morphologique et chaque bloc de plantes représente une espèce. La largeur des liens est proportionnelle au nombre d'interactions (c'est-à-dire l'activité pollinisatrice).
Les groupes morphologiques des pollinisateurs sont classés par ordre (de gauche à droite) par couleurs et numéros : gris foncé-1, petites abeilles solitaires ; rouge foncé-2, grandes abeilles solitaires ; noir-3, syrphides ; vert foncé-4, coléoptères ; violet-5, papillons ; gris clair-6, mouches ; orange-7, bourdons ; jaune-8, abeilles à miel.
Les sites sont représentés par une lettre majuscule pour faire la correspondance avec S1 Data. Les cartes de hauteur de végétation et d'utilisation des terres ont été obtenues à partir de la base de données APUR (http://opendata.apur.org/datasets/)
Fig 3. Taux de fréquentation des groupes morphologiques le long du gradient du nombre de colonies d'abeilles mellifères à 500 m autour de nos sites d'observation.
Les régressions des modèles les mieux ajustés ont été représentées pour chaque groupe morphologique. Lorsque les modèles les mieux adaptés comprenaient plusieurs variables explicatives, des régressions résiduelles partielles ont été tracées.