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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Zones non traitées aux abords des habitations : autopsie d'une chienlit (3)

20 Septembre 2019 , Rédigé par Seppi Publié dans #Pesticides, #Politique, #Santé publique

Zones non traitées aux abords des habitations : autopsie d'une chienlit (3)

 

Il y a aussi la « loi Egalim » et ses chartes départementales de bonnes pratiques

 

 

Une directive européenne qui demande que les États membres « veillent à ce que l’utilisation de pesticides soit restreinte ou interdite dans certaines zones spécifiques », notamment « les zones utilisées par le grand public ou par des groupes vulnérables »...

 

Une transposition en droit français, mais sans instauration de mesures particulières pour les zones d'habitation...

 

Un Conseil d'État qui juge que l'État a été défaillant et l'enjoint de remédier à la situation...

 

Un Gouvernement qui répond par la mise en place de zones non traitées...

 

Oui, mais... nos députés se sont aussi mis de la partie avec une loi « Egalim » qui a été mise à profit pour ajouter une couche... et c'est sans compter le Code de l'Environnement.

 

 

Une « consultation » obligatoire

 

Les dispositions proposées sont soumises à une procédure de consultation du public conformément à l'article L123-19-1 du Code de l'Environnement.

 

Il va sans dire que le Gouvernement sera submergé de commentaires savamment orchestrés par les « ONG de défense de l’environnement » (et du biobusiness...) ainsi que par EÉLV.

 

 

(Source de l'original)

 

 

La FNSEA, opposée dans un premier temps, car préférant des chartes locales, semble se satisfaire des propositions figurant dans le projet d'arrêté... mais la base gronde et s'apprête apparemment à s'enflammer.

 

 

(Source)

 

 

La Confédération Paysanne ? « Pour nous, l'urgence est à une vraie politique publique de sortie des pesticides »... est-ce encore un syndicat agricole ? Enfin, il faut bien penser un peu aux « paysan.ne.s » : « ...A savoir : l'interdiction des produits les plus toxiques - les cancérogènes, mutagènes, reprotoxiques (CMR*) et perturbateurs endocriniens (PE) - et l'accompagnement pour une transition du modèle agricole. C'est ce qui permettra, au final, la sortie des pesticides. »

 

La Coordination Rurale s'oppose à toute obligation en matière de zones non traitées aux abords des habitations. Pour son président, M. Bernard Lannes, « les agriculteurs n’ont pas à supporter cette nouvelle lubie politique ». Ce n'est pas forcément la bonne approche sur le fond compte tenu du climat politique et social. Mais ce ne serait pas une si mauvaise chose pour le Gouvernement que d'être confronté à des mécontentements des deux côtés. Quoique...

 

 

Et voici la « loi Egalim » et ses chartes de bon voisinage

 

C'est qu'il y a un élément de chienlit de plus.

 

Le projet qui est finalement devenu la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite « loi Egalim », a donné l'occasion de se défouler à de nombreux députés à la fibre « écologique », y compris sur les bancs de la majorité.

 

Parti de 17 articles, il a pris un sacré embonpoint : 98 articles, dont certains ont eux-même grossi ! Le Conseil Constitutionnel en a du reste retoqué 23.

 

L'article 83 de la loi (dans la numérotation du texte adopté par l'Assemblée Nationale) a modifié l'article L253-8 du Code Rural et de la Pêche Maritime ; celui-ci prévoira à compter du 1er janvier 2020 :

 

« III.-A l'exclusion des produits de biocontrôle mentionnés au deuxième alinéa de l'article L. 253-6, des produits composés uniquement de substances de base ou de substances à faible risque au sens du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/ CEE et 91/414/ CEE du Conseil, l'utilisation des produits phytopharmaceutiques à proximité des zones attenantes aux bâtiments habités et aux parties non bâties à usage d'agrément contiguës à ces bâtiments est subordonnée à des mesures de protection des personnes habitant ces lieux. Ces mesures tiennent compte, notamment, des techniques et matériels d'application employés et sont adaptées au contexte topographique, pédoclimatique, environnemental et sanitaire. Les utilisateurs formalisent ces mesures dans une charte d'engagements à l'échelle départementale, après concertation avec les personnes, ou leurs représentants, habitant à proximité des zones susceptibles d'être traitées avec un produit phytopharmaceutique.

 

Lorsque de telles mesures ne sont pas mises en place, ou dans l'intérêt de la santé publique, l'autorité administrative peut, sans préjudice des missions confiées à l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, restreindre ou interdire l'utilisation des produits phytopharmaceutiques à proximité des zones définies au premier alinéa du présent III.

 

Un décret précise les conditions d'application du présent III. »

 

Le décret susmentionné, c'est précisément celui mis en consultation sous forme de projet.

 

La disposition précitée a été proposée par le Gouvernement en cours d'examen du projet de loi par l'Assemblée Nationale.

 

En voici l'exposé sommaire :

 

« Cet amendement répond à un enjeu d’exposition aux produits phytopharmaceutiques des habitants riverains des zones où ils sont utilisés, et vise à renforcer leur protection.

 

Les dispositions envisagées concernent les résidences habitées et non les bâtiments qui ne le seraient plus ou que très occasionnellement, ainsi que les espaces contigus d’agrément (cours, jardins).

 

Les conclusions des États généraux de l’alimentation ont montré la nécessité du renforcement de la protection des populations en instaurant la mise en place de mesures adaptées, qui peuvent être de natures diverses (chartes validées par l’État, zones de protection, périodes de traitement…). La mise en place de telles mesures est par ailleurs préconisée par le rapport établi par la mission conjointe CGEDD/CGAAER/IGAS. Cette action est reprise dans la feuille de route pour une agriculture moins dépendante aux produits phytosanitaires présentée par le gouvernement le 25 avril 2018, annonçant cet amendement gouvernemental.

 

Le gouvernement privilégie la mise en place de mesures prises par les utilisateurs visant à réduire l’exposition aux produits phytopharmaceutiques et favoriser la coexistence des activités sur les territoires ruraux. Ces engagements seront formalisés dans des chartes d’engagement des usagers, adaptées au contexte local et aux leviers effectivement mobilisables par la ou les exploitations.

 

De nombreux territoires ont mis en place une concertation collective entre agriculteurs et riverains avec la formalisation sous forme d’une charte sur les modalités de traitement (heures de traitement, matériels, protection des habitations), visant à promouvoir un climat serein, de respect mutuel entre riverain et utilisateur de produits phytosanitaires. C’est le cas notamment de la viticulture.

 

En revanche, si cette voie s’avère infructueuse, ce même amendement donne la possibilité, pour l’autorité administrative, de prendre des mesures de restrictions. Celles-ci peuvent également s’avérer nécessaires pour encadrer les mesures prises par les utilisateurs.

 

En vertu d’un nouveau document guide européen, des produits en cours d’évaluation pourront être prochainement assortis de conditions d’usage à proximité des zones accueillant des résidents. Ainsi, les produits récemment évalués feront l’objet de restrictions plus importantes que d’autres qui peuvent présenter un profil toxicologique plus défavorable mais n’ont pas été évalués avec ces nouvelles lignes directrices. Il serait incohérent que ces produits soient préférés à ceux nouvellement évalués et autorisés. »

 

C'était peut-être une bonne idée dans le contexte des travaux parlementaires, qui ont été assez compliqués. Il y avait ceux qui proposaient d'imposer par la loi des zones tampons allant jusqu'à 200 mètres et ceux qui ne voulaient aucune disposition, s'en remettant aux chartes négociées localement... Certains députés avaient cependant pointé des écueils de la formule proposée par le Gouvernement (chercher CE487 dans le texte).

 

 

Le locataire de l'Élysée donne aussi son avis et ses instructions

 

Mais le puzzle n'est pas encore complet : le Président Emmanuel Macron a tenu à s'exprimer avec l'art de l'enfumage qu'on lui connaît. C'est par cela que nous commencerons le prochain billet.

 

 

À suivre...

 

 

(Source : EELV)

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