Amazonie : l'Obs tout feu tout flamme... infâme
1.100 hectares détruits...
Avec « Quel est l’impact des feux en Amazonie sur le climat ? », Mme Audrey Garric et M. Gary Dagorn, du Monde Planète, ont proposé une entrée en matière intéressante :
« L’Amazonie brûle sans discontinuer, enflammant les arbres, les réseaux sociaux et les relations diplomatiques. »
Ces auteurs ont toutefois oublié de citer les médias, y compris, du reste, le leur.
Que penser, par exemple, d'une tribune intitulée : « La forêt amazonienne brûlée par l’industrie de l’élevage », avec pour chapô :
« Dans une tribune au "Monde", Elodie Vieille Blanchard et Frédéric Mesguich, de l’Association végétarienne de France, considèrent que nous sommes également responsables des incendies en Amazonie, car la viande que nous mangeons provient d’animaux nourris au soja produit au Brésil. »
Accuser ainsi « l’industrie de l’élevage » – dans sa globalité – et prétendre que notre viande « provient d’animaux nourris au soja produit au Brésil », sans nuance, il faut oser... Il faut oser l'écrire – même si ça vient de l'Association Végétarienne de France ; mais il faut aussi oser publier...
Il n'est évidemment pas question de préconiser une police de la pensée. Mais un journal comme le Monde s'honorerait à faire un tri dans ses choix rédactionnels et à décliner la publication d'allégations aussi grotesques. Faire un tri... ou refléter la pluralité des opinions.
Or... Gageons qu'une tribune qui dirait que le Président Jair Bolsonaro n'est pas pour grand-chose dans les incendies amazoniens n'aurait guère de chance d'être publiée par le Monde...
Ni dans l'Obs qui a publié « Bolsonaro est responsable de l’Amazonie qui brûle. Mais nous, les riches, aussi ». C'est fou ce que cette autoflagellation fait vendre... Mais il n'y a pas que cela. En chapô :
« On aimerait croire que l’infâme Jair Bolsonaro, héraut des multinationales, porte seul la destruction de la forêt brésilienne. Mais nos appétits de consommateurs occidentaux n’y sont pas étrangers. »
Fallait-il vraiment traiter M. Jair Bolsonaro d' « infâme » ? et de « héraut des multinationales » ? L'accuser de « porte[r] seul la destruction de la forêt brésilienne » ? Tout en trouvant d'autres coupables ? On peut avoir toutes les raisons de détester ce personnage, mais cette littérature ne fait pas avancer le dossier et signe en fait le déshonneur d'une certaine classe journalistique.
Mais ce n'est pas tout. En résumé :
« Le constat tient en trois phrases : les animaux d’élevage se nourrissent de soja. La France n’a pas de soja ou du moins pas assez, et donc elle en importe. Pour répondre à cette demande et cultiver la graine si précieuse, les paysans brésiliens déforestent massivement. Le phénomène est d’ailleurs mondial. Selon la FAO, 70 % des terres agricoles de la planète sont utilisées directement (les monocultures) ou indirectement (le pâturage) pour produire de quoi nourrir les bêtes d’élevage, soit trois fois plus que dans les années 1960. »
Non, les animaux d'élevage ne se nourrissent pas de soja. Leur alimentation est diversifiée, à base d'herbe et de maïs dans le cas de bovins, et complémentée par des protéines, notamment du soja.
Non, les paysans ne déforestent pas – ou plus – massivement pour produire du soja (voir le graphique « drivers of deforestation » ici).
La suite est un coq-à-l'âne. Et on peut être ébahi devant les affirmations. Les pâturages serviraient « indirectement » à nourrir les « bêtes d'élevage » ?
L'anticapitalisme primaire n'est pas loin :
« C’est à l’orée des Trente Glorieuses que les « petits » paysans se sont mis à travailler la terre partout sur la planète, non pour nourrir leurs familles, mais pour répondre, et contre une rétribution de misère, aux appétits d’une industrie de plus en plus productiviste. »
Pleurez dans les chaumières... euh non... dans les beaux quartiers à bobos...
Là, la pollution d'un article de l'Obs par l'obsession idéologique de son auteure devient manifeste :
« L’insémination à la chaîne et des bricolages hormonaux (effrayants) ont permis d’"harmoniser les chaleurs" des femelles – pour qu’elles soient fécondables en même temps. »
La nouvelle zootechnie est ensuite au rendez-vous :
« Les ventres sont devenus plus fertiles, ce qui a entrainé une augmentation massive des naissances, laquelle a entrainé une demande massive de soja. En un demi-siècle, la production mondiale a crû de 751 %. »
On embraye sur la technologie agroalimentaire, avec des liens vers... Wikipedia :
« Près de 85% est transformée en nourriture animale alors même qu’il s’agit d’un oléagineux naturellement riches [sic] en protéine [resic] et en huile utilisé [re-resic] dans l’alimentation humaine depuis des millénaires. »
Chut ! Ne dites pas à Mme Anne Crignon que le tourteau de soja donné aux animaux, c'est le résidu de l'extraction de l'huile...
Que l'huile est bien utilisée dans l'alimentation humaine, mais aussi transformée en biocarburant ou affectée à des usages industriels.
On fait un détour par l'Argentine – et ses 8 % d'enfants dénutris, comme si c'était la faute du soja – et la Chine :
« […] Le soja argentin n’est pas consommé sur place. Il prend l’avion pour la Chine où il va engraisser poissons et cochons. »
Sainte Greta Thunberg, faites quelque chose !
On pourrait s'arrêter là, mais il est nécessaire d'éreinter cet article jusqu'au bout (enfin pour autant qu'on héberge l'espoir que l'Obs saisira l'ampleur du désastre). Les statistiques ?
« Au Brésil, la culture est passée en cinquante ans de zéro à plus de 60 millions d’hectares et la surface sacrifiée a augmenté d’environ 50 % ces quatre dernières années. »
Selon la FAO, les surfaces récoltées sont passées de 612.115 hectares en 1967 à 33.936.223 en 2017. Ce n'était pas zéro... et on est loin des 60 millions d'hectares aujourd'hui.
Quant à la « surface sacrifiée », on aimerait savoir à quoi cela se rapporte.
En 2013, on a récolté au Brésil 27.906.675 hectares de soja. L'augmentation de la surface, ainsi mesurée, serait de quelque 22 %. Encore faut-il savoir que le soja peut se cultiver en dérobé – ou remplacer une autre culture – de sorte que cette augmentation des emblavements ne correspond pas à une mise en culture de terres défrichées.
En 2016, les « terres arables » représentaient 80.976.000 hectares. En 2012, c'était 72.607.000 d'hectares, soit une augmentation de 11,5 %.
Énorme ? Les « terres agricoles » n'ont progressé que de quelque 3 %, de 275.607.000 à 283.546.000 millions d'hectares.
Bien sûr, cette évolution ne peut qu'être considérée comme affligeante dans Boboland, qui croit que l'Amazonie est le « poumon de la Planète » et que nous aurions un droit de regard sur l'utilisation qui en est faite par les pays de la région. C'est peut-être difficile à comprendre pour des gens repus, nageant dans l'opulence, mais il se trouve que ces pays aspirent à se développer... et pour le Brésil, l'agriculture est un enjeu stratégique. Et le soja une formidable opportunité.
Toujours selon la FAO, la surface en forêts a diminué de 0,8 % entre 2012 et 2016 (de 496.490.000 à 492.554.000 hectares). Pour les forêts primaires, les statistiques de la FAO affichent une stabilité (!) à 202.691.000 hectares pour le Brésil.
Quelle surface a brûlé (et brûlera d'ici la reprise des pluies) ? Apparemment on a des difficultés à produire des statistiques à ce stade. La Bolivie semble beaucoup plus touchée que le Brésil. Nice Matin a produit un intéressant résumé historique des grands feux de forêts... de quoi remettre les choses en perspective et à ne pas mettre entre les mains de M. Jair Bolsonaro...
Il a fallu lire et relire avant de saisir :
« Martyriser la première de nos forêts primaires et ses peuples fragiles pour nourrir des millions d’animaux artificiellement, et avec une cruauté systémique indéniable, mis au monde est l’une des réalités les plus triviales et les plus emblématiques de ce "monde à l’envers" dans lequel nous flottons et qui provoque un malaise croissant. »
On en est à Martine à la ferme ou à l'agriculture vue par une personne qui n'a jamais traversé le périph'. Complémenter une alimentation avec du tourteau de soja, ce serait donc « nourrir […] artificiellement » ! Et ce sont en fait les animaux qui seraient mis au monde « avec une cruauté systémique indéniable ». Cela dépasse l'entendement.
L'auteure s'abstient cependant de conclure selon ses convictions :
« Manger de la viande trois ou quatre fois par semaine et pas plus est l’acte I. Le plus simple pour protéger l’Amazonie et ses hôtes, et commencer à remettre le monde à l’endroit. »
Non sans avoir fait référence très partiellement à une étude qui semble conforter le point de vue – « Reducing food’s environmental impacts through producers and consumers » (réduire les impacts environnementaux de l'alimentation à travers les producteurs et les consommateurs) de J. Poore1 et T. Nemecek.
Et non sans avoir affirmé que remplacer « la moitié des produits animaux [...] par des équivalents végétaux » (des équivalents, vraiment ?) se traduirait par le fait que « [l]a famine en serait diminuée drastiquement ».
C'est merveilleux l'ignorance, les illusions et les fantasmes.