Serres « bio » chauffées ? Le silence est d'or, Monsieur le Ministre !
Nous l'avons vu dans des épisodes précédents, notamment ici : ça chauffe dans le monde du/de la bio sur la question de savoir s'il y a lieu d'interdire en France – en surtransposition de la réglementation européenne – le chauffage des serres « bio », hormis pour le maintien hors gel et la production de plants.
La filière se déchire, il y a des coups bas... Une pétition lancée par la Fédération Nationale de l'Agriculture Biologique (FNAB) et trois entités du monde militant demande au Ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation de soutenir une interdiction franco-française.
La décision revient au Comité National de l’Agriculture Biologique (CNAB) de l'Institut National de l'Origine et de la Qualité (INAO). Le Ministère de l'Agriculture dispose de deux sièges dans ce comité pléthorique ; ses voix ne feront vraisemblablement pas la différence.
Mais l'essentiel n'était-il pas de faire le buzz, de rameuter le ban et l'arrière-ban, de susciter une réaction favorable, et de faire indirectement pression sur les autres membres du comité en les exposant au châtiment du tribunal de l'opinion publique s'ils ne votent pas « bien » ? Car, voyez-vous, le Ministère de l'Économie dispose aussi de deux sièges dans ce comité et n'a pas été interpellé, lui.
La stratégie de mise sous pression a donc visé un point faible. Et cela a marché.
M. Didier Guillaume, Ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation, a cru bon de réagir. Prenons-le d'Ouest-France, « Agriculture bio. Le ministre de l’Agriculture Didier Guillaume opposé aux serres chauffées ».
Vraiment ?
« "Il y a un débat, aujourd’hui, qui nous interroge beaucoup, […] c’est celui du chauffage des serres. Je ne suis pas favorable au chauffage des serres, parce qu’il faut respecter les rythmes biologiques", a déclaré le ministre qui concluait un séminaire international sur l’agriculture biologique, organisé à Paris. »
Et d'insister :
« Évoquant son action en tant que président du département de la Drôme pour développer le bio dans les cantines, Didier Guillaume a insisté : "Nous devons être très clairs, on mange des produits alimentaires de saison, on ne mange pas des fraises en décembre, on ne mange pas des pêches en janvier, ça, c’est la règle de base".
"L’éducation à l’alimentation, l’éducation au bien manger est absolument indispensable", a ajouté Didier Guillaume [...] »
Oui, mais...
« […] tout en mettant en garde contre les pays qui n’appliqueraient pas ces principes et l’arrivée en France "de tomates néerlandaises en janvier, en février, en décembre". »
On n'est plus dans l'art du « en même temps », mais dans celui du « n'importe quoi ».
M. le Ministre aurait-il l'intention d'interdire l'importation de tomates bio en hiver, nos amis Bataves étant spécialement avertis ? Sur quelle base ? Avec quels moyens ?
Tout compte fait,
« "Si c’était interdit en France et permis dans d’autres pays européens, ça ne réglerait pas le problème de l’économie, des relations économiques. Je pense qu’il faut tout peser, que le comité national de l’agriculture biologique doit peser tout cela, j’ai donné ma position personnelle qui est très claire", a ajouté le ministre lors d’un point presse. »
Peut-être eût-il fallu « peser tout cela » avant de s'épancher ainsi dans un discours dont la chute apporte la démonstration éclatante de l'incohérence des propos.
Nous ajouterons qu'on n'attend pas d'un ministre qu'il donne sa « position personnelle ».