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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Résidus de pesticides dans les aliments : le nouveau rapport de l'EFSA est rassurant comme d'hab'

28 Juin 2019 , Rédigé par Seppi Publié dans #EFSA, #Alimentation, #Pesticides

Résidus de pesticides dans les aliments : le nouveau rapport de l'EFSA est rassurant comme d'hab'

 

 

L'image est animée sur le site de l'EFSA... Les cercles sont proportionnels aux nombres d'échantillons

 

L'Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (EFSA) vient de publier son rapport sur les résidus de pesticides dans les quelque 88.000 échantillons collectés en 2017 dans les 28 États membres de l’UE, l'Islande et la Norvège.

 

 

Sources : un effort de vulgarisation bienvenu

 

À partir d'ici, on a accès au rapport complet (en anglais) ; un outil de visualisation des données qui aura fait plaisir à des développeurs et vous permet d'explorer les principaux résultats par pays ou par produit alimentaire (on peut préférer on bon vieux tableau à double entrée) ; et une foire aux questions précédées d'explications générales :

 

  • 1. Les résidus de pesticides, c’est quoi ?

     

  • 2. En quoi consiste le rapport de l'EFSA sur les pesticides ?

     

  • 3. Quelles sont les principales conclusions du dernier rapport ?

     

  • 4. Qu'entend-on par « exempt de résidus de pesticides » ?

     

  • 5. Alors, d'où provient le chiffre de 95,9 % ?

     

  • 6. Pourquoi les dépassements sont-ils en hausse par rapport à 2016 ?

     

  • 7. Qu'en est-il des aliments qui contiennent des résidus de plusieurs pesticides ?

     

  • 8. Existe-t-il des différences entre les échantillons prélevés sur des denrées produites au sein de l'UE et à l'extérieur de l’UE ?

     

  • 9. Qui décide quels sont les aliments et les substances chimiques analysées ?

     

  • 10. Les données suggèrent-elles un risque pour les consommateurs européens ?

 

L'effort de vulgarisation qui a été consenti est fort louable et surtout utile.

 

 

En bref

 

Résultat général :

 

  • 95,9 % des échantillons (84.627) conformes aux limites légales (rappel : très protectrices, de sorte qu'un dépassement ne signifie pas automatiquement un risque) ;

    • dont 54,1 % (points de pourcentage) sans résidus quantifiables ;

    • 41,8 % avec résidus quantifiables en-dessous ou au niveau de la limite maximale de résidus (LMR) ;

 

  • 4,1 % des échantillons (3.620) au-dessus de la LMR, dont 2,5 % (2.221) considérés comme non conformes compte tenus des incertitudes des mesures.

 

 

Variations d'une année à l'autre

 

Les dépassements semblent en augmentation par rapport au rapport de l'année précédente (4,1 % contre 3,8 %). L'EFSA explique :

 

« Ces chiffres sont probablement dus au nombre plus élevé d'échantillons destinés à des fins de contrôle prélevés en 2017 (12,1 % du total par rapport à 4,9 % en 2016). L’échantillonnage destiné à des fins de contrôle cible des pesticides et des aliments issus de pays où des dépassements ont été observés par le passé ; la détection de résidus dans ces échantillons est donc plus probable que la détection obtenue lors d'un échantillonnage aléatoire [...] »

 

 

Programme coordonné de l'Union Européenne et programmes nationaux

 

Les statistiques sont établies à partir de deux séries de données :

 

  • Le programme coordonné par l'UE, en vertu duquel les pays rapporteurs analysent une liste commune de produits alimentaires et de pesticides. En 2017, les analyses ont porté sur les produits suivants : oranges, poires, kiwis, choux-fleurs ; oignons ; carottes ; pommes de terre ; haricots secs ; seigle (grains) ; riz paddy ; graisse de volaille, graisse de mouton. Les recherches ont porté sur 171 pesticides au total. Les échantillons sont prélevés au hasard pour obtenir des résultats statistiquement représentatifs des aliments consommés par les citoyens européens.

     

  • Les programmes de contrôle nationaux. L'ampleur et la portée de ces programmes sont définies par les États membres eux-mêmes. Ils sont fondés sur la probabilité de risque, et ciblent donc certains produits dont on s'attend à ce qu'ils contiennent des résidus de pesticides dans des concentrations dépassant les limites légales. Ils surévaluent donc les présences, ce qui se reflète dans les chiffres ci-dessus.

 

Les résultats du programme coordonné sont les suivants, pour 11.158 échantillons au total :

 

  • 64, 9 % (11.158 échantillons) sans résidus quantifiables ;

     

  • 33,5 % (7.236 échantillons) avec résidus en-dessous ou au niveau de la LMR ;

     

  • 1,6 % (179 échantillons) avec résidus au-dessus de la LMR, dont 0,7 % (80 échantillons) considérés comme non conformes compte tenu des incertitudes des mesures.

 

 

La galaxie des produits. Cliquez sur un cercle (sur le site de l'EFSA) et une première série de données apparaît, cliquez à nouveau, et vous avez les informations reproduites dans les exemples ci-dessous.

 

 

Produits européens et de pays tiers

 

L'argument des produits d'origine non européenne qui sont/seraient plus « chargés » en résidus de pesticides que les produits nationaux ou européens est souvent avancé dans certains débats, notamment concernant l'interdiction de pesticides. Il est fondé, s'agissant des analyses.

 

Toutefois, il y a lieu de souligner deux points : d'une part, dépassement (ou présence, l'argument ne faisant souvent pas la différence entre les deux) ne signifie pas automatiquement danger ; d'autre part, les milieux agricoles contribuent, avec cet argument, à l'hystérie anti-pesticides et aux fonds de commerce du biobusiness et de ses porte-flingues ainsi que des industriels et distributeurs de l'agroalimentaire qui surfent sur les peurs alimentaires.

 

Les échantillons en provenance des pays tiers présentaient au taux de dépassement des LMR de 7,6 % et de non conformité compte tenu des incertitudes des mesures de 5,5 %, contre 2,6 % et 1,3 %, respectivement, pour les produits européens.

 

 

Alimentation infantile

 

L'alimentation infantile est aussi un sujet « chaud » qui permet quelques belles gesticulations activistes et opérations de marketing pour le moins critiquables.

 

Sur 1.546 échantillons examinés,

 

  • 94,6 % étaient sans résidus quantifiables ;

     

  • 5,4 % (84 échantillons) contenaient des résidus en dessous ou au niveau de la LMR ;

     

  • 1,5 % (23 échantillons) dépassaient la LMR.

 

Il y a lieu de souligner que, pour l'alimentation infantile, les LMR sont fixées de manière uniforme – et à juste titre draconienne – à 0,01 mg/kg, ce qui correspond peu ou prou à la limite de détection. D'autre part, certains contaminants détectés – comme les chlorates, le cuivre et le mercure – ne sont pas nécessairement liés à l'utilisation de pesticides agricoles.

 

 

Agriculture biologique

 

On a analysé 5.806 échantillons de produits issus de l'agriculture biologique (hors alimentation infantile), avec les résultats suivants :

 

  • 86,3 % (5.010 échantillons) étaient sans résidus quantifiables ;

     

  • 12,2 % (711 échantillons) contenaient des résidus quantifiables en dessous ou au niveau de la LMR, la plupart non nécessairement liés à l'utilisation de pesticides agricoles (substances naturelles ou polluants persistants) ;

     

  • 1,5 % (85 échantillons) contenaient des résidus au dessus de la limite de détection, dont 0,7 % (38 échantillons) non conformes compte tenu des incertitudes des mesures.

 

 

Exposition aux pesticides par l'alimentation

 

L'exposition aux résidus de pesticides est estimées à partir des informations sur les habitudes alimentaires et des données sur la présence de résidus dans les aliments. Sur la base des connaissances scientifiques actuelles, on considère que :

 

  • la probabilité qu'une substance présente un risque pour le consommateur est basse lorsque l'exposition par l'alimentation est inférieure ou égale à la valeur toxicologique de référence ;

     

  • des effets négatifs ne peuvent pas être exclus lorsque l'exposition par l'alimentation dépasse la valeur toxicologique de référence.

 

Il faut bien comprendre : « ne peuvent pas être exclus » ne signifie pas : « il y a un risque » (ou, dans la gesticulation activiste : « nous sommes foutus »).

 

L'EFSA a procédé à une analyse des risques tant à court terme ou aigus (par comparaison avec les ARfD – dose de référence aiguë, acute reference dose) qu'à long terme ou chroniques (par comparaison avec les DJA – doses journalières admissibles).

 

En utilisant des modèles généralement conservateurs – qui surestiment les expositions – elle a trouvé que :

 

  • pour 147 des 171 pesticides inclus dans le programme coordonné de l'Union Européenne, les expositions étaient inférieures aux ARfD correspondantes ;

     

  • pour 24 pesticides (197 déterminations sur 10.063 – en gros 2 %) l'exposition dépassait l'ARfD correspondante, mais pour la plupart de ces pesticides, des mesures de gestion des risques appropriées ont déjà été prises ;

     

  • sur la base des connaissances scientifiques actuelles, il est improbable que l'exposition aiguë à ces 171 pesticides soulève des préoccupations quant à la santé des consommateurs ;

     

  • sur la base des 171 pesticides et de 79.411 échantillons de produits non transformés, et deux scénarios,

    • aucun dépassement de DJA n'a été constaté dans le premier scénario (dans lequel les pesticides présents en dessous de la limite de quantification ne sont pas pris en compte, ce qui peut induire une sous-estimation),

    • et deux dépassements ont été identifiés avec le scénario plus protecteur (qui met tout pesticide détecté au niveau de la limite de quantification) : pour le diméthoate (108 % de la DJA) et les dithiocarbamates (120 % de la DJA du zirame) ;

     

  • sur la base des connaissances scientifiques actuelles, il est improbable que l'exposition chronique à ces 171 pesticides soulève des préoccupations quant à la santé des consommateurs ;

 

 

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P
Il est très improbable qu’un consommateur (sauf s’il a la guigne) tombe systématiquement sur les 4% d’aliments au-dessus de la DJA. Il est au contraire probable, qu’un consommateur moyen ingérera quotidiennement environ 4% d’aliments situés au dessus de la dose journalière admissible (DJA) et à 96 % au dessous de cette DJA ; il sera donc quotidiennement et statistiquement au dessous de la DJA. (sauf combinaison très improbable). <br /> Pour prendre un exemple : si les 4 % d’aliments au dessus de la DJA étaient à 2 fois la DJA et si les 96 % restant étaient à 0,5 fois la DJA (chose très improbable car probablement nettement au dessous) ça nous donnerait en moyenne 0,56 fois la DJA (pour prendre un exemple). On rappellera aussi que la DJA en question a été fixée en partant d'une dose dite "sans effet" (DSE), dose que l'on a ensuite divisé par 100 à 1000 selon les cas, pour donner la DJA.
Répondre
S
Bonjour,<br /> <br /> Merci pour votre commentaire.<br /> <br /> Comme le montre ma dernière partie, l'EFSA a trituré les chiffres.<br /> <br /> La guigne est un mot approprié. L'étude alimentation totale de l'INSERM avait trouvé un risque pour les GROS consommateurs de cerises avec le diméthoate.<br /> <br /> Risque, enfin toutes proportions gardées compte tenu des procédures de fixation des DJA.
M
Demain les gros titres "En France la pollution aux pesticides augmente de plus de 12% en un an", ben oui faut bien être anxiogène pour vendre du papier ou du temps de cerveau disponible, les trains qui arrivent à l'heure n'intéressent personne. Nota le 12% c'est pour le passage de 4,2 à 4,7% de mesures au-dessus des LMR, on oubliera que c'est essentiellement dû aux importations et ça permettra de fustiger nos salauds de paysans productivistes qui ne se rendent pas compte que hors du bio point de salut.
Répondre
S
Bonjour,<br /> <br /> Merci pour votre réponse.<br /> <br /> J'avais bien compris… Et je m'étonne que, malgré la canicule, les activistes et les médias ne se soient pas encore engouffrés.<br /> <br /> Quant aux chiffres, je ne vais pas vérifier, mais il y en a deux : celui issu du programme coordonné, et celui du programme national qui cible davantage les situations à risque.<br /> <br />
M
Bonjour et merci Seppi pour votre commentaire.<br /> Je voulais simplement dire que si la presse retirait quelque chose de cette étude ce serait les aspects négatifs.<br /> Il semble effectivement que ça ne passionne pas les foules en ce moment, la canicule trustant tous les gros titres, Mais peut-être Mme Lucet se servira-t-elle un jour de cette info?<br /> Nota: Actu-environnement note un progrès car la France aurait été à 6,4% de non conformités l'année précédente alors que dans les graphiques de votre article d'août 2018 j'ai trouvé 4,2%. De même actu-environnement classe la France au cinquième rang alors que le journal de l'environnement la voit troisième (seul l'extrait est accessible aux non abonnés.
S
Bonjour,<br /> <br /> Merci pour votre commentaire.<br /> <br /> Apparemment, ça ne semble pas intéresser grand monde.<br /> <br /> Actu-environnement titre : "Résidus de pesticides dans l'alimentation : la France progresse"<br /> <br /> https://www.actu-environnement.com/ae/news/residus-pesticides-alimentation-europe-france-efsa-2017-33699.php4<br /> <br /> Le Journal de l'Environnement (militant), "Résidus de pesticides: la France mal classée?"...<br /> <br /> http://www.journaldelenvironnement.net/article/residus-de-pesticides-la-france-mal-classee,98257<br /> <br /> Notre ami Albert Amgar s'interroge : "Pesticides dans les aliments dans l'UE et en France, selon l'EFSA et la DGCCRF"<br /> <br /> https://leblogaa.blogspot.com/2019/06/pesticides-dans-les-aliments-dans-lue.html<br />