Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Un nouvel article séralinien : le cuivre dans les vins

13 Mai 2019 , Rédigé par Seppi Publié dans #Article scientifique, #Pesticides, #Gilles-Éric Séralini

Un nouvel article séralinien : le cuivre dans les vins

 

 

Attention ! Terrain miné !

 

Alors annonçons avec un minimum de commentaires la publication de « Copper in Wines and Vineyards: Taste and Comparative Toxicity to Pesticides » – un titre linguistiquement curieux à notre goût. Il est donc question de cuivre dans les vignes et le vin, de goût et de toxicité comparée à celle d'autres pesticides.

 

Oups ! « Comparative Toxicity to Pesticides » signifie pour l'obsédé textuel que le cuivre n'est pas un pesticide...

 

C'est publié dans Food & Nutrition Journal, de Gavin Publishers (un éditeur qui a une « certaine » réputation) contre, sauf erreur, la modique somme de 960 dollars US. Une revue dans laquelle les deux premiers auteurs avaient déjà publié (voir ici).

 

Les auteurs en sont Gilles-Éric Séralini – Université de Caen, etc. – Jérôme Douzelet – qui se présente sous la bannière Spark-Vie, Le Mas de Rivet, Barjac – et Jean-Charles Halley – Les Mets Chai, Caen, dont Ouest-France a écrit, dans « Caen. Les Mets chai, une cave dédiée aux vins naturels » que c'est « une cave où manger et pas un resto dans une cave ».

 

 

En résumé

 

On doit pouvoir produire une traduction du résumé sans trop de risques de voir débouler un huissier (nous oserons tout de même découper pour une meilleure lisibilité...) :

 

« La vigne fait partie des plantes cultivées les plus fortement traitées aux pesticides. Deux des auteurs ont précédemment caractérisé le goût des pesticides dans l'eau et les vins.

 

À la lumière d'un débat en cours, nous avons résumé dans cet article les données sur le goût et la toxicité potentielle du cuivre (Cu) dans les vins, ainsi que sur la nécessité de son utilisation dans les vignes, et les organismes en général.

 

Le cuivre a été considéré comme un pesticide biologique [organic]. Nous soulignons ici qu’il est protecteur de la vie et n’est toxique que par la saturation de la capacité des processus physiologiques.

 

On le trouve à une dose moyenne de 0,15 mg/L dans les vins biologiques et jusqu'à 1,5 mg/L ou plus dans les vins non biologiques, probablement en raison de sa présence dans la composition des pesticides de synthèse.

 

Il est détectable dans l'eau par le goût à partir de 0,075 mg/L. Son goût est caractérisé dans le travail actuel. Les dégustateurs ont pu détecter le goût du cuivre dans un vin enrichi à l'aveugle à un niveau de 0,15 mg/L. Lorsqu'il a été ajouté à 1 ou 1,5 mg/L, il a été constaté qu'il modifiait clairement le goût du vin.

 

À un niveau de 0,15 mg/L, il serait nécessaire pour un être humain de 80 kg de boire 80 litres de vin biologique par jour pour atteindre le seuil de toxicité aiguë du cuivre. D'autre part, une prescription médicale de cuivre peut stimuler le système immunitaire d'un adulte à un niveau de 1 mg/jour.

 

À titre de comparaison, nous avons constaté qu’une bouteille de vin non biologique jugée de manière favorable (100/100 dans le guide Parker) contenait 146 ppb de boscalid, un pesticide de synthèse largement utilisé. Si l'on considère les produits de formulation et les résidus présents dans de nombreux pesticides, tels que le pétrole et l'arsenic ou d'autres métaux lourds, le seuil de toxicité chronique sera atteint par la consommation de 22 ml de ce vin.

 

Des résultats similaires sont obtenus pour le fenhexamide et le glyphosate dans le Roundup, qui ont une toxicité considérablement plus élevée qu'un excès de cuivre.

 

Le cuivre ne peut donc pas être considéré comme comparable aux pesticides de synthèse dérivés du pétrole présents dans les vins non biologiques, contrairement aux avis récemment publiés des organismes de réglementation.

 

De plus, l'impact environnemental du cuivre dans les vignobles biologiques soumis à un traitement normal semble être positif, dans la mesure où il améliore la biodiversité, contrairement à l'impact des pesticides de synthèse. »

 

On reste sans voix ! Intoxiqué à partir de 22 millilitres d'un vin (non biologique)... Une amélioration de la biodiversité...

 

 

Détection du cuivre dans l'eau et le vin

 

L'article vient avec deux tableaux.

 

 

Tableau 1: Résumé de l’odeur ou du goût du Cu. Les volontaires ont été invités à décrire la détection par le nez ou la bouche lors des tests primaires et préliminaires au niveau minimal de Cu trouvé dans les vins biologiques. Le résultat était très clair. D'autres tests sensoriels pourraient être organisés.

 

 

Le 0,15 mg/L n'est pas le niveau minimal, mais le niveau moyen (allégué, voir ci-dessous). Passons... Faut-il comprendre que le goût du vin est dénaturé par le cuivre même dans le cas d'un vin bio moyen ?

 

On peut aussi trouver curieux que le cuivre soit détecté au nez dans les vins par tous les dégustateurs, mais seulement par 12 sur 30, dans l'eau.

 

 

Quantités et toxicités

 

 

Nous traduisons la légende ci-dessous (en découpant et ajoutant un lien).

 

 

« Tableau 2: Quantités de cuivre dans les vins et toxicités comparatives de certains pesticides dérivés du pétrole.

 

Les quantités de Cu dans les vins sont tirées du texte ci-dessus ; les concentrations pour les autres pesticides de synthèse, le boscalid, le fenhexamide et le glyphosate, sont les concentrations maximales réelles relevées lors de notre précédente étude dans certains vins courants.

 

* La toxicité à long terme des formulations tient compte de la présence de résidus dérivés du pétrole et de métaux lourds, ainsi que de la toxicité combinée mesurée dans les cellules hépatiques humaines (1000 x DJA minimum, voir texte).

 

Le Cu n'est pas présent dans les formulations dérivées du pétrole à usage en bio, mais il est présent dans les formulations de pesticides de synthèse à base de pétrole.

 

Les quantités journalières nécessaires pour atteindre la toxicité pour un corps humain de 80 kg sont donc spécifiques à un composé. Évidemment, le seuil de toxicité pour l'alcool sera atteint avant celui pour le Cu.

 

** Ce n'est pas le cas pour le boscalid et le fenhexamide présents dans les vins non biologiques, ni globalement si l'on considère les effets combinés de tous les pesticides présents à côté de ces exemples, qui peuvent être au nombre de 5-6 [5]. Les fongicides sont plus toxiques en général. »

 

Une moyenne (alléguée) et des maxima dans un même tableau

 

Que dit le texte de l'article, auquel il est renvoyé ci-dessus (nous mettons les liens) ?

 

« … Une étude détaillée de Provenzano et al. (2010) [7] a montré qu'en Italie, la teneur en Cu des vins biologiques variait de 0,1 à 0,4 mg/L. En France [8], le niveau moyen de Cu dans les vins biologiques a été établi à 0,15 mg/L. Il est admis que le Cu est le principal composant chimique autorisé pour les traitements des cultures biologiques. Bien sûr, certains médias publient des affirmations selon lesquelles tous les vins biologiques contiennent le pesticide Cu [9]. Cependant, le Cu est essentiel à la vie et n'est donc pas un pesticide de synthèse, et tous les vins et organismes vivants en contiennent naturellement, pour les raisons exposées ci-dessus. »

 

Notons que, pour l'Italie, ce qui est annoncé est le résultat d'un essai unique sur quatre cépages et un an, à Bari, un site qui n'est pas particulièrement exposé au mildiou (à notre connaissance). On y avait tout de même utilisé près de 7,4 kg de cuivre lors de l'essai (les doses admissibles dans l'Union Européenne ont été ramenées à 4 kg/an en moyenne flottante sur sept ans). Et le maximum de 462,3µg/L trouvé par Provenzano et al. a été arrondi à 0,4 mg/L dans l'article examiné ici...

 

Pour la France, il s'agit d'une petite enquête réalisée conjointement par Wikiagri et Agriculture & Environnement sur 29 échantillons de vins bios...

 

Nous sommes aussi intrigué par le raisonnement qui aboutit à la conclusion que le cuivre n'est pas un pesticide de synthèse.

 

Et voici pour les vins non bios :

 

« … Il convient de souligner que des niveaux plus élevés de Cu se retrouvent dans les vins non biologiques du monde entier. Il est entendu dans de nombreux pays que la limite doit être de 1 mg/L. La présence de Cu est principalement liée au nombre et au moment choisi pour l'application de fongicides. Outre les substances actives déclarées, la plupart des formulations de pesticides de synthèse contiennent des métaux lourds et d'autres éléments traces [10], y compris du Cu. Des résidus de pétrole ont même été trouvés dans des produits de formulation [11], dont l’identité n’est généralement pas divulguée et conservées sous la forme de renseignements commerciaux confidentiels, ainsi que dans des métaux lourds tels que l’arsenic [12].

 

Dans des vins traités en Croatie, jusqu'à 7,6 mg/L de Cu ont été détectés [13] et en Australie, jusqu'à 15 mg/L de Cu dans des jus de raisins et des moûts non biologiques avant la fermentation. […] En utilisant la procédure analytique d'absorption atomique, en France, Fournier, et al. [6] ont trouvé dans une recherche détaillée de 0,6 à 1,5 mg/L de Cu dans des vins non biologiques, ainsi que du zinc et du plomb. Ce niveau supérieur, même dans l’environnement plus réglementé d’aujourd’hui, reste environ 10 fois plus élevé que le niveau moyen des bouteilles biologiques. »

 

Notons qu'il n'y a pas de référence pour l'Australie et que celle de la Croatie est un article de blog, certes référençant un article scientifique.

 

Notons aussi, à propos de : «  Il est entendu dans de nombreux pays que la limite doit être de 1 mg/L » que la limite maximale de résidus est fixée en Europe à 50 mg/kg pour le raisin de table ou de cuve.

 

En résumé, voilà donc un tableau qui mélange allégrement une moyenne pour le bio (celle de Wikiagri et d'Agriculture & Environnement de M. Gil Rivière-Wekstein, doit être ravi de sa nouvelle qualité de référence scientifique) et des maxima pour le non-bio (celui de Fournier et al. pour le cuivre, annoncé comme une moyenne)...

 

Contentons-nous d'observer que c'est étonnant...

 

Une « toxicité à long terme » ?

 

Quant à la « toxicité à long terme », cela nous semble de l'acrobatie.

 

Pour le cuivre dans les vins bio, les 150 µg/kg p.c./jour correspondent à la dose journalière admissible (DJA) fixée par l'EFSA. Dans les vins non bio, ce qui est appelé « toxicité à long terme » est divisé par mille...

 

Relevons que la DJA est une limite administrative de sécurité généralement établie à un niveau cent fois inférieur à la NOAEL (No Observable Adverse Effect Level) ou DSENO (dose [maximale] sans effet nocif observable).

 

Pour le glyphosate, la « toxicité à long terme » est annoncée à 0,1 µg/kg pc./jour, alors que la DJA est fixée en Europe à 0,5 mg/kg p.c./jour (5.000 fois plus !)...

 

Mais rassurons-nous : nous pouvons boire 80 litres de vin bio ou 8 litres de vin non-bio par jour (à condition de peser 80 kg), vie durant, sans risque d'être intoxiqué par le cuivre. C'est-y pas une bonne nouvelle ? Euh ! Il ne faut que 22 millilitres (une dose de pastis...) pour être harcelé par le boscalid…

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
M
"Si l'on considère les produits de formulation et les résidus présents dans de nombreux pesticides, tels que le pétrole et l'arsenic ou d'autres métaux lourds, le seuil de toxicité chronique sera atteint par la consommation de 22 ml de ce vin."<br /> J'aime bien le terme pétrole, suffisant vague pour faire peur aux personnes lambda et aux médias. Bon moyen d'éviter d'utiliser le terme de substances organiques qui rassemble tellement de molécules que ça n'aurait aucun sens de le préciser et qui fait surtout moins peur (vu que ça rappel ce qui est vivant pour le quidam moyen, ce qui n'est pas le cas bien sur). Et en plus ça rappel le méchant lobby pétrolier.<br /> Avec une toxicité aigus à partir de 22 ml, je vous apprend donc que c'est en fait mon fantôme qui écrit ces commentaire.
Répondre
M
Désolé je voulais écrire chronique et non aigus.
S
C'est aussi mon fantôme...
J
séralinien ne va pas tarder à devenir un qualificatif.
Répondre
S
Bonjour,<br /> <br /> Merci pour votre commentaire.<br /> <br /> J'avais le choix entre ça et une autre terminaison adjectivale… mais celle-là aurait pu être mal prise…<br /> <br /> Il y a aussi un substantif.