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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Nourrir l'Europe sans pesticides...

20 Mai 2019 , Rédigé par Seppi Publié dans #critique de l'information, #Agro-écologie, #Activisme

Nourrir l'Europe sans pesticides…

 

« La laitière et le pot au lait », version moderne

 

 

 

 

« Nourrir l’Europe sans pesticides, un objectif réaliste », c'est le titre d'un article du Monde Planète du 19 (sur la toile) et du 20 avril 2019 (édition papier).

 

En chapô :

 

« L’agriculture peut être la fois [sic] nourricière et non polluante, à condition que les habitudes alimentaires changent, assure une étude de l’Iddri, think tank rattaché à l’Institut d’études politiques de Paris. »

 

Cette entité, l'Institut du Développement Durable et des Relations Internationales, nous l'avons déjà évoquée dans « Servons Sevrons l'agriculture ! Les préconisations de Socialter pour un avenir morose avec tickets de rationnement », sur la base d'une étude, « Une Europe agroécologique en 2050 : une agriculture multifonctionnelle pour une alimentation saine – Enseignements d’une modélisation du système alimentaire européen » publiée le 18 septembre 2018.

 

La nouvelle « étude » est un document de quatre pages – oui, vous avez bien lu, quatre pages pour nourrir l'Europe... – « Agroécologie et neutralité carbone en Europe à l’horizon 2050 : quels enjeux ? » À vous de juger si c'est « un objectif réaliste »...

 

Le communiqué d'accompagnement se conclut par :

 

« Ce Décryptage propose un cadre pour mettre en discussion des scénarios conçus dans des optiques distinctes ; in fine, les débats politiques sur les trajectoires de décarbonation du secteur agricole doivent mieux intégrer les enjeux de biodiversité et de santé des sols (au-delà d’une seule métrique carbone) et ainsi reconsidérer les stratégies fondées sur le land sharing et l’agroécologie comme des options crédibles. »

 

Et l'avant-dernier paragraphe de l'étude a la teneur suivante :

 

« Ce Décryptage montre que si la contribution potentielle d’une Europe agroécologique à l’objectif de décarbonation n’est pas immédiatement compatible avec l’objectif de neutralité, elle apparaît substantielle et surtout porteuse de solutions crédibles face aux autres enjeux auxquels fait face le système alimentaire européen actuel. »

 

La méthode Coué...

 

Les travaux se fondent sur un modèle TYFA (Ten Years For Agroecology in Europe) dont les caractéristiques principales seraient les suivantes :

 

« Les résultats de la modélisation montrent que malgré une baisse de la production de 35 %, le scénario TYFA permet de nourrir plus durablement 530 millions d’Européens à l’horizon 2050 tout en dégageant un surplus en céréales, produits laitiers et vins. Il permettrait une baisse des émissions directes et indirectes de l’ordre de -40 % par rapport à 2010 (-35 % pour les émissions directes hors CO2, selon la méthodologie adoptée par la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques), tout en offrant un potentiel de séquestration dans les sols agricoles (terres arables et prairies) de 159 MtCO2eql/ an, au moins dans les 10 premières années. La production de bioénergie est quant à elle réduite à zéro [...] »

 

Pour arriver à la neutralité carbone – de l'agriculture prise comme composante indépendante de l'économie – on a dérivé un modèle TYFA-GES :

 

« Pour explorer la contribution possible d’une Europe agroécologique à cet objectif, une variante du scénario, TYFA-GES, a été développée. [...] Le développement maîtrisé et limité de la méthanisation à partir d’herbe des prairies (et de déjections) permet une réduction plus forte du cheptel bovin par rapport à 2010 (-34 % contre -15 % pour TYFA) tout en conservant les prairies permanentes. Ainsi,18 % de la biomasse des prairies et 50 % des déjections animales sont méthanisées. »

 

Qui dit réduction plus forte du cheptel bovin dit réduction plus forte de la consommation de viande bovine et de produits laitiers... Pourtant, il y aurait toujours « un surplus en [...] produits laitiers ». Réaliste ? Il est difficile de trouver des chiffres, mais on peut tabler sur une production actuelle de l'ordre de 160 millions de tonnes (FAOstat) et des exportations de l'ordre de 20 à 25 millions de tonnes équivalent lait (cette présentation annonce un taux d'auto-approvisionnement de l'Union Européenne de 112 en 2015). Où est le miracle ?

 

Plus généralement, on peut vraiment s'interroger quand on voit ces scénarios avec des baisses de production de plus du tiers quand les grandes institutions s'accordent à dire qu'il faut augmenter la production alimentaire de quelques dizaines de pour cent (la FAO a annoncé 70 % entre 2005/07 et 2050, la Banque Mondiale 50 % sur base 2012, le World Resources Institute dit 56 % sur base 2010 pour les calories).

 

On peut gloser... Mais ce serait perdre son temps... L'article du Monde note :

 

« La question de la viabilité économique d'un tel modèle pour les agriculteurs et les consommateurs reste en revanche posée. Celle-ci fera l'objet d'une prochaine étude, mais les chercheurs assurent que leur modèle n'entraînerait pas forcément une hausse des prix. »

 

Reprenons : selon l'IDRRI,

 

« Les résultats de la modélisation montrent que malgré une baisse de la production de 35 %, le scénario TYFA permet de nourrir plus durablement 530 millions d’Européens à l’horizon 2050 […]

 

avec plein de bénéfices annexes, mais, selon le Monde :

 

« La question de la viabilité économique d'un tel modèle pour les agriculteurs et les consommateurs reste en revanche posée. »

 

Oh ! Et pendant que nous y sommes, le scénario TYFA se fonde sur « l’abandon des pesticides et des engrais de synthèse »... difficile de mieux annoncer un aveuglement idéologique... Plus de ces choses-là – beurkh, c'est « chimique ». Et 34 % de cheptel bovin, donc de fumier, en moins... et la réduction de la production globale ne serait que de 35 % ? C'est Jean de Florette faisant ses calculs prévisionnels pour son élevage de lapins...

 

Oh ! Et pendant que nous y sommes encore,

 

« Ce travail a bénéficié d’une aide de l’État gérée par l’Agence nationale de la recherche au titre du programme "Investissements d’avenir" portant la référence ANR-10-LABX-01. Il a également bénéficié du soutien de l’Union européenne, via l’Agence exécutive pour les petites et moyennes entreprises (ESAME), et de la Fondation Charles Léopold Mayer pour le Progrès de l’Homme. »

 

 

 

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J
Ils ont du confondre avec le rapport pour comment faire revenir les famines en Europe.
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S
Bonjour,<br /> <br /> Merci pour votre commentaire.<br /> <br /> C'est tout à fait ça.
J
en général, ça finit par devoir trouver les vilains méchants qui empêchent toutes ses merveilles d'arriver;
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B
Sepi coupe les cheveux en quatre, décortique les textes à la lettre, alors qu à l esprit, les articles qu il analyse sont clairement compréhensibles, sauf à pinailler inutilement et chercher la petite bête, comme un adjudant lors de la revue de détail.
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S
@Fm06 le ‎mardi‎ ‎21‎ ‎mai‎ ‎2019‎ ‎06‎:‎50<br /> <br /> Bonjour,<br /> <br /> Merci pour vos commentaires.<br /> <br /> Ces trolls apportent pourtant quelque chose à la discussion : la preuve que nous sommes confrontés à d'énormes problèmes.
F
Serait il possible au troll de s’abstenir de ces insultes qui n’apportent rien à la discussion?
F
Je dirais plutôt que, comme les journalistes du Monde ne font pas le boulot, Seppi met en évidence les contradictions et les absurdités. Une baisse de 35% de la production sans élévation du niveau des prix cela veut dire... une baisse de 35% de la valeur ajoutée. Les acteurs de la filière agricole qui nous nourrit apprécieront !