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Le Conseil d'Éthique de Danemark appelle l'UE à réévaluer sa position anti-OGM
Justin Cremer*
Face à l'aggravation de la crise climatique et à la croissance rapide de la population mondiale, il est contraire à l'éthique de ne pas utiliser les OGM et les technologies d'édition de gènes.
Telle est la conclusion des nouvelles recommandations publiées récemment par le Conseil d’Éthique du Danemark.
Le rapport du conseil, « Les OGM et l’éthique dans une nouvelle ère », recommande une réévaluation de la position européenne contre les OGM et appelle l’Union Européenne à modifier son système de réglementation afin de se concentrer sur les produits individuels plutôt que sur les processus utilisés pour les obtenir.
Les recommandations du conseil ont suscité beaucoup d’intérêt au Danemark, car elles vont à l’encontre des idées reçues dans l’un des pays de l’UE les plus sceptiques vis-à-vis des OGM. Dans un sondage de 2015, 55 % des Danois ont déclaré qu'ils refusaient de consommer des OGM, alors que les chiffres publiés cette semaine ont révélé que les consommateurs danois avaient encore renforcé leur position en tant que premiers consommateurs mondiaux de produits biologiques.
Le Conseil d’Éthique suggère que les attitudes à l’égard de la modification génétique des aliments sont dépassées et ne tiennent pas compte des avancées telles que la technologie de modification des gènes CRISPR/CAS-9 ou du rôle que la biotechnologie agricole peut jouer pour relever les défis mondiaux.
« Le but de cette recommandation est d'essayer de dépasser les 30 dernières années de discussions plutôt difficiles sur les OGM. Nous avons essayé de reformuler cette question et de poser de nouvelles questions », a déclaré Morten Bangsgaard du Conseil d’Éthique danois à l'Alliance pour la Science.
Bangsgaard a présidé le groupe de travail du conseil sur les OGM et figurait parmi les 15 membres du conseil sur 16 qui ont soutenu sa conclusion principale selon laquelle « il est éthiquement problématique de rejeter les variétés GM si elles peuvent contribuer à atténuer ou à résoudre des problèmes importants ».
Le conseil a déclaré que toutes les considérations éthiques relatives à l’utilisation de la technologie GM devaient tenir compte de la gravité des problèmes pressants de l’humanité.
« C’est dans le contexte de notre crise climatique et de la croissance de la population mondiale qu’il faut examiner la question générale de savoir s’il est éthiquement problématique de ne pas utiliser des OGM », a déclaré Bangsgaard.
Il a ajouté que le conseil considérait l'avènement de la technologie CRISPR comme un « tournant » dans la manière dont nous devrions envisager la modification génétique.
« Cette nouvelle technologie change vraiment la discussion sur les OGM. La technique CRISPR/CAS est très précise et vous permet de modifier un gène dans une plante ou de le désactiver. Vous n’ajoutez pas quelque chose d’une autre plante », a déclaré Bangsgaard.
Avantages climatiques et aucun risque prouvé
Le rapport du conseil insiste sur les promesses des plantes génétiquement modifiées pour obtenir de meilleurs rendements sur de plus petites surfaces tout en utilisant moins d’engrais et de produits chimiques, ainsi que des variétés pouvant s’adapter aux changements climatiques en résistant à la sécheresse et aux parasites.
Il souligne également que « plus de 20 années de recherche montrent qu'il n'y a aucune preuve scientifique que la modification génétique, en tant que telle, présente plus de risque que les techniques conventionnelles d'amélioration des plantes » et que, malgré les affirmations répétées d'opposants aux OGM selon lesquels les cultures génétiquement modifiées sont pathogènes, « dans aucun de ces cas, la documentation présentée par les opposants n'a été à la hauteur des exigences de la recherche scientifique. »
Bangsgaard a déclaré que le processus de travail sur le rapport du Conseil sur les OGM avait été une révélation.
« En tant que consommateur danois parlant à titre personnel, et non pas en tant que membre du conseil, je peux dire que je faisais partie des 70 % de consommateurs européens qui sont contre les OGM, mais lorsque j'ai commencé à travailler sur ce sujet, j'ai beaucoup lu et en discutant avec des experts, j'ai changé d'avis », a-t-il déclaré.
Si le conseil recommande aux décideurs danois et européens d'adopter la technologie des OGM et CRISPR, il a également souligné qu'il ne considérait pas la modification génétique comme une panacée.
« Il est clair que ni les OGM ni aucune autre solution ne suffiront à résoudre ce problème [de maintenir les augmentations de température globales en dessous de la barre des 1,5°C fixée par l'Accord de Paris, ndlr], mais encore plus clair que nous sommes dans une situation où on ne peut refuser quoi que ce soit qui puisse aider à prévenir ou à limiter les effets du changement climatique », lit-on dans les recommandations.
Le conseil a également tenu compte des points de vue de son seul membre dissident, qui a soutenu que la modification génétique est « éthiquement problématique » car elle permet « une interférence beaucoup plus étendue dans les processus de la nature que l'amélioration des plantes traditionnelle ». Cette unique membre dissidente a donc déclaré qu'elle ne pouvait pas soutenir une modification du système de réglementation actuel de l'UE relatif aux OGM.
Optimisme prudent d'un agriculteur danois
L’agriculteur danois Knud Bay Smidt a déclaré que, même s’il ne s’attend pas à ce que les recommandations du Conseil d’Éthique changent les choses du jour au lendemain, elles représentent néanmoins un changement important par rapport à la pensée danoise traditionnelle.
« Cela ne devrait pas trop changer à court terme, mais au moins c'est un changement de 180 degrés par rapport à ce qui a été politiquement correct au Danemark », a-t-il déclaré à l'Alliance. « Nous avons passé les 25 dernières années à nous opposer aux OGM. Maintenant, nous devrons probablement passer les 25 prochaines années à changer d’avis. »
Bay Smidt produit des céréales, du colza, des semences et de l'herbe sur sa ferme de 300 hectares située à l'est de Randers, dans le centre du Danemark. Il a dit qu’il était particulièrement encouragé par la recommandation du conseil selon laquelle l’UE devrait passer d’un système de réglementation fondé sur les processus à un système fondé sur les produits, semblable à celui du Canada.
« Je n’ai pas de feuille de route indiquant comment cela fonctionnerait, mais si une culture est approuvée au Canada, nous devrions être libres de la cultiver ici. Nous devrions pouvoir accepter les approbations des pays dont nous considérons les autorités comme crédibles », a-t-il déclaré.
Bay Smidt a déclaré que le climat froid du Danemark ne lui permettait pas de cultiver les OGM les plus importants du monde, le soja et le maïs, mais il y a d'autres cultures sur le marché qu'il aimerait beaucoup cultiver comme d'autres agriculteurs danois, notamment des variétés de pomme de terre résistantes au mildiou et de colza résistantes au glyphosate et riches en acides gras oméga-3.
« Malheureusement, en raison de la situation actuelle, aucun sélectionneur de plantes européen n’attend dans les coulisses avec un OGM adapté à nos conditions. Ainsi, même dans une situation hypothétique dans laquelle nous aurions tous les outils d'édition de gènes à notre disposition demain, il faudrait encore des années avant que la première récolte d'un OGM ne devienne une réalité commerciale en Europe », a-t-il déclaré.
Néanmoins, l'agriculteur du Jutland espère que les recommandations du Conseil d’Éthique danois pourront avoir un impact sur ses compatriotes. Il a également déclaré que se focaliser sur la manière dont la modification génétique pourrait fournir aux consommateurs danois les produits qu’ils désirent, tels que le blé à faible teneur en gluten ou les noix hypoallergéniques, pourrait aider les citoyens à accepter plus facilement les plantes modifiées. Un autre argument gagnant, a-t-il déclaré, est de parler davantage de la manière dont la biotechnologie agricole peut aider les populations de pays beaucoup moins fortunés que le Danemark. Mais c’est difficile d’aller à l’encontre de décennies de messages anti-OGM, a-t-il concédé.
« Cela fait 25 ans que nous nous rappelons mutuellement qu'il faut détester les OGM. C'est quelque chose qui a été transmis de génération en génération – les enfants voient des étiquettes "sans OGM" sur les berlingots de lait qu'ils boivent, tandis que leurs grands-parents ont des souvenirs de la guerre du Vietnam et de l'Agent Orange, qui sont ensuite associés à Monsanto, au Roundup et aux OGM », a-t-il déclaré.
« Je ne pense pas que les gens associent les OGM à quoi que ce soit de positif, en particulier en ce qui concerne l'environnement, mais on peut espérer que les recommandations du conseil seront lues par "les bonnes personnes" et qu'elles commenceront à comprendre le lien », a poursuivi Bay Smidt.
Les recommandations du Conseil d’Éthique ont été transmises au Parlement, mais une action est peu probable avant les élections législatives qui se dérouleront au Danemark le 5 juin.
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