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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

La production de coton du Burkina Faso s'effondre après l'élimination progressive des OGM

25 Mai 2019 , Rédigé par Seppi Publié dans #OGM, #Afrique

La production de coton du Burkina Faso s'effondre après l'élimination progressive des OGM

 

Joseph Opoku Gakpo*

 

 

Photo ww.aouaga.com.

 

 

La production de coton continue de reculer au Burkina Faso trois ans après que le pays a cessé d'utiliser le cotonnier génétiquement modifié (GM) résistant à des parasites.

 

En avril dernier, l'Association Interprofessionnelle du Coton du Burkina Faso (AICB), une organisation regroupant des agriculteurs et d'autres acteurs du secteur, s'est fixé un objectif de production de 800.000 tonnes pour la campagne cotonnière 2018-2019. Mais le pays n’a produit que 436.000 tonnes de coton graine, bien qu’il ait offert aux agriculteurs un incitatif record de 27,4 millions de dollars (16 milliards de FCFA) sous forme de subventions pour les insecticides, les engrais et les installations d’irrigation.

 

Le Burkina Faso, qui était jadis le plus grand producteur de coton d’Afrique, occupe maintenant le quatrième rang derrière la Côte d’Ivoire (455.000 tonnes), le Mali (653.000 tonnes) et le Bénin (675.000 tonnes).

 

Les 436.000 tonnes de coton produites représentaient une baisse de 29 pour cent par rapport aux 613.000 tonnes de la campagne 2017-2018, eux-mêmes inférieurs à la production de 682.940 tonnes de la campagne 2016-2017. La baisse de la production a été constante au cours des trois dernières années, ce qui inquiète beaucoup les acteurs du secteur.

 

Les chiffres ont été révélés lors d'une conférence de presse organisée par l'AICB dans la capitale Ouagadougou pour marquer le début de la saison du coton 2019-2020. La baisse de la production a été attribuée à un certain nombre de facteurs, notamment le boycott des agriculteurs des régions de l'Ouest à cause d'un traitement inéquitable, l’insécurité résultant d’attaques terroristes et les mauvaises conditions météorologiques.

 

Cependant, les agriculteurs attribuent également la situation à une multiplication des attaques d’organismes nuisibles suite à la décision du gouvernement d’éliminer progressivement le coton GM et de revenir aux semences conventionnelles.

 

« Les rendements par hectare n'ont jamais été aussi bas », a déclaré François Traoré, ancien président de l'Union Nationale des Producteurs de Coton du Burkina Faso. « Selon moi, cette baisse s’explique essentiellement par les attaques parasitaires qu’ont subi les cotonniers et par la mauvaise qualité des intrants, notamment des engrais. »

 

Le secrétaire de l'AICB, Ali Compaoré, a déclaré lors d'une conférence de presse : « La pression parasitaire a sérieusement plombé les efforts de production » au cours de la saison.

 

Dans le cadre de ses efforts pour faire face aux dégâts croissants causés par les insectes nuisibles, le Burkina Faso avait approuvé en 2008 la culture du cotonnier GM (Bt), qui offre une résistance inhérente au ver de la capsule. Ces parasites peuvent détruire jusqu'à 80 % du rendement des exploitations cotonnières. Le cotonnier Bt a aidé les agriculteurs à réduire les traitements insecticides de huit par saison en moyenne à trois. Dans l'ensemble, le cotonnier génétiquement modifié a réduit l'utilisation de pesticides de jusqu'à 70 %, tout en augmentant la productivité d'environ 22 % et les bénéfices des petits exploitants de 51 % en moyenne.

 

Mais les transformateurs de coton se sont plaints que les fibres des nouvelles variétés étaient plus courtes et une décision a été prise en 2016 d'éliminer complètement les variétés GM et de revenir aux semences conventionnelles. L’industrie n’a pas repris depuis, alors que les agriculteurs déplorent la pression croissante des ravageurs dans les champs, ce qui a entraîné une baisse des rendements, qui a entraîné à son tour un effondrement de l’industrie. Le Burkina Faso a longtemps été le plus grand producteur de coton d’Afrique avant de céder la place, il y a deux ans, au Mali, évolution liée à la décision de supprimer progressivement le cotonnier génétiquement modifié.

 

 

Aller de l'avant

 

Le gouvernement, les sociétés cotonnières et les groupes d'agriculteurs ont annoncé de nouvelles mesures pour relancer l'industrie du coton. Le prix auquel les transformateurs achètent du coton aux agriculteurs a été augmenté de 15 % afin d'encourager davantage d'agriculteurs à produire du coton cette saison. Le gouvernement a également engagé 23,8 millions USD (14 milliards FCFA) pour subventionner les intrants des producteurs de coton. Les prix des engrais et des insecticides devraient donc fortement chuter. Le secteur s'est fixé un nouvel objectif : produire 800.000 tonnes de coton lors de la prochaine saison 2019-2020.

 

Les scientifiques préviennent toutefois que l'industrie cotonnière aura du mal à se rétablir si les variétés GM ne sont pas réintroduites dans le pays. Ils ont loué les succès remportés par les variétés GM après leur introduction il y a une dizaine d'années.

 

« Au cours des huit années de production de cotonnier génétiquement modifié, aucune plainte n’a été formulée à l'encontre de cette technologie. Les résultats ont clairement montré que le cotonnier génétiquement modifié permet de mieux lutter contre les ravageurs. Les producteurs ont réalisé beaucoup de profits et les économies locales et même nationale en ont bien profité », a déclaré le Dr Edgar Traore du Forum Ouvert sur la Biotechnologie Agricole (OFAB).

 

« De plus en plus de producteurs grondent et demandent un retour immédiat du cotonnier Bt. Le mécontentement des agriculteurs est souvent suivi de l’abandon de la production de coton par les villages et même par des régions entières au niveau de la ceinture du coton », a-t-il déclaré.

 

Cependant, les responsables de l'industrie se sont dits confiants que les nouvelles mesures contribueront à stimuler la production.

 

« Notre seul moyen de saluer l'engagement du gouvernement à notre égard sera d'inonder les usines d'égrenage du coton », a déclaré Bambou Bihoun, président de l'AICB et de l'Union Nationale des Producteurs de Coton du Burkina Faso. « Si les précipitations sont bonnes, les acteurs de la filière prévoient de relever le défi des 800.000 tonnes de coton graine pour la campagne 2020 afin de permettre au pays de quitter la quatrième place qu'il détient actuellement pour reprendre la première place en Afrique. »

 

Le secrétaire de l'AICB, Ali Compaoré, a ajouté : « Notre industrie a plus que jamais besoin de rebondir et de rétablir sa réputation. »

 

Yacouba Koura, vice-présidente de l'Union Nationale des Producteurs de Coton du Burkina Faso, a déclaré aux médias dans une interview que « grâce aux mesures prises, le changement de pesticide (prix) annoncé et avec de bonnes pluies, nous espérons atteindre l'objectif de production ».

 

Harouna Kabore, Ministre du Commerce, de l’Industrie et de l’Artisanat du Burkina Faso, préside un comité chargé de contribuer à la relance du secteur cotonnier. Il a déclaré lors d'un atelier en mars qu'il était confiant dans un retournement de la situation à compter de la saison 2019-2020. Il a déclaré que les efforts en cours s'inscrivaient dans les « stratégies à moyen et long terme visant à améliorer durablement les performances agronomiques et socio-économiques du secteur du coton ».

 

 

La nécessité du retour aux OGM

 

Traoré, cependant, s'est demandé pourquoi les stratégies de relance du secteur n'incluaient pas une incitation à la réintroduction du cotonnier GM. Il a critiqué les conclusions de la réunion car elles ne préconisaient pas un retour immédiat de la technologie des OGM au bénéfice des producteurs de coton.

 

Les scientifiques ont averti que le déclin se poursuivra si les semences de cotonnier GM ne sont pas réintroduites. « Face à l’obstination des dirigeants à ne garder que le coton conventionnel, de nombreux producteurs de coton menacent d’abandonner à nouveau la production de coton pour la saison à venir », a-t-il déclaré à l'Alliance pour la Science. « À l'OFAB-Burkina, nous restons convaincus qu'il ne sera pas possible de relancer véritablement la filière coton au Burkina sans le retour de la technologie Bt dans la graine de coton. Le Burkina demeure donc une étude de cas sur la rentabilité de la culture du coton Bt dans le monde. »

 

L'Union Nationale des Producteurs de Coton du Burkina Faso (UNPCB) a toujours manifesté son soutien à la technologie GM et a plaidé pour son retour afin de contribuer à la durabilité de l'industrie du coton. Dans un communiqué de presse publié en février 2018, l'association a déclaré: « L'UNPCB est pour le cotonnier génétiquement modifié, car nous sommes tous conscients de ses avantages […] L'UNPCB s'est engagée à trouver rapidement une solution pour le retour du cotonnier génétiquement modifié, en collaboration avec les entreprises et le gouvernement. »

 

________________

 

* Source : https://allianceforscience.cornell.edu/blog/2019/04/burkina-faso-cotton-production-plummets-phasing-gmo-crop/

 

 

Ma note

 

Je n'ai pas retrouvé cette dernière déclaration de l'UNPCB. Mais il y a eu ceci :

 

« Le coton génétiquement modifié (CGM) est loin de faire l’unanimité au Burkina Faso. Le marché des négoces est exigeant quant à la qualité des fibres et de la couleur du coton. Monsanto, la firme américaine, proposait aux cotonculteurs burkinabè des fibres courtes qui remettaient en cause le label envié des producteurs du Faso. En collaboration avec les acteurs de la filière coton dont l’UNPCB, l’Association interprofessionnelle de coton du Burkina (AICB) a décidé de la suspension temporaire du CGM au profit du conventionnel.

 

L’UNPCB au cours de cette rencontre, a précisé qu’elle est pour la culture du CGM à condition qu’elle prenne en compte les critères du marché international, c’est-à-dire du coton avec des fibres longues. "Nous voulons des OGM qui font l’affaire des producteurs. Depuis que nous avons abandonné le CGM, la fibre du Burkina est recherchée. Nous répondons aux normes que les clients recherchent. Nous souhaitons produire du coton génétiquement modifié conforme aux caractéristiques du coton conventionnel que nous emblavons en ce moment", souligne le premier vice-président de l’UNPCB Yacouba KOURA. »

 

On tourne en rond ! Il n'y a aucune raison qui empêche de produire des variétés GM de cotonnier répondant aux exigences des industriels et du marché quant à la qualité de la fibre.

 

 

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V
Me demande si la condition expresse pour accéder à une aide de l'Agence Française de Développement (que toute demande de crédits ou subventions de l'AFD pour un projet de développement ne comporte aucune culture OGM) ne joue pas un rôle dans cette bizarre affaire... Et sachant le poids du coton dans l'économie du Burkina, du Mali ou du Bénin.
Répondre
S
Bonjour,<br /> <br /> Merci pour votre commentaire.<br /> <br /> C'est une piste intéressante. Je n'y ai pas pensé. Tout dépend en fait du poids relatif des aides française et américaine.<br /> <br /> Je n'ai pas compris comment ils ont pu en arriver là (faire deux ou trois back-cross et s'arrêter là me paraît tout à fait invraisemblable). Et je n'ai pas compris pourquoi les Burkinabès n'ont pas repris le programme de rétrocroisements pour garder le Bt et retrouver la longueur de fibre.<br /> <br /> J'ajouterai que j'ai lu des trucs qui me laissent aussi sceptiques sur l'argument de la longueur des fibres.<br /> <br /> Autrement dit, une théorie du complot… je suis presque prêt à prendre.
F
"On tourne en rond ! Il n'y a aucune raison qui empêche de produire des variétés GM de cotonnier répondant aux exigences des industriels et du marché quant à la qualité de la fibre."<br /> <br /> Avez vous une explication à ce problème? Pourquoi Monsanto ou quelconque semencier ou institut de recherche ne produit pas de coton GM à fibres longues adapté au climat du Faso? En existe t'il sous d'autres climats?
Répondre
S
Bonjour,<br /> <br /> Merci pour votre colle !<br /> <br /> C'est une question qui me turlupine aussi.<br /> <br /> Pour introduire un caractère particulier dans une variété reproduite par semences et autogame, il y a une technique simple : les rétro-croisements ou back-crossing. Cela consiste à croiser dans ce cas précis une variété burkinabaise avec une variété Bt, puis à croiser chaque génération suivante avec la variété burkinabaise en sélectionnant le caractère Bt et terminer par une autofécondation pour avoir le caractère Bt à l'état homozygote. A chaque génération, la part du génome issu de la variété Bt est (statistiquement) divisée par deux.<br /> <br /> J'ai cru comprendre que dans le fiasco (ou prétendu tel) burkinabé, on n'a fait que deux rétro-croisements. C'est incompréhensible.<br /> <br /> Tout aussi incompréhensible est l'inaction des parties prenantes (Monsanto, les sociétés cotonnières du Burkina ainsi que la recherche publique du Burkina (elle n'est pas nulle…) et d'autres opérateurs).<br /> <br />