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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Glyphosate et médias : Quousque tandem abutere...

28 Mai 2019 , Rédigé par Seppi

Glyphosate et médias : Quousque tandem abutere...

 

 

Glyphosate par ci, glyphosate par là sur le PAF, sur les chaînes d'information (et de désinformation) continue...

 

 

« Interdit d'interdire : Faut-il interdire le glyphosate ? »

 

RT France – la branche francophone de la chaîne russe d'information internationale RT – a diffusé le 15 mai 2019, dans le cadre d'« Interdit d'interdire » animé par M. Frédéric Taddeï, un « vrai » débat sur « Faut-il interdire le glyphosate ? »

 

 

« Vrai » au sens qu'il y a eu deux fois deux invités aux vues divergentes, ce qui contraste avec les si fréquents « débats » à sens unique (devinez lequel dans le cas des pesticides...) entre gens de même obédience qui se font la courte échelle. Dans l'ordre alphabétique :

 

 

La première partie de l'émission s'est déroulée sans ce dernier « pris dans les embouteillages »... confortable alibi de l'imprévoyance. M. Hervé le Bars a été en mesure d'apporter quelques explications factuelles (exemple ici, sur le fonctionnement de la justice états-unienne) et M. Gil Rivière-Wekstein de titiller un Joël Labbé étrangement peu disert, pour ne pas dire absent.

 

La deuxième moitié a été plus « musclée », M. Gil Rivière-Wekstein pilonnant M. François Veillerette et martelant que l'objectif réel n'est pas la « sortie » du glyphosate, mais de tous les pesticides* (* de synthèse).

 

 

(Source)

 

 

(Source)

 

 

M. François Veillerette a tout de même pu dérouler son bréviaire. En voici un extrait :

 

« Il n'y a pas juste un avis qui dit qu'il y a un problème, etc. On a un problème avec l'évaluation des pesticides dans ce pays. Et demain d'ailleurs un rapport du Sénat [il s'agit du rapport de l'OPECST, un organe commun aux deux Chambres] va le dire [tentative de M. Frédéric Taddeï d'intervenir] et clairement, notamment – on va pas reprendre tous les détails – mais notamment sur le fait que l'ensemble des études universitaires académiques ne sont pas prises en compte [petit silence] en compte sérieusement. Elles ont été dans le dossier du glyphosate balayées d'un revers de la main par ce fameux scandale des copier-coller dans des chapitres entiers... »

 

Et cela continue... Où, par exemple, l'OPECST a-t-il écrit qu'on a un problème avec l'évaluation des pesticides, sous-entendu qu'elle est mal faite, voire frauduleuse ? Les études académiques balayées d'un revers de la main ? L'EFSA étant mise en cause, faut-il en déduire une mise en cause de la dizaine d'autres agences d'évaluation...

 

Quousque tandem abutere, Franciscus, patientia nostra ?

 

 

« Le Carrefour de l'Info »

 

Avec « le Carrefour de l'Info » de CNews, du 19 mai 2019, pompeusement intitulé « Glyphosate : ce que l'on sait sur sa dangerosité » (à partir de 18:50), nous avons une illustration de l'incurie médiatique.

 

Ces quelques 20 minutes sont pathétiques et indécentes.

 

 

En face d'un présentateur/animateur, M. Marc Menant, visiblement dépassé par le sujet, M. François Veillerette (encore...) et « face à [lui] » M. Christian Vélot, présenté comme président du conseil scientifique du CRIIGEN... un débat, donc, entre coreligionnaires.

 

Intéressons nous à M. Christian Vélot, sans vouloir faire preuve d'exhaustivité.

 

A partir de 22:23, assisté par M. Marc Menant, il laisse entendre que dans le « nouveau » Roundup, on a remplacé le glyphosate par de l'acide acétique (du vinaigre) et laissé les anciens co-formulants (adjuvants). C'est faux ! Quel intérêt y aurait-il à garder dans le « nouveau », qui agit par contact, les co-formulants de l'ancien qui avaient pour mission de faciliter la pénétration du glyphosate ?

 

En outre, comme il s'agit de Roundup, le coupable désigné est Monsanto. À 22:31 : « quand Monsanto est content, il faut s'inquiéter... »... difficile de faire mieux dans l'expression de la haine pour cette entreprise. Sauf que les activités de jardin – la marque Roundup pour ce créneau – ont été cédées à Evergreen Garden Care France SAS.

 

A partir de 27:00, il affirme qu'en toxicologie réglementaire, il n'y a aucune étude sur des rates gestantes. C'est faux (exemple ici de principes directeurs de l'OCDE).

 

 

(Source) Comment aurait-on pu faire ces constatations si on n'avait pas administré de glyphosate à des femelles gestantes ?

 

 

Il embraye ensuite sur une étude de Michael Skinner (déjà abordée à 21:47) qui aurait montré des effets sur la petite-descendance et l'arrière-petite-descendance. Il a simplement « oublié » de mentionner que ces résultats ont été obtenus en injectant par voie intra-péritonéale 25 milligrammes de glyphosate par kilogramme de poids corporel et par jour, du jour 8 au jour 14 de la gestation.

 

Ramené à la petite personne qui sert de standard pour la toxicologie (de 60 kg), cela représente une injection quotidienne de 1,5 grammes de glyphosate (soit la quantité présente dans 0,2 litre de désherbant prêt à l'emploi) pendant près de 12 semaines de grossesse.

 

 

(Source)

 

 

Il affirme encore qu'on observe ce phénomène non seulement avec le glyphosate, mais aussi avec "toutes les autres molécules qui l'entourent dans le mélange" (à 27:59). C'est faux.

 

En tout cas, cela n'a pas été démontré. En revanche, Michael Skinner est un spécialiste de ce genre de manipulation et a « démontré » des effets similaires avec d'autres molécules.

 

Enfin, vers 33:30 il commence par un refus de céder au complotisme pour y céder immédiatement :

 

« Ce n'est pas un scoop, tout le monde sait par exemple que dans l'Agence Européenne de Sécurité Alimentaire sur le panel OGM par exemple […] la plupart des scientifiques sont liés au lobby des semenciers […] »

 

C'est non seulement faux, mais encore diffamatoire.

 

Quousque tandem abutere, Christianus, patientia nostra ?

 

 

Pour sauver l'honneur de la profession : M. Patrick Cohen

 

C'était sur Europe 1, le 18 mai 2019, dans « C'est arrivé cette semaine » de M. Patrick Cohen... Oui, il arrive que pour savoir où on en est avec les connaissances sur les dangers et les risques (deux notions différentes) des substances réglementées, on invite M. Roger Genet, directeur général de l'Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l'Alimentation, de l'Environnement et du Travail (ANSES).

 

Formidable... Mais il n'est pas un colporteur de peurs ni un héraut de complots…

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S
François Veillerette n'a pas l'air très satisfait de l'évaluation actuelle des pesticides (uniquement de synthèse ?.) et exige de l'améliorer. Réclame-t-il la même chose pour les pesticides employés en agriculture bio ??
Répondre
S
@ Sny le ‎jeudi‎ ‎30‎ ‎mai‎ ‎2019‎ ‎23‎:‎26<br /> <br /> Bonjour,<br /> <br /> Merci pour votre commentaire.<br /> <br /> Pour bon nombre de ces pesticides -- et produits de biocontrôle -- les faits sont connus.<br /> <br /> N'eût été l'impasse phytosanitaire du "bio", le cuivre aurait été retiré de la phytopharmacopée au niveau européen.
S
Encore une fois incapables de balayer devant leur porte ces gens là. Et qu'à t on fait jusqu'à présent pour les pesticides bio ? Est-ce qu'on leur a fait faire trempette dans tout et n'importe quoi ? Pourquoi pas tant qu'à faire monter aussi une étude à la con genre seralini sur un pesticide bio avec la souche de rats approprié pour "prouver" que c'est cancérigène et faire conclure à un journal à grand tirage "oui les pesticides bio sont des poisons"?
S
Bonjour,<br /> <br /> Merci pour votre commentaire.<br /> <br /> Bien sûr que non… Il est même monté au créneau pour défendre le cuivre...
F
Moi, j'ai trouvé le premier débat plutôt de bonne facture pour ce format télévisuel (Taddéi continue de faire du bon boulot). Je pense qu'il faudrait être de mauvaise foi pour considérer que les échanges entre Hervé le Bars et François Veillerette furent sans substance.<br /> <br /> Au contraire les points abordés furent des points que je qualifierais de "critique de la méthode". Et compte tenu qu'il y a une dimension politico-morale, de méthode réglementaire, de lobbying, on ne peut seulement se cantonner aux pures arguments sur la toxicité du glyphosate sans s'interroger sur l'application de la méthode scientifique sur ces autres dimensions du problème.<br /> <br /> Plutôt content que cela ait été abordé sous format télévisuel compte tenu de l'indigence des propos écrits dans les journaux.<br /> <br /> Il faudrait surtout un débat épistolaire public entre le Bars et Veillerette basé sur une rhétorique de l'épistémologie rigoureuse et éthique. Il leur faudrait un bon modérateur. Marre de ces foires d'empoignes franchouillardes.
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S
@F68.10 le ‎lundi‎ ‎24‎ ‎juin‎ ‎2019‎ ‎05‎:‎29<br /> <br /> Bonjour,<br /> <br /> Merci pour ce long commentaire.<br /> <br /> L'évaluation des risques sanitaires et environnementaux des produits chimiques (et des OGM) n'est pas l'évaluation des risques psychiatriques.<br /> <br /> Des cas précis où on a indûment fait trempette à des cellules pour déclarer une substance X CMR? Par exemple les travaux d'un célèbre professeur de l'Université de… chut… il défend sa réputation scientifique au prétoire et gagne, paraît-il tous ses procès.<br /> <br /> Les "experts" du CIRC ? Cherchez sur mon blog, qui ne fait que reprendre les éléments des dossiers judiciaires américains.<br /> <br /> <br />
F
"Un débat épistolaire ? Ne rêvons pas…"<br /> <br /> Ben pourquoi pas? C'est quoi ces scientifiques qui n'ont que la vérité à la bouche et qui seraient incapables de se parler par écrit avec des argumentaires construits? Si dans notre si belle République des Lettres, deux bonhommes comme Eric Naulleau et Alain Soral arrivent (presque) à publier Dialogues Désaccordés, je suis certains que des esprits éclairés comme le Bars et Veillerette pourraient nous pondre une merveille sur l'Avenir Alimentaire Planétaire.<br /> <br /> Il y a même un nouveau petit site dédié à ce genre de format de conversation.<br /> <br /> https://letter.wiki/about<br /> <br /> "Et les rationalistes ne seraient pas à la fête : la législation européenne est fondée sur le danger et non le risque…"<br /> <br /> Mouais. La psychiatrie aussi est fondée sur le concept de danger et non de risque. Et si je ne me trompe pas, il n'y a guère que des scientologues qui rejettent ce consensus autour de la pertinence de la notion de danger dans ce cas précis.<br /> <br /> Cela étant, si le principe de précaution est problématique, tant qu'il reste une contrainte juridique, il reste une contrainte juridique. C'est alors un débat spécifique autour du principe de précaution qu'il faut avoir. Avoir la loi de son côté, ce n'est pas avoir raison; mais avoir la loi de son côté, c'est quand même avoir la loi de son côté.<br /> <br /> "Quelqu'un a "démontré" que la substance X est CMR ou perturbatrice endocrinienne (fastoche… on fait faire trempette à des cellules dans un bain qu'elles n'apprécient pas… ou on fait intervenir le CIRC et ses "experts" qui se font ensuite témoins experts pour des avocats charognards américains)"<br /> <br /> Je conçois effectivement que ce soit un problème de fond.<br /> <br /> Vous avez des cas précis où on a indûment fait trempette à des cellules pour déclarer une substance X CMR?<br /> <br /> Vous avez un cas précis ou un "expert" du CIRC s'est vendu à des "avocats charognards américains"?<br /> <br /> Je suis curieux.<br /> <br /> https://www.youtube.com/watch?v=pNVDRR6U3hg<br /> <br /> (Je constate, par contre, que vous, vous avez le droit ou vous prenez le droit de remettre en question des "experts" en mettant des guillemets là où cela vous plaît, alors que pour beaucoup de simples gens, ce luxe peut se payer assez cher... Je suis ravi qu'on vous ai accordé ou que vous vous soyez accordé ce privilège. Je suis un peu jaloux, j'avoue.)
S
Bonjour,<br /> <br /> Merci pour votre commentaire.<br /> <br /> Ma critique a porté davantage sur les arguments et les postures que sur le format dans le cas de M. Frédéric Taddéi.<br /> <br /> Un débat épistolaire ? Ne rêvons pas…<br /> <br /> Et les rationalistes ne seraient pas à la fête : la législation européenne est fondée sur le danger et non le risque… Quelqu'un a "démontré" que la substance X est CMR ou perturbatrice endocrinienne (fastoche… on fait faire trempette à des cellules dans un bain qu'elles n'apprécient pas… ou on fait intervenir le CIRC et ses "experts" qui se font ensuite témoins experts pour des avocats charognards américains)… il faut interdire...
M
"Il faudrait surtout un débat épistolaire public entre le Bars et Veillerette basé sur une rhétorique de l'épistémologie rigoureuse et éthique. Il leur faudrait un bon modérateur. Marre de ces foires d'empoignes franchouillardes." Avec Veillerette ce n'est pas vraiment possible. La rigueur et l'éthique, c'est pas son genre. Il n'hésite pas à mentir, comme le moment ou il à fait croire que que des quantités de glyphosate à peine détectable étaient énorme (https://www.youtube.com/watch?v=QgIj_EhAyO8 à partir de 19 minutes). Il veut l'interdiction de tout les pesticides de synthèse mais pas de se bio sans se soucier de leurs toxicité réelle. Il promeut aussi les glyphotest qui sont une grosse arnaque (http://seppi.over-blog.com/2019/05/biocheckons-le-laboratoire-biocheck.html mon commentaire la dessus). Pour lui, il faudrait quelqu'un d'agressif qui n'hésite pas à frapper là ou sa fait mal et le mettre devant ses contractions et ses mensonges. Parce que Veillerette lui ne jouera la carte de l’enfumage et de l'émotion pas de la rigueur et de la science.