Glyphosate et médias : Quousque tandem abutere...
Glyphosate par ci, glyphosate par là sur le PAF, sur les chaînes d'information (et de désinformation) continue...
RT France – la branche francophone de la chaîne russe d'information internationale RT – a diffusé le 15 mai 2019, dans le cadre d'« Interdit d'interdire » animé par M. Frédéric Taddeï, un « vrai » débat sur « Faut-il interdire le glyphosate ? »
« Vrai » au sens qu'il y a eu deux fois deux invités aux vues divergentes, ce qui contraste avec les si fréquents « débats » à sens unique (devinez lequel dans le cas des pesticides...) entre gens de même obédience qui se font la courte échelle. Dans l'ordre alphabétique :
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M. Joël Labbé, sénateur
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M. Hervé le Bars, membre de l’Association Française pour l’Information Scientifique (AFIS), qui édite l'excellente revue Science et pseudo-sciences
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M. Gil Rivière-Wekstein, fondateur de la revue Agriculture et Environnement
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M. François Veillerette, directeur et porte-parole de Générations Futures
La première partie de l'émission s'est déroulée sans ce dernier « pris dans les embouteillages »... confortable alibi de l'imprévoyance. M. Hervé le Bars a été en mesure d'apporter quelques explications factuelles (exemple ici, sur le fonctionnement de la justice états-unienne) et M. Gil Rivière-Wekstein de titiller un Joël Labbé étrangement peu disert, pour ne pas dire absent.
La deuxième moitié a été plus « musclée », M. Gil Rivière-Wekstein pilonnant M. François Veillerette et martelant que l'objectif réel n'est pas la « sortie » du glyphosate, mais de tous les pesticides* (* de synthèse).
(Source)
(Source)
M. François Veillerette a tout de même pu dérouler son bréviaire. En voici un extrait :
« Il n'y a pas juste un avis qui dit qu'il y a un problème, etc. On a un problème avec l'évaluation des pesticides dans ce pays. Et demain d'ailleurs un rapport du Sénat [il s'agit du rapport de l'OPECST, un organe commun aux deux Chambres] va le dire [tentative de M. Frédéric Taddeï d'intervenir] et clairement, notamment – on va pas reprendre tous les détails – mais notamment sur le fait que l'ensemble des études universitaires académiques ne sont pas prises en compte [petit silence] en compte sérieusement. Elles ont été dans le dossier du glyphosate balayées d'un revers de la main par ce fameux scandale des copier-coller dans des chapitres entiers... »
Et cela continue... Où, par exemple, l'OPECST a-t-il écrit qu'on a un problème avec l'évaluation des pesticides, sous-entendu qu'elle est mal faite, voire frauduleuse ? Les études académiques balayées d'un revers de la main ? L'EFSA étant mise en cause, faut-il en déduire une mise en cause de la dizaine d'autres agences d'évaluation...
Quousque tandem abutere, Franciscus, patientia nostra ?
Avec « le Carrefour de l'Info » de CNews, du 19 mai 2019, pompeusement intitulé « Glyphosate : ce que l'on sait sur sa dangerosité » (à partir de 18:50), nous avons une illustration de l'incurie médiatique.
Ces quelques 20 minutes sont pathétiques et indécentes.
En face d'un présentateur/animateur, M. Marc Menant, visiblement dépassé par le sujet, M. François Veillerette (encore...) et « face à [lui] » M. Christian Vélot, présenté comme président du conseil scientifique du CRIIGEN... un débat, donc, entre coreligionnaires.
Intéressons nous à M. Christian Vélot, sans vouloir faire preuve d'exhaustivité.
A partir de 22:23, assisté par M. Marc Menant, il laisse entendre que dans le « nouveau » Roundup, on a remplacé le glyphosate par de l'acide acétique (du vinaigre) et laissé les anciens co-formulants (adjuvants). C'est faux ! Quel intérêt y aurait-il à garder dans le « nouveau », qui agit par contact, les co-formulants de l'ancien qui avaient pour mission de faciliter la pénétration du glyphosate ?
En outre, comme il s'agit de Roundup, le coupable désigné est Monsanto. À 22:31 : « quand Monsanto est content, il faut s'inquiéter... »... difficile de faire mieux dans l'expression de la haine pour cette entreprise. Sauf que les activités de jardin – la marque Roundup pour ce créneau – ont été cédées à Evergreen Garden Care France SAS.
A partir de 27:00, il affirme qu'en toxicologie réglementaire, il n'y a aucune étude sur des rates gestantes. C'est faux (exemple ici de principes directeurs de l'OCDE).
(Source) Comment aurait-on pu faire ces constatations si on n'avait pas administré de glyphosate à des femelles gestantes ?
Il embraye ensuite sur une étude de Michael Skinner (déjà abordée à 21:47) qui aurait montré des effets sur la petite-descendance et l'arrière-petite-descendance. Il a simplement « oublié » de mentionner que ces résultats ont été obtenus en injectant par voie intra-péritonéale 25 milligrammes de glyphosate par kilogramme de poids corporel et par jour, du jour 8 au jour 14 de la gestation.
Ramené à la petite personne qui sert de standard pour la toxicologie (de 60 kg), cela représente une injection quotidienne de 1,5 grammes de glyphosate (soit la quantité présente dans 0,2 litre de désherbant prêt à l'emploi) pendant près de 12 semaines de grossesse.
(Source)
Il affirme encore qu'on observe ce phénomène non seulement avec le glyphosate, mais aussi avec "toutes les autres molécules qui l'entourent dans le mélange" (à 27:59). C'est faux.
En tout cas, cela n'a pas été démontré. En revanche, Michael Skinner est un spécialiste de ce genre de manipulation et a « démontré » des effets similaires avec d'autres molécules.
Enfin, vers 33:30 il commence par un refus de céder au complotisme pour y céder immédiatement :
« Ce n'est pas un scoop, tout le monde sait par exemple que dans l'Agence Européenne de Sécurité Alimentaire sur le panel OGM par exemple […] la plupart des scientifiques sont liés au lobby des semenciers […] »
C'est non seulement faux, mais encore diffamatoire.
Quousque tandem abutere, Christianus, patientia nostra ?
C'était sur Europe 1, le 18 mai 2019, dans « C'est arrivé cette semaine » de M. Patrick Cohen... Oui, il arrive que pour savoir où on en est avec les connaissances sur les dangers et les risques (deux notions différentes) des substances réglementées, on invite M. Roger Genet, directeur général de l'Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l'Alimentation, de l'Environnement et du Travail (ANSES).
Formidable... Mais il n'est pas un colporteur de peurs ni un héraut de complots…