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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Le CIRC, les « experts » et les avocats prédateurs : les Bâtards du Benzène (2)

1 Avril 2019 , Rédigé par Seppi Publié dans #Risk-monger, #CIRC

Le CIRC, les « experts » et les avocats prédateurs : les Bâtards du Benzène (2)

 

Épisode 3/7 du SlimeGate : épisode 2/4 de l'arnaque des cherche-beurre – deuxième partie

 

Risk-monger*

 

 

Dans la partie précédente, nous avons vu un cercle vicieux :

 

Le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) classe une substance ou un agent (tel que les champs électromagnétiques, autrement dit les téléphones portables) dans une classe de cancérogénicité, de préférence élevée.

 

L'industrie états-unienne du contentieux de la responsabilité civile se précipite alors pour recruter des plaignants et des consultants (voyez le cas du glyphosate, où M. Christopher Portier s'est vu offrir un contrat quelques jours seulement après l'annonce du classement en cancérogène probable).

 

Les plaignants sont des personnes atteintes d'un cancer susceptibles de faire valoir que leur maladie est due à leur exposition à la substance ou à l'agent.

 

Les consultants sont des scientifiques, des chercheurs susceptibles de produire des dépositions et de servir en qualité de témoin expert pour accréditer le lien entre la maladie du plaignant et la substance ou l'agent.

 

Et, parmi ces consultants, il y a... des experts recrutés – cooptés dans le cadre d'un club de « bons vieux copains » – par le CIRC pour contribuer à l'établissement de la monographie et du classement de la substance ou de l'agent.

 

On peut voir cette situation de deux manières : des chercheurs ainsi recrutés par le CIRC se laissent ensuite débaucher par les avocats prédateurs ou, inversement, ils se font coopter au CIRC pour augmenter leur valeur marchande dans l'industrie du contentieux.

 

Ou, pire encore, ils se font coopter au CIRC dans le but exprès de favoriser le business des avocats prédateurs.

 

Tout cela se déroule au vu et au su des agents du CIRC chargés des monographies. Complices ou idiots utiles ?

 

Le cas du benzène est emblématique et peut-être encore plus scandaleux que celui du glyphosate. En scène donc : des personnages mangeant aux deux râteliers – des chercheurs à la recherche de compléments à leur salaire ou leur retraite, donc de beurre à mettre dans les épinards – d'où leur qualification de « cherche-beurre » dans cette série d'articles.

 

Ils ont fait pression sur le CIRC pour qu'il produise une nouvelle monographie susceptible de mieux servir les intérêts des avocats prédateurs, et évidemment leurs intérêts propres...

 

Mais l'histoire ne s'arrête pas là... Idiots utiles ou complices, les gens du CIRC ? Dépassés par l'ampleur des scandales ? Poursuivant la chute dans l'indignité ?

 

Pfft ! Les conflits d'intérêts s'évaporent !

 

Est-il normal qu’une agence de l’OMS telle que le CIRC publie une monographie et décide ensuite de changer en secret le document ? C’est le sujet d’un rapport spécial de Reuters que le CIRC a démenti avec véhémence [ma note : il s'agit ici du glyphosate]. Ce démenti est compréhensible car la modification a posteriori du contenu d'une monographie publiée donnerait à penser que le CIRC ne respecte pas les règles de base de l’intégrité scientifique.

 

Voici maintenant un fait qui est une nouvelle fois révélateur du manque d’intégrité scientifique du CIRC (qui s’est malheureusement aggravé depuis l’annonce de la nomination d'Elisabete Weiderpass comme nouvelle directrice du CIRC) : le CIRC a dû s'apercevoir (probablement il y a peu de temps) qu’il n’était pas acceptable d'avoir des experts siégeant dans un groupe de travail du CIRC qui déploient en parallèle des activités de consultance, en d'autres termes des cherche-beurre. L’agence de l’OMS de Lyon a donc subrepticement supprimé la déclaration de conflit d’intérêts de Martyn T Smith dans la monographie 100F. Dans la version mise à jour de la monographie, portant en partie sur le benzène, Martyn n'est plus déclaré comme consultant actif dans le cadre de procédures concernant le benzène introduites par des avocats prédateurs. Mais les gens du CIRC n'ont pas pu convaincre le Lancet Oncology de déroger aux règles éthiques scientifiques fondamentales et de modifier une publication scientifique.

 

Voici la page du CIRC mise à jour sur les participants au groupe de travail qui s'est penché sur le benzène.

 

 

La déclaration de conflits d'intérêts de Smith en tant que consultant figure dans Lancet Oncology (voir l'image dans la partie précédente) mais manque dans la « mise à jour » du texte du CIRC de 2018

 

 

Le conflit d’intérêts de Smith semble s'être évaporé de la page. Pourquoi ? Peut-être Smith a-t-il demandé que le CIRC retire sa déclaration. Franchement, si vous êtes un témoin expert hautement rémunéré qui témoigne pour les deux parties à une action en justice, cela suggère que vous êtes encore plus glauque que le cherche-beurre moyen, et je pourrais comprendre que vous souhaitiez cacher un comportement aussi abominable.

 

Note de Risk-monger : Cela montre à quel point ces responsables du CIRC se sont endurcis face au scandale. L'année dernière, j'avais montré qu'ils avaient modifié après sa publication le rapport du groupe consultatif du CIRC sur les priorités pour la période 2015-2019 pour prétendre que Christopher Portier avait annoncé son conflit d'intérêts en tant qu'employé de l'Environmental Defense Fund à l'issue de la réunion du groupe (alors qu'il ne l'avait pas fait). J'ai utilisé Wayback Machine pour montrer cela (voir l'image ci-dessous). Cette fois, l’équipe Web du CIRC a supprimé toutes les miettes pouvant afficher les mises à jour de la page et l’historique sur des sites d’archivage tels que Wayback Machine. C'est un moyen astucieux de masquer les actions inappropriées, mais dans l'adresse de la page Web, les génies ont laissé les informations de mise à jour avec : page upload as 062018.

 

Il est clair que le CIRC a un problème d'éthique quand il modifie discrètement des documents publiés.

 

Il est clair qu’il a essayé de ne pas se faire prendre.

 

Il est clair qu’il n’a pas très bien réussi.

 

Et le CIRC aime se vanter de sa transparence. Quelle misère !

 

 

 

 

En modifiant discrètement ses monographies après leur publication, le CIRC se comporte comme un coupable essayant de dissimuler ses transgressions. Mais cette agence de l'OMS ressemble aussi à un petit garçon pris le doigt dans le pot de confiture (et qui s'en prend rapidement à quiconque s'en aperçoit). Quand le CIRC apprendra-t-il à être responsable, honnête et adulte ?

 

Ma note : Le CIRC s'est apparemment livré à un élagage et une refonte de son site. Des pages ont disparu ; le lien vers ses archives ne vous propose plus que d'aller à juillet 2018 ; les URL ont été modifiés et les anciens que l'on a pu collecter et garder sur nos ordinateurs renvoient aux nouveaux. Ainsi:

 

https://monographs.iarc.fr/ENG/Publications/internrep/14-002.pdf

 

aboutit à :

 

https://monographs.iarc.fr/wp-content/uploads/2018/08/14-002.pdf

 

Impossible donc de remonter dans le temps à partir de la nouvelle adresse...

 

Voici donc la page du rapport sur la liste des participants telle qu'elle s'établissait au 23 juillet 2014 : pas de déclaration de conflit d'intérêts :

 

 

 

Elle est resté inchangée jusqu'en 2018. La capture de Wayback Machine du 9 septembre 2018 nous redirige vers la nouvelle adresse. Notez cette précision, incongrue (la date de modification serait postérieure à la date de mise en ligne) :

 

 

 

 

Ce qui est remarquable, c'est que l'emploi de M. Christopher Portier par l'Environmental Defense Fund était largement connu des gens du CIRC à l'époque. C'est en cette qualité qu'il s'est vu offrir – privilège exceptionnel pour un activiste – un séjour au CIRC en tant que « visiting scientist » pour une période de six mois qui s'est terminée quelques jours avant la réunion du groupe consultatif. Voir le communiqué de presse et le CV (qui a une nouvelle URL...).

 

 

 

 

 

Le même recueil de stratégies des avocats prédateurs pour le glyphosate ?

 

Beaucoup de gens se diront avec emphase : « Et alors ! » Le benzène ne se trouve ni dans mes céréales de petit déjeuner ni dans mon vin, et je n'y suis pas exposé dans mon travail. Mais gardez à l’esprit que cela sert de toile de fond au mépris atroce pour le processus et l’intégrité scientifiques qui est endémique au sein du CIRC et de son réseau de « bons vieux copains ». Les cherche-beurre auraient-ils pu exercer la même influence sur le CIRC que dans le cas du benzène afin de faire inclure le glyphosate dès que possible dans une monographie, compte tenu de la stratégie des avocats prédateurs visant à faire du glyphosate le prochain tabac ou amiante ?

 

Le premier point à prendre en considération est la hargne du message de Kate Guyton adressé à tous les membres américains du groupe de travail sur la monographie du glyphosate et leur demandant de ne pas répondre aux demandes d'accès à l'information. Cela va à l’encontre des codes de conduite américains en matière de responsabilité académique et réduit en bouillie la pathétique prétention du CIRC à être un parangon de transparence. Qu'est-ce que Guyton a essayé de cacher ? Les gens du CIRC cachent des informations depuis quatre ans… Kate doit être moralement épuisée.

 

Même en l'absence d'une chaîne de courriels similaire, la situation avec le glyphosate pue les malversations et la collusion. Le glyphosate n'a pas figuré sur la liste de substances d'origine de la monographie 112. La page Web consacrée aux réunions du CIRC n'a été archivée que trois fois en 2014, en avril, juillet et octobre. La réunion 112, telle qu'annoncée le 16 juillet 2014, concernait uniquement « certains insecticides organophosphorés ». Incidemment, il convient de noter qu'ils ont envoyé un appel à experts en été avec un délai de deux semaines pour que les parties intéressées puissent poser leur candidature. Cela implique que le CIRC avait déjà sélectionné les « bons vieux copains » qu’ils souhaitaient voir dans la salle (cette agence est tout simplement pourrie jusqu'à l'os).

 

 

En juillet, la réunion portait uniquement sur les insecticides organophosphorés. La mise à jour suivante a ajouté le glyphosate.

 

 

Ma note : Je pense que tout n'est peut-être pas exact ici. Les annonces standard pour la préparation de la réunion du groupe de travail ont sans doute été publiées à temps, le 12 mars 2014, comme en témoigne (en principe) cette page archivée. Reste à savoir à quoi se rapportaient les annonces d'origine...

 

Wayback Machine a donc fait trois captures de la liste des réunions à venir en 2014, les 5 avril, 16 juillet et 7 octobre. L'intitulé de la réunion 112 est successivement : « quelques pesticides et substances chimiques associées », « quelques insecticides organophosphorés » et « quelques insecticides et herbicides organophosphorés : diazinon, glyphosate, malathion, parathion, et tétrachlorvinphos ».

 

Quand c'est flou, il y a un loup ! Quand l'intitulé de la réunion fluctue... Quand on supprime les versions historiques archivées et qu'on renvoie à des textes mis en ligne le 2 novembre 2017 selon les URL... Quand on a laissé les captures d'autres volumes (par exemple pour le 111)...

 

A-t-on pris date en mars 2014 et défini la liste des substances par la suite (ce qui fait désordre car les appels, notamment à experts, étaient bien trop vagues pour être pris au sérieux – sauf par les « bons vieux copains », dans la boucle) ? A-t-on ajouté le glyphosate après le 16 juillet 2014, comme le laisse entendre le Risk-monger et le laissent supposer les annonces de réunions archivées ?

 

J'avais supposé dans des écrits précédents (voir notamment ici) que le glyphosate était dans la liste dès mars 2014, et que donc l'examen de son rang de priorité en avril 2014 était devenu superfétatoire. Me serais-je trompé (ou ai-je été trompé) ? Mais l'hypothèse d'un ajout (très tardif) du glyphosate à la liste des substances de la monographie 112 n'est pas plus charitable.

 

J'ajouterai que les intentions du CIRC étaient connues dès le 28 février 2014 de M. Michael Alavanja (même référence, avec citation de son courriel). Interprétation ? Le club des « bons vieux copains »...

 

La capture suivante de la page Web a eu lieu le 7 octobre 2014 (moins de cinq mois avant la réunion). Ce n’est qu’alors qu'apparaît le glyphosate comme substance pour le groupe de travail. Le glyphosate n'est pas un insecticide organophosphoré et il n'avait absolument rien à faire dans cette réunion portant sur des insecticides (pire, après la fin de la période d'appel à experts). Pourquoi le glyphosate a-t-il été ajouté si tard dans le processus à une liste de substances non apparentées ? Ou devrions-nous nous demander : quel(s) scientifique(s) cherche-beurre a exercé des pressions sur le CIRC pour qu'il introduise l'herbicide dans la liste d'insecticides pour le compte d'avocats prédateurs en train de préparer un plan d'action en justice ?

 

Nous savons que Chris Portier a eu des réunions avec le cabinet Lundy et Lundy le mois précédant la réunion du groupe d'experts sur le glyphosate du CIRC… prétendument pour un contrat relatif à des cancers résultant de l'utilisation d'un téléphone portable (un autre rêve délirant pour les cherche-beurre). C’est bien sûr une pure coïncidence qu’à peine dix jours après la fin de la réunion du groupe de travail déclarant le glyphosate comme un cancérogène probable (le CIRC est le premier et seul organisme de ce type à avoir jamais conclu en ce sens), un contrat avait été signé et attendait la signature de Portier. Bien sûr, je vais acheter ça !

 

Ma note :  Le CIRC a classé les champs électromagnétiques de radiofréquence comme « peut-être cancérogène pour l'homme » (Groupe 2B) en mai 2011, au terme d'une évaluation qui a été vivement contestée. Pour arriver à cette conclusion, le groupe de travail avait pris en compte – contrairement à ses principes proclamés – des articles non publiés (mais acceptés pour publication).

 

Qui était membre du groupe de travail?Un certain Christopher J. Portier (par ailleurs président du sous-groupe « mécanismes ») ! Mais aussi M. Ronald Melnick (par ailleurs président du sous-groupe « exposition »), qui apparaît aussi dans cet article, plus bas !

 

Il ne faut pas oublier que parmi les membres américains du groupe de travail de la monographie 112 du CIRC, un bon nombre perçoivent depuis lors des honoraires en tant que témoins experts (« achetés et payés » comme cherche-beurre). Cela comprend le président, Aaron Blair, Christopher Portier, Charles Jameson et Matthew Ross. Ces canaris ne chanteront pas et ne divulgueront certainement pas leurs courriels. Bien sûr, il y a une cohorte de cherche-beurre bien plus grande se nourrissant des quelque 9.000 actions en justice engagées contre le glyphosate [ma note : plus de 11.000 aux dernières nouvelles], mais ce ne sont là que les quatre qui sont arrivés à Lyon avec la perspective d'un complément à leur pension. Les gazouillis des personnes qui fredonnaient autour de la machine à café du CIRC en mars 2015 devaient être assez impressionnants.

 

Ainsi, alors que tout le monde se tait et que le CIRC refuse la transparence, les preuves semblent indiquer une forte probabilité qu'une stratégie d'influence similaire a été déployée par des avocats prédateurs ou pour leur compte et qu'elle ait conduit le CIRC à inclure le glyphosate dans un ensemble de substances complètement différent et à livrer les marchandises que les cherche-beurre devaient ramener à leurs cabinets d'avocats. Monsanto est poursuivi en justice, les agriculteurs se font avoir. Rien dans le comportement du CIRC et de son réseau de « bons vieux copains » cherche-beurre ne me convaincrait du contraire. L'histoire des Bâtards du Benzène est utile pour comprendre comment fonctionne le CIRC (et pour qui).

 

 

Quelqu'un répondra-t-il à mes questions ?

 

Contrairement à ce que disent mes trolls, le Risk-monger est préoccupé par les nombreuses forces qui menacent la confiance dans la science et la méthode scientifique. SlimeGate est une série d’études de cas sur la façon dont des avocats à l'honnêteté fort chancelante utilisent des scientifiques pour s’enrichir. Je pense aussi que le CIRC a gravement perdu sa boussole à bien des égards et est devenu une menace pour la réputation de la science et de la décision politique. J'aimerais contribuer au débat sur la réforme de l'agence, mais ils m'ignorent (le jour où la nomination d'Elisabete Weiderpass en tant que nouvelle directrice a été annoncée, j'ai même été bloqué sur la page Twitter du CIRC). Donc, en l'absence de dialogue et confronté à un cercle supplémentaire de chariots, quelqu'un peut-il répondre à mes questions ?

 

  • Pourquoi une troisième [ou quatrième] monographie du CIRC établissant un lien entre le benzène et le LNH est-elle essentielle à la stratégie de litige si suffisamment d'études ont été publiées (comme l'ont prétendu les cherche-beurre) ?

     

  • Pourquoi le CIRC est-il la seule « source de référence » pour les avocats prédateurs à la recherche de nouvelles causes de cancer ?

     

  • Comme Straif connaissait les motivations des cherche-beurre et savait que le nombre de poursuites judiciaires concernant le benzène dépendait du fait que le CIRC établisse un lien entre le LNH et une faible exposition au benzène, ne devait-il pas avoir résisté par principe ?

     

  • La décision de Straif de céder à la pression de Goldstein et Infante en vue de la production d’une nouvelle monographie ne va-t-elle pas à l’encontre de la politique interne du CIRC (respecter les priorités du groupe consultatif externe) ?

     

  • Tous ces protagonistes, y compris Straif, sont membres du Collegium Ramazzini. Le Collegium, une sorte de club Rotary pour scientifiques activistes, a-t-il servi de cadre à leur stratégie ?

     

  • Le CIRC a-t-il secrètement modifié sa monographie lorsque quelqu'un a remarqué des conflits d'intérêts « Oups !» ?

     

  • Les avocats prédateurs ont-t-il exercé le même type de pression sur le CIRC en salivant à l'évocation de la manne potentielle d'honoraires résultant de la poursuite en justice de Monsanto au sujet du glyphosate ?

     

N’est-il pas temps pour la communauté scientifique de commencer à nettoyer cette porcherie ?

 

Pourquoi si peu de journalistes s'intéressent-ils à ce scandale ? Ont-ils trop peur d'aller à l'encontre du récit dominant anti-entreprise ? Sont-ils trop paresseux ou sous-payés pour effectuer des recherches approfondies ? Un triste témoignage : ce document est disponible gratuitement depuis huit mois (j’ai été assez malade pendant une bonne partie de cette période) et pourtant, je n’ai jamais craint qu’un journaliste me pique le « scoop ». Le métier de journaliste d'investigation est mort.

 

  • Étant donné que le CIRC n’est pas transparent dans la publication de documents ou les discussions concernant sa production de monographie ;

     

  • Étant donné que les cabinets d'avocats ne divulguent ni leur correspondance ni leurs paiements à des cherche-beurre ou à des ONG ;

     

  • Étant donné que les médias ne s'intéressent pas au comportement déplorable des Bâtards de Benzène…

 

…nous ne pouvons que conclure sur un point : aussi odieux que puissent être ces petits récidivistes de la recherche, ils continueront de fonctionner en toute impunité et de nuire à la réputation de l’institution qu’ils prétendent représenter (et, encore une fois, je souffrirai probablement personnellement en dénonçant ce comportement scandaleusement contraire à l'éthique).

 

Quoi qu’il se passe, la dépravation du CIRC ne cesse de m'étonner. Vous pouvez imaginer ma surprise d’avoir lu une défense passionnée du CIRC par nul autre que… Peter Infante. Quel post-scriptum terrible pour une histoire terrible.

 

 

Post-scriptum : Un Infante Terrible

 

Peter Infante ne travaille pas en tant que scientifique mais en tant que consultant en contentieux sur le benzène. Il a participé à la rédaction des deux dernières monographies du CIRC sur le benzène en tant qu'observateur (pourtant un statut généralement réservé aux personnes ayant des conflits d'intérêts telles que les acteurs du secteur ou les gouvernements qui seront affectés par les conséquences des conclusions de la monographie en cause). Il a ouvertement déclaré ses intérêts : assister des avocats prédateurs dans des poursuites judiciaires concernant le benzène. C'est bien. Mais il est ainsi en mesure de facturer un taux horaire élevé pour les services fournis à des clients satisfaits (les cabinets d’avocats) qui comptent ramasser des centaines de millions de dollars ensuite des poursuites fondées sur des données scientifiques douteuses. Il mène certainement une belle vie grâce aux services rendus dans le cadre de cette stratégie de litiges en responsabilité civile fondés sur la nocivité alléguée d'une substance. Je devrais être heureux pour lui et sa très bonne fortune.

 

Mais quand il prétend que ses honoraires de consultance auprès des avocats prédateurs relèvent de la science, ce comportement visqueux doit être évalué à sa juste mesure. Pire, quand il produit des attaques personnelles contre des scientifiques ou des journalistes crédibles et reconnus pour protéger son petit business et, pire encore, quand il les accuse d'être à la solde de ses adversaires, Infante dépasse tant de bornes de la décence humaine que le mot « hypocrite » est beaucoup trop gentil pour décrire le comportement odieux de ce cherche-beurre.

.

Infante a écrit un article virulent contre quiconque oserait remettre en question les déclarations du CIRC et la valeur que celui-ci procure aux scientifiques comme, eh bien, lui-même. Le titre annonçait la couleur : «  IARCMonographs Program and public health under siege by corporate interests » (le programme des monographies du CIRC et la santé publique assiégés par des intérêts commerciaux). Infante a renforcé la théorie du complot – le « Monsanto a acheté tout le monde » –, faisant même référence à des sources et à des documents d'activistes des États-Unis, en l'occurrence US Right to Know, et de Corporate Europe Observatory (j'aurais bien voulu inventer ça !). L'article a été co-écrit par d’autres bons vieux copains du CIRC, consultants en contentieux et « gardiens du code » de Ramazzini : James Huff, Ronald Melnick et Harri Vainio, ancien directeur au CIRC, actuellement toxicologue à l’Université du Koweït (également la meilleure moitié d'Elisabete Weiderpass, la nouvelle directrice du CIRC qui a apparemment cessé d’utiliser son nom de famille avec un trait d'union lorsque son étoile a commencé à briller au firmament du CIRC… ouf !).

 

Le commentaire était stupéfiant par ses attaques vicieuses et indignes, accusant par exemple des scientifiques distingués comme Robert Tarone d’être dans la poche de Monsanto (Tarone avait écrit un article convaincant contre la monographie 112 du CIRC sur le glyphosate). Ensuite, Infante s'en est pris à la journaliste primée de Reuters Kate Kelland, affirmant qu’elle était un porte-voix de Monsanto. À un moment donné, le commentaire a déroulé une série de références qui, selon lui, ont toutes été financées ou influencées par... mais oui... Monsanto. Ces affirmations apparemment injurieuses ont été formulées sans aucune preuve, mais dans le but d'attaquer et de calomnier quiconque oserait mettre en doute la légitimité du CIRC. Robert Tarone a répondu de manière mesurée à la fureur d’Infante en lui rappelant certaines règles fondamentales de l’intégrité scientifique.

 

« Il incombe aux défenseurs du CIRC de traiter avec rigueur le résumé hautement discutable et sélectif des études du glyphosate sur les rongeurs, plutôt que de mettre en cause la motivation des critiques de la classification du glyphosate par le CIRC et de continuer à soutenir par un argument d'autorité que les procédures des Monographies du CIRC sont irréprochables. »

 

Je n'ai jamais vu le CIRC engager des discussions scientifiques après la publication d'une monographie (ils se prévalent plutôt d'une « arrogance d'infaillibilité ») et, franchement, je pense que la clique actuelle à Lyon est incapable d'une telle responsabilité scientifique fondamentale.

 

En termes de hockey sur glace, Infante a joué le rôle d'homme fort ou de goon du CIRC [son rôle est de défendre ses coéquipiers, de faire peur à l'autre équipe, de calmer les ardeurs des adversaires], prêt à frapper et à discréditer toute personne qui constituerait une menace. Les gants avaient été enlevés pour des coups à main nue, mais qui donnait les ordres ? Il est curieux que bien qu’Infante n’ait fourni aucune preuve de ses affirmations concernant Kate Kelland, environ un an après son éructation, il a été révélé qu’un courrier électronique entre un directeur de Monsanto et la journaliste de Reuters avait été scellé devant un tribunal. Les avocats qui poursuivent Monsanto auraient-ils divulgué des documents confidentiels à Infante pour son article ? Était-ce illégal (je suis sûr que Peter pourra trouver un bon avocat pour assurer sa défense) ?

 

Alors quel profit cet « Infante terrible » a-t-il tiré du CIRC et des avocats prédateurs ? Selon une analyse bien documentée de Nathan Schachtman, le nom de Peter Infante a été cité comme consultant dans au moins 141 affaires de responsabilité civile fondée sur la nocivité d'une substance, toutes du côté du plaignant. Selon un calcul sommaire, Peter Infante a dû touché au moins trois millions de dollars US en tant que consultant cherche-beurre (une semaine à Lyon en tant qu'observateur au sein du groupe de travail sur le benzène pourrait facilement remplir sa feuille de temps pour environ 50 000 dollars… sans compter la double ou triple facturation possible de différents cabinets d’avocats).

 

Au-delà de la question de l’argent, Infante était-il le meilleur choix pour mettre en cause la qualité des autres scientifiques? Selon un autre article de Nathan Schachtman, il est évident que les compétences scientifiques de Peter n’étaient pas les meilleures. Dans l’affaire « Burst » concernant le benzène, Infante a « pillé le catalogue d’erreurs des témoins experts ». La juge dans cette affaire a souligné qu'il avait commis 12 transgressions scientifiques de base, allant du picorage (cherry-picking) des données à la manipulation de données, en passant par l'utilisation d’études non pertinentes. Pour sa défense, Infante a prétendu qu'il utilisait la méthodologie du CIRC… tout est dit !

 

Donc Infante écrit un article attaquant toute personne qui menace son petit empire commercial en l'accusant d'être dans la poche des… entreprises (d'être payée par une entité qui ne s'intéresse qu'à l'argent). Vraiment ! Comme l'atteste tout épidémiologiste digne de ce nom, les preuves importent. Il n'y avait aucune preuve à l’appui des accusations d’Infante, mais le placard de ce personnage est rempli de squelettes accablants. Quel hypocrite !

 

 

Ça pue !

 

Le benzène a, et continuera d’avoir, une longue et riche histoire pour les avocats prédateurs qui cherche à associer les personnes atteintes de cancer à leurs juteux honoraires. Et là où il y a ce slime, il attirera des cherche-beurre de la fibre morale de Peter Infante, Bernard Goldstein et Martyn T. Smith. En s’enrichissant, ils continueront de nuire à la crédibilité de la science et à la réputation d’agences telles que le CIRC, une organisation à la dérive prête à se salir au service de son réseau de bons vieux copains.

 

En ce qui concerne le CIRC, l’agence ressemble à une pièce malodorante. Au moment où les gens entrent, ils se disent : « Mon Dieu, quelle odeur ! ». Au bout d'un moment, il devient évident que l'odeur est forte et désagréable. Et puis elle prend le dessus et les gens réalisent qu'il n'y a aucun moyen de purifier l'air. En cherchant la source de la puanteur, il devient clair que toute la pièce pue… Il y a environ 15 mois, différents acteurs de l'industrie à Washington ont sollicité mon opinion sur le CIRC. J'avais conseillé aux États-Unis de rester membre et d'essayer de réformer l'agence de l'intérieur. Je pensais que la puanteur pouvait être retirée de la pièce. La performance de Weiderpass depuis qu’elle a été choisie pour diriger le CIRC a montré que la puanteur qui régnait dans toute l’organisation est permanente. Il est maintenant évident que la seule solution est de quitter la salle.

 

_______________

 

 

David pense que la faim, le SIDA et des maladies comme le paludisme sont les vraies menaces pour l'humanité – et non les matières plastiques, les OGM et les pesticides. Vous pouvez le suivre à plus petites doses (moins de poison) sur Twitter et la page Facebook de Risk-monger.

 

Source : https://risk-monger.com/2019/02/26/slimegate-3-7-pt2-the-benzene-bastards/

 

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