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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Générations Futures : une tentative de pollution médiatique ratée (semble-t-il)

20 Avril 2019 , Rédigé par Seppi Publié dans #Générations futures, #critique de l'information, #Perturbateurs endocriniens

Générations Futures : une tentative de pollution médiatique ratée (semble-t-il)

 

 

 

 

Ne nous réjouissons pas trop vite : des départs laborieux peuvent signifier un diesel robuste et endurant... Et avec un monde politique sautant sur toutes les diversions possibles pour éviter de s'attaquer aux vrais problèmes...

 

Mais il est un signe qui ne trompe pas : le dernier communiqué de Générations Futures – « Découvrez les cartes de France des eaux de surface au regard de la présence de pesticides perturbateurs endocriniens suspectés » – ne comporte pas l'habituelle « revue de presse ».

 

 

Le Monde complaisant, évidemment

 

S'agissant de la presse généraliste, il n'y a guère que le Monde Planète (évidemment) qui ait répercuté l'« information », sous la signature de M. Stéphane Mandard.

 

C'est anxiogène à souhait : « Les rivières françaises regorgent de substances dangereuses » est-il dit en titre dans la version papier (datée du 19 avril 2019) et « Perturbateurs endocriniens : les rivières françaises regorgent de pesticides » sur la toile (16 avril 2019).

 

Le chapô sur la toile est plutôt neutre – « Une quarantaine de molécules dangereuses, dont le glyphosate, sont présentes en moyenne dans les cours d’eau, révèle un rapport inédit publié mardi 16 avril ». Mais c'est entièrement faux comme nous allons le voir ! Le démarrage est tonitruant :

 

« Les rivières et les lacs français débordent de pesticides suspectés d’être des perturbateurs endocriniens. Glyphosate, atrazine, chlordécone… des résidus d’herbicides et d’insecticides particulièrement néfastes pour la santé sont omniprésents dans les eaux de surface en France, révèle une étude inédite publiée mardi 16 avril à laquelle Le Monde a eu accès. »

 

« ...débordent... » ? On ne fait pas dans la dentelle ! « ...chlordécone... » ? C'est, sauf erreur, un problème cantonné aux Antilles, non métropolitain ! Les résidus sont « ...particulièrement néfastes... » ! Mais que fait le gouvernement ? Et bien sûr « omniprésents »... alors que l'étude à laquelle – selon un tic journalistique qui fleure bon l'autosatisfaction – « Le Monde a eu accès » démontre précisément l'inverse. Par Toutatis ! Le Monde a pris une louche de potion magique !

 

Tout pour M. François Veillerette, présenté comme directeur de Générations Futures. Aucune mise en perspective...

 

 

Sciences et Avenir, avec AFP, contextualise

 

Saluons donc un article de Sciences et Avenir et Mme Camille Gaubert, avec AFP, qui, sous un titre (nécessairement) accrocheur, « 232 pesticides ou potentiels perturbateurs endocriniens retrouvés dans les lacs et rivières », ajoute un message plus rassurant. Il ne nous est pas permis de lire tous les jours :

 

« Sur l'ensemble du territoire français, 43,4 % des masses d’eau de surface sont évaluées en bon ou très bon état écologique, et 48,2% d’entre elles sont en bon état chimique (15,9% en mauvais état chimique, et 35,9% indéterminé pour cause d'informations insuffisantes), selon un rapport officiel de 2016. Des chiffres stables depuis 2013. »

 

 

FranceTVInfo fait de la pédagogie

 

Appliquez le principe de scepticisme !

 

Mais qu'en est-il de ce « rapport » ?

 

FranceTVInfo a aussi fait un effort de pédagogie, et on ne peut que s'en féliciter, avec « L'ONG Générations futures dénonce la présence de perturbateurs endocriniens suspectés dans nos lacs et rivières » de M. Thomas Baïetto.

 

Tout d'abord (c'est nous qui graissons) :

 

« ...l'ONG – engagée contre les pesticides de synthèse – s'est appuyée sur la base de données officielle Naïades, qui regroupe les analyses réalisées par les agences de l'eau, les offices de l'eau et l'Agence française pour la biodiversité. "Nous avons essayé de rendre lisible des données complètement inutilisables en l'état", explique à franceinfo François Veillerette, directeur de l'ONG. Voici les principaux enseignements de cette étude, dont les résultats sont à prendre avec précaution»

 

 

Des perturbateurs endocriniens « potentiels ou « suspectés »

 

Nous ne contredirons certainement pas M. François Veillerette, mais soulignerons la fin du paragraphe. Car voici le deuxième élément important (le gras est dans l'original) :

« L'ONG s'appuie sur une base de données de perturbateurs "potentiels". Outre Naïade, l'étude est fondée sur la base de données de Tedx, l'organisation créée par la scientifique Theo Colborn à l'origine de la découverte des phénomènes de perturbation endocrinienne. Cette liste regroupe 1 482 molécules ou familles de molécules qui ne sont pas forcément considérées comme des perturbateurs endocriniens avérés par les autorités, ni seulement celles pour lesquels un consensus scientifique existe. Le seul critère est l'existence d'au moins une étude universitaire publiée dans une revue scientifique ayant montré un effet de perturbation endocrinienne. »

 

M. François Veillerette tente bien de se justifier, mais les faits sont cruels : la base de donnée est teintée de militantisme et de jusqu'au-boutisme.

 

Prenez le cas de l'emblématique ou « fameux » glyphosate : il est sur la liste sur la base de l'étude largement dénoncée de Paganelli et al. (Carrasco) et d'une autre réalisée in vitro avec des doses extravagantes de glyphosate dans le milieu de culture (0,5 à 5 milligrammes/litre).

 

Pour l'EFSA, en revanche, le poids de la preuve indique que le glyphosate n'a pas de propriétés de perturbation endocrine par les modes d'action œstrogénique, androgénique, thyroïdien ou stéroïdogène. Oui, mais l'EFSA n'est pas une bonne source pour les marchands de peurs et prédicateurs de l'apocalypse... Le « Toxicological Profile for Glyphosate » que l'Agency for Toxic Substances and Disease Registry états-unien vient de publier pour une consultation du public ne retient pas non plus d'effet de perturbation endocrinienne (et ne cite pas Paganelli et al...).

 

 

Une avalanche de chiffres, mais pas de teneurs ou concentrations

 

Générations Futures a donc produit une avalanche de chiffres et de belles cartes d'un intérêt fort limité, sans préciser les teneurs, alors qu'elles sont disponibles (mais il est vrai qu'en matière de perturbateurs endocriniens, le message est encore plus anxiogène quand cette donnée est absente...) ni les lieux où une substance a été détectée à un niveau quantifiable. FranceTVInfo écrit :

 

« Générations futures ne précise pas la concentration des résidus retrouvés. On sait seulement que la substance a dépassé la mesure de quantification, la valeur à partir de laquelle les scientifiques la détectent avec certitude. Pour être présent parmi les pesticides signalés, il suffit donc qu'au cours de l'année 2015, la substance ait été repérée une seule fois dans l'une des stations de mesure du département. Un relevé qui n'est donc pas forcément représentatif de la situation. »

 

Là encore, M. François Veillerette a tenté de justifier :

 

« Nous avons du mal à trouver une façon fidèle de retranscrire l'information […]. Parfois, nous avons un pic dans une station d'analyse. Faut-il faire une moyenne alors que ça peut donner une impression fausse ? »

 

L'argument n'est pas sans valeur... mais Eaufrance a bien réussi à produire des moyennes par bassin (ci-dessous)... Et il est tout aussi applicable à la démarche de Générations Futures.

 

 

 

 

Trouver une substance dans un ruisselet du nord d'un département et un autre dans le sud, et afficher « 2 » donne une impression tout aussi fausse... On comprend donc aussi pourquoi le Monde a ouvert les écluses de la désinformation en écrivant : « Une quarantaine de molécules dangereuses, dont le glyphosate, sont présentes en moyenne dans les cours d’eau » : c'est une moyenne départementale qui additionne les pointages de substances trouvées dans les différents cours d'eau et les différents points de prélèvement. Cela peut signifier tout aussi bien 40 substances dans un seul cours d'eau très pollué que 40 substances différentes trouvées chacune une fois dans un cours d'eau départemental.

 

Mais quel bonheur de pouvoir annoncer qu'on a trouvé 90 pesticides perturbateurs endocriniens « suspectés », quantifiés au moins une fois chacun, dans le Calvados (sur près de 450 analyses ; à partir de la 25e substance, on est en-dessous de 10 occurrences)...

 

 

La fabrique du doute et de la peur

 

Ce qui ne l'a pas empêché de gesticuler :

 

« Ces produits peuvent avoir des effets sur les écosystèmes, même à des doses très faibles (...) Ces données montrent que la chimie agricole menace la biodiversité aquatique […] ces résultats sont également à interpréter comme l'indicateur d'une contamination importante de l'environnement dans lequel vivent les humains. »

 

Preuves ? Aucune, pour des situations réalistes et les niveaux de résidus en cause.

 

 

Pas de quoi s'affoler !

 

FranceTVInfo relativise donc :

 

« Faut-il s'en inquiéter ?

 

Dans son étude, Générations futures se garde bien de tirer des conclusions sur l'impact pour la santé humaine, contrairement à sa précédente étude, contestée, sur les perturbateurs endocriniens dans l'alimentation. Les eaux de surface – lacs, rivières et autres plans d'eaux – sont en effet distinctes des eaux distribuées que vous retrouvez dans votre robinet. C'est d'avantage pour les animaux qu'il faut s'inquiéter. »

 

En fait, pour les animaux, allez sur Sciences et Avenir. Et si l'on s'inquiète pour les animaux, les méfaits des résidus des pilules contraceptives sur les poissons sont non seulement avérés, mais inquiétants... mais ce n'est pas le fond de commerce de Générations Futures ni de la filière économique dont elle promeut les intérêts.

 

« ...se garde bien... » ? Voilà un journaliste qui a compris... Bravo !

 

 

 

 

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J
Ce matin en 1° page du DL (Dauphiné Libéré de ce matin ) les eaux du départements sont contaminées par les pesticides<br /> sous la photo la légende dit que la situation est en amélioration.<br /> je prendrais le temps de lire l'article ce soir.
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