Recherche végétale 2019 – interdiction de manger des pommes
Ludger Weß*
Personne ne peut exclure que le cancer et la maladie d'Alzheimer ne soient pas causés par des « fruits atomiques ».
Les plantes génétiquement modifiées sont autorisées lorsque leur génome a été flingué avec une sorte de canon à grenaille. Les modifications précises, en revanche, sont considérées comme un risque imprévisible. Un généticien doit donc d'abord quitter son pays [la Nouvelle-Zélande] avant de pouvoir mordre dans une pomme.
Connaissez-vous Rio Red et Star Ruby, le pamplemousse rose, désormais disponible en qualité biologique dans tous les supermarchés ? Chair rose, goût doux, particulièrement juteux, pauvre en pépins mais riche en vitamines A et C, et surtout en antioxydants ? Ce super-aliment super-sain, idéal pour se désintoxiquer et perdre du poids comme l'écrivent Focus et Brigitte ? Probablement oui.
Selon la définition actuellement en vigueur de l'Union Européenne, ces variétés sont des OGM, des organismes génétiquement modifiés qui ne sont pas soumis aux exigences en matière d'étiquetage car ils ont été produits avant l'entrée en vigueur de la directive de l'UE sur le génie génétique et avec une méthode de génie génétique du style marteau-pilon. Des rameaux portant des bourgeons ont été bombardés de neutrons dans un laboratoire, les rameaux ont été greffés et, parmi les milliers de fruits (la plupart difformes et non comestibles), on a sélectionné ceux qui étaient beaux, roses, juteux et savoureux. Les variétés ainsi obtenues ont depuis été clonées et sont considérées comme délicieuses, saines et sans danger ; et elles sont vendues aux consommateurs de produits biologiques comme des produits naturels (à moins qu’ils aient été traités avec des produits chimiques issus d'un laboratoire).
On ne pourra cependant lire ni dans Eat Smarter ni dans Schrot & Korn que des milliers, sinon des dizaines de milliers de gènes ont été détruits, modifiés, réarrangés ou multipliés par cette méthode de génie génétique – personne ne le sait précisément car cela n'a jamais été étudié. On n'a pas non plus vérifié si le plaisir de goûter ces nouvelles variétés entraîne des allergies, un cancer ou une septicémie chronique, comme on l'a fait avec le nouveau saumon génétiquement modifié – pas un seul rongeur n'a été sacrifié pour cet examen. Et ni Greenpeace ni les Verts n'ont dénoncé cela jusqu'à aujourd'hui.
Les nouvelles variétés ont simplement été mises sur le marché et les consommateurs les achètent aux États-Unis, en Europe, et même en Nouvelle-Zélande où l'importation, la mise au point, l'examen et la dissémination des organismes génétiquement modifiés et l'étiquetage d'ingrédients génétiquement modifiés sont réglementés encore plus strictement que dans l'UE. Toute approbation doit tenir compte des facteurs économiques, sociaux et culturels ainsi que des impacts sur l'environnement et la santé publique – une victoire (presque) totale du lobby anti-OGM. Malheureusement pour eux, des denrées alimentaires et des aliments pour animaux contenant des ingrédients génétiquement modifiés sont toujours disponibles sur le marché néo-zélandais et les ingrédients contenant moins d'1 % d'OGM ne sont pas soumis à l'étiquetage. La contamination de la Nouvelle-Zélande par le génie génétique progresse donc et les conséquences catastrophiques pour la santé ne sont toujours pas exclues.
Où mène l'hystérie de la pollution génétique en Nouvelle-Zélande ? C'est ce que montre le cas d'une variété de fruit pour laquelle une équipe de recherche dirigée par Andrew Allan de Plant & Food Research (PFR) a modifié de manière précise un gène – en utilisant CRIPSR/cas, une méthode plus précise de plusieurs ordres de grandeur que celle consistant à bombarder du matériel végétal par irradiation : elle a modifié non pas un pamplemousse, mais une pomme Royal Gala pour lui conférer une chair rouge riche en ces antioxydants si appréciés.
Les chercheurs n’ont été autorisés à cultiver la pomme que dans une serre à haute sécurité. On ne peut y entrer qu'après avoir rempli des formulaires et mis une blouse et des couvre-chaussures. Tout ce qui sort de l'aire de haute sécurité – vêtements de protection, terre, feuilles – doit être stérilisé et l'air sortant doit être filtré. Les insectes sont interdits. Par conséquent, les fleurs des pommiers doivent être pollinisées à la main.
Après des années de travail, les chercheurs sont maintenant en mesure de récolter les premières pommes. Ils ont été autorisés à les toucher et à les examiner ; mais sur le sol néo-zélandais, il n'ont pas le droit d'y planter leurs dents, ni dans la serre ni à l'extérieur. Une demande d'autorisation de dégustation des pommes a été rejetée après deux ans d’examen par les autorités compétentes.
Afin de pouvoir quand même goûter les pommes, ils ont dû les couper au laboratoire de sécurité, retirer tous les pépins, sceller les moitiés de pomme sous trois enveloppes, stériliser le récipient de l'extérieur, obtenir un certificat phytosanitaire et prendre l'avion avec la boîte scellée pour les États-Unis. Ce n'est qu'après avoir atterri à San Francisco que les moitiés de pomme ont pu être descellées et mangées.
Les dégustateurs ont certifié que le fruit avait un goût excellent, loué la couleur rouge, mais trouvé qu'il manquait de croquant. La raison pourrait en être que les pommes n'ont pu être transportées que sous forme de morceaux, mais cela pourrait aussi être dû aux processus physiologiques qui produisent davantage de pigments rouges dans la pomme. La première hypothèse ne sera vérifiée que lorsque des dégustateurs expérimentés pourront mordre dans une pomme fraîche, mais cela n'arrivera pas de sitôt.
Le problème fondamental d'Allen est qu'il souhaite conserver le génome de la pomme aussi intact que possible et ne réduire qu'un seul gène au silence, ce qui est déjà testé en médecine pour soigner des personnes atteintes de maladies héréditaires. Malheureusement, ce n'est pas souhaité dans l'amélioration des plantes. Ses pommes sont considérées comme des fruits de Frankenstein et des monstres du génie génétique par une opinion publique systématiquement désinformée par des ONG. Hélas ! Si Allan avait bombardé le génome de la pomme avec un canon à micro-grenaille, il pourrait inviter les citoyens néo-zélandais à une dégustation ! C'est que les fruits dans lesquels des dizaines de milliers de gènes auraient été détruits avec une sorte de marteau-pilon ne font pas peur aux adversaires du génie génétique néo-zélandais.
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* Ludger Weß écrit sur la science depuis les années 1980, principalement le génie génétique et la biotechnologie. Avant cela, il a fait des recherches en tant que biologiste moléculaire à l'Université de Brême. En 2006, il a été un des fondateurs d'akampion, qui conseille les entreprises innovantes dans leur communication. En 2017, il a publié ses polars scientifiques « Oligo » et « Vironymous » chez Piper Fahrenheit. Cet article a été écrit par Ludger Weß à titre privé.
Source : https://www.salonkolumnisten.com/pflanzenforschung-2019-apfelessen-verboten/