La fille du fermier : j’ai appelé par curiosité le numéro vert d'un cabinet d'avocats pour le glyphosate. Voici ce qui est arrivé
Amanda Zaluckyj, AGDAILY*
On a entendu parler de ce cas dans tout le monde de l'agriculture. Un jury a prononcé en faveur d'un jardinier d'école un verdict de plusieurs millions de dollars. Des avocats ont convaincu les jurés que le cancer en phase terminale de Dewayne Johnson était dû à une exposition au Roundup de Monsanto. Le glyphosate, la matière active de l'herbicide, a été classé comme cancérogène probable en 2015 par le Centre International de Recherche sur le Cancer. Donc, Monsanto risque de devoir sortir beaucoup d'argent.
Et il y a beaucoup d'autres plaignants potentiels prêts à tenter leur chance face à la société aujourd'hui disparue. Plus de 5.000 affaires sont en cours devant les tribunaux californiens. Tous demandent réparation auprès de Monsanto pour le cancer prétendument causé par l'exposition à des produits contenant du glyphosate.
Les avocats désireux d'obtenir leur propre verdict de 250 millions de dollars sollicitent maintenant d'autres plaignants potentiels. Des publicités à la télévision et à la radio dans les zones rurales exposent l’histoire de Johnson et demandent à d’autres personnes atteintes dans leur santé d'appeler un numéro vert. Les réseaux sociaux ne sont pas à l'abri de telles publicités. Le message est clair : appelez ces avocats et vous pourrez également bénéficier d'un gain énorme pour vos souffrances.
Alors j'ai appelé.
Au nom de la recherche, bien sûr. Je voulais avoir un aperçu de la façon dont ces cas sont gérés. Je suis sûre que beaucoup de personnes loufoques appellent les numéros verts. Je voulais donc savoir comment ils filtrent les appels, déterminent si les demandeurs potentiels ont des prétentions légitimes et comment ils traitent les dossiers. Et je voulais savoir s'il y a des limites à ce qu'ils accepteraient en tant que clients. Ou s'ils intentent des poursuites quel que soit le dossier.
Un gars très sympathique et enjoué a répondu à mon appel. J'ai expliqué que j'avais vu la publicité télévisée, que j'étais intéressée à en apprendre davantage et demandé s'il pouvait répondre à quelques questions. Il a accepté facilement. Ce n’était pas un avocat, mais simplement un membre du personnel d’accueil. Mais il connaissait le processus et a décrit ce qui devait se passer avant que je puisse parler à un avocat.
La société ne recherche que des personnes atteintes du même type de cancer que Johnson, à savoir le lymphome non hodgkinien. Les plaignants potentiels devaient être relativement en bonne santé quand on leur a diagnostiqué le cancer. Aucune affection préalable, signe de problème de santé ou de maladie grave. Toutes les personnes exposées au tabac ou à l'Agent Orange sont également disqualifiées. Et le diagnostic de cancer devait être intervenu après une exposition au Roundup.
En ce qui concerne cette exposition, la seule règle est que les clients potentiels doivent avoir utilisé le désherbant à un moment quelconque dans les années 2000 pour être retenus. Peu importe pourquoi la personne a utilisé du Roundup, ni combien de temps elle l’a utilisé. J'ai spécifiquement demandé si les agriculteurs sont susceptibles d'être retenus, sachant qu'ils ont probablement acheté l'herbicide chez un revendeur et l'ont utilisé à des niveaux plus élevés. Oui, m'a-t-il dit. En fait, la plupart des personnes appelant le numéro vert sont des agriculteurs.
Le responsable de l'admission a expliqué que si je voulais continuer, il devrait prendre certaines informations. Il aurait besoin d'informations de base telles que nom, âge, profession. Il aurait également besoin d'informations relatives au diagnostic du cancer et à l'utilisation de glyphosate. Et mon numéro de sécurité sociale. Pourquoi ? Parce que le cabinet demandera à consulter mes dossiers médicaux. S'ils sont satisfaits de ce qu'ils auront vu, mon cas sera renvoyé à un avocat, qui me contactera rapidement.
Et il ne sera pas nécessaire de verser un acompte. La société supportera tous les coûts associés à la récupération de mes dossiers médicaux. Je ne devrais quelque chose aux avocats que si j'obtenais une indemnité à l'issue du procès. Il a ajouté que les honoraires conditionnels normaux se situent entre 30 et 40 % (ce qui est ahurissant pour la juriste que je suis, compte tenu du montant de 250 millions de dollars alloué par le jury à Johnson).
Je l’ai poliment remercié pour son temps et indiqué que j’avais besoin d’y réfléchir.
La conversation s'est donc approchée de ce que j'avais imaginé. J'avais pensé que je parlerais à un spécialiste de l'admission, pas à un avocat. Mais j'ai été un peu surprise qu'il soit si disposé à répondre à mes questions et à me donner des informations sur l'instance judiciaire. Je pensais qu'il serait un peu plus exigeant pour l'information dès le départ.
Les honoraires conditionnels normaux se situent entre 30 et 40 % (ce qui est ahurissant pour la juriste que je suis, compte tenu du montant de 250 millions de dollars alloué par le jury à Johnson).
J’ai toutefois été frappée par les exigences médicales du cabinet pour un client potentiel. Ils veulent des cas simples et faciles. Le client n’était pas malade. Il a utilisé du Roundup. Il est devenu malade. Aucune affection préexistante, aucune aggravation d'autres atteintes, aucune autre source potentielle – une chronologie simple qui faciliterait l'affirmation d'un lien de causalité direct. Ça a du sens. En tant qu’avocate de la défense, je sais que ce sont des faiblesses dans le dossier d’un demandeur que nous essayons d’exploiter. Aussi, si un cabinet doit se faire très sélectif vis-à-vis de ses clients, il est préférable d’éliminer ces facteurs.
Et travailler sur de tels honoraires conditionnels rend ces conditions nécessaires. Le cabinet n'est payé que s'il récupère de l'argent pour le client, ce qui signifie qu'il risque de ne jamais être payé. Un cas comme celui-ci engendre d’énormes dépenses rien que pour le monter, y compris le recours à des experts à des tarifs astronomiques. Donc, chaque cas est un très gros risque. Ils ne peuvent pas se permettre de doutes sur leur capacité de convaincre un jury que le glyphosate a causé le cancer.
Donc voilà. Voilà ce qui se produit lorsque vous appelez des avocats qui font de la publicité auprès de plaignants potentiels alléguant qu'ils sont atteints d'un cancer causé par le glyphosate. Je n’aime pas les poursuites ni le précédent qu’une telle allégation crée, mais les avocats qui se livrent à cette activité savent vraiment ce qu’ils font.
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* Amanda Zaluckyj blogue sous le nom The Farmer's Daughter USA. Son objectif est de promouvoir les agriculteurs et de lutter contre la désinformation qui tourbillonne autour de l'industrie agroalimentaire américaine.
Source : https://www.agdaily.com/insights/farmers-daughter-glyphosate-lawsuit-hotline-curiousity/