Loi EGAlim et prix à la consommation : problème de compréhension ou de bonne foi ?
Prenons-le du Figaro qui nous propose un article passablement détaillé : « Loi alimentation: les prix en hypermarché ont augmenté de 4,2% en 15 jours ».
D'autres chiffres ont été jetés en pâture, par exemple par le Parisien avec « Hausse de prix dans l’alimentation : "Les Français les plus modestes vont payer" » (selon l'UFC-Que Choisir) et « Loi alimentation : des hausses de prix de 0,5 à 9,9% ! ».
Qu'en est-il vraiment ? La loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous inclut une disposition selon laquelle le seuil de revente à perte est relevé de 10 pour cent.
Le mécanisme envisagé est illustré ci-dessous par une partie d'une infographie du Ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation :
Donc, le distributeur prend 10 % de marge par rapport au prix d'achat augmenté du coût du transport, des taxes, etc. sur un produit d'appel (par exemple le Coca Cola ou le pastis – voir infographie du Parisien ci-dessous) précédemment vendu à prix coûtant (ou avec une marge inférieure à 10 %),. Cela lui permettra de prendre moins de marge sur les poires et mieux rémunérer le producteur agricole...
Il faut sans doute être un apparatchik du gouvernement ou un député pour imaginer que cette mesure permet de remonter les prix payés par la chaîne de distribution alimentaire aux producteurs agricoles.
Du reste, les retours d'information sur les négociations en cours sont plutôt contrastés (voir par exemple ici, ici et ici)...
Il ne sera pas facile de démêler, dans l'évolution des différents éléments de prix, ce qui relève de l'évolution des marchés et ce qui résulte de la loi EGAlim. Le Ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation semble être optimiste – béatement... « Les négociations commerciales en cours, grâce à la loi Alimentation, font que les prix sont en train d’être relevés pour les agriculteurs, notamment pour le lait »... les « ministères » trouvent que les résultats sont mitigés...
L'infographie du Ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation a un grand mérite... probablement acquis à l'insu de son plein gré : elle suggère une augmentation des prix pour le consommateur, le prix de la bouteille étant augmenté de 10 % et celui des poires restant inchangé.
Quelle est alors l'augmentation ? L'article du Figaro se fonde sur une étude du cabinet Nielsen qui a procédé à des relevés de prix avant et après l'entrée en vigueur de la nouvelle disposition. Cela donne lieu à une avalanche de chiffres et à un véritable labyrinthe.
Une chose est cependant sûre : le titre, « Loi alimentation: les prix en hypermarché ont augmenté de 4,2% en 15 jours », est faux ! La réponse est du reste donnée dès le chapô (c'est nous qui graissons) :
« En moyenne, les produits les plus consommés ont augmenté de 4,2% en hypermarchés et de 3,1% en supermarché, entre le 26 janvier et le 9 février, selon une étude du cabinet Nielsen. 72% des foyers sont concernés par cette hausse des prix, qui touche essentiellement les produits de grande consommation et principalement l'alcool. »
Il est du reste difficile de croire que l'alcool ferait partie des « produits les plus consommés »...
Le Cabinet Nielsen était pourtant clair (c'est nous qui graissons) :
« L’analyse du top 100 des références du PGC montrait le 2 février des hausses de +4.0% en hypermarchés et de +2.6% en supermarchés comparativement au 26 janvier. Une semaine plus tard, la hausse des prix se poursuit : l’augmentation atteint désormais +4.2% en hypermarchés et +3.1% en supermarchés.
Si l'on considère le top 1000, on s'aperçoit que la hausse moyenne ne peut pas être celle annoncée par de nombreux médias avec une formidable dose d'imprudence, d'inconscience et de manque de sérieux et de discernement.
Pour rappel, particulièrement à l'intention des journalistes incultes et des titreurs adeptes du putaclic, une moyenne ne peut pas être supérieure à la valeur la plus élevée...
Mais cette gesticulation à propos d'une hausse de 4,2 % – fondée sur une erreur manifestement grossière – soulève aussi une question sur la bonne foi de l'information.