Glyphosate : ça Walecks la peine de fact-checker le fact-checkeur AFP Factuel
D'accord, le jeu de mots n'est pas terrible... mais il annonce le sujet... et attirera peut-être des badauds.
M. Tristan Walecks rue dans les brancards pour défendre sa prestation (indéfendable) de l'Envoyé Spécial sur le glyphosate, ou lyncher ses critiques que sont Mme Emmanuelle Ducros et Mme Géraldine Woessner, ou les deux.
Il instrumentalise un fact-checking d'AFP Factuel que notre propre fact-checking trouve fort problématique, pour le moins.
Hep, les « décodeurs » et autres « fact-checkeurs » ! Décoder ou fact-checker sélectivement, c'est aussi contribuer à la désinformation !
Nous y sommes arrivé par le biais du compte Twitter de M. Tristan Walecks, l'un des auteurs de l'« enquête » sur le glyphosate qui a fait l'objet de l'Envoyé Spécial très spécial du 17 janvier 2019... signalé plus de 500 fois au CSA, Conseil Supérieur de l'Audiovisuel, pour, essentiellement, ses malfaçons et infractions à la déontologie journalistique.
Intéressant, ce compte... on peut se demander à quoi est due cette hargne mise à dézinguer Mme Emmanuelle Ducros et Mme Géraldine Woessner.
Réaction quelque peu infantile d'un égo surdimensionné blessé ? Escalade d'engagement ? Ou produit d'une campagne orchestrée pour museler, voire éliminer du paysage médiatique, les empêcheurs de désinformer en toute tranquillité et impunité (allo ! Le CSA !) ? Ou plutôt les empêcheuses, car ce (nouveau) mur de gazouillis ne vise pas, par exemple, M. Mac Lesggy (mais celui-ci n'a peut-être pas utilisé les mots qui suscitent l'ire et le courroux).
« Procès Monsanto : l'élément de langage de Bayer, repris massivement sur les réseaux sociaux (après avoir été lancé et répété avec insistance par une poignée de journalistes), est bien... FAUX, après fact-checking de l'@AfpFactuel #EnvoyeSpecial #glyphosate https://twitter.com/AfpFactuel/status/1093589688437350400 …
Très intéressant aussi le raisonnement : voici une expression, « défaut d'information », utilisée par nos redresseuses de désinformation à différents moments entre le 13 août 2018 et le 15 janvier 2019 érigée en « élément de langage de Bayer »...
On peut se dire perplexe devant cette saillie : la logique pure implique que l'expression était déjà un élément de langage de Bayer quand nos deux superwomen s'en sont servi... l'insinuation étant qu'elles sont des prête-plume ou des porte-voix. La psychologie – pour rester poli – peut inciter à penser que l'auteur a disjoncté...
La première thèse se déduit, sur le même fil, d'un gazouillis de Bunker D – vous savez, l'un de ces « centaines de comptes anonymes, récents et avec très peu d’abonnés, [qui] ont systématiquement répercuté sur Twitter les éléments de langage de certains lobbys, créant un effet de masse et un effet d’entraînement impressionnant » (ironie) :
« En réponse à @tristanwaleckx @AfpFactuel et 4 autres
Vous voulez dire que @GeWoessner et @emma_ducros reprenais en 2018 un “élément de langage” tenu par Bayer en 2019 ? Vous réalisez que c'est du grand n'importe quoi ? L'erreur a été commise et reprise, c'est pas pour autant que toutes ses occurrences remontent à Bayer. »
La deuxième... est aussi partagée :
« Alors autant il est bon de pointer les erreurs du doigts, autant il convient d'éviter de déduire tout et n'importe quoi selon un raisonnement proche du complotisme.
Et ces attaques acharnées contre deux journalistes pour vous avoir critiqué parfois à tort, c'est juste minable. »
Et :
« Allez, je me mouille un peu : oui, c'est minable. »
Et elle peut se déduire de cet autre gazouillis qui fait immédiatement suite à celui reproduit plus haut – une explosion de joie à la lecture du gazouillis de l'AFP Factuel :
Pour faire court, notre journaliste d'investigation nous démontre une nouvelle équation : « incomplet = faux ».
Nous pensons également qu'une demi-vérité est un vrai mensonge... et nous ne somme pas le seul. Dans le même fil :
Mais tout cela incite à visiter ce site de fact-checking qu'est AFP Factuel. Une petite recherche avec « envoyé spécial » pour mot clé révèle qu'il n'y a qu'un seul article – celui signalé par M. Tristan Walecks – sur le sujet.
Cet article, c'est en titre : « Glyphosate: Monsanto aussi condamné parce que son "Roundup" a "considérablement" contribué à la maladie d'un plaignant ».
Cela pose d'importantes – et inquiétantes – questions : le site aurait-il fait du picorage (cherry picking) ? Jeté un voile pudique sur tous les sujets issus d'Envoyé Spécial qui auraient mérité un fact-checking ? Contribué sciemment à la curée sur le glyphosate, Monsanto et Bayer ? Allumé un contre-feu en soutien de l'équipe d'Envoyé Spécial ? Participé au lynchage de Mme Emmanuelle Ducros et Mme Géraldine Woessner ?
L'auteur de la – prétendue – mise au point s'est donc limité à « Envoyé Spécial, ce que nous souhaitons vous dire » de Bayer France... et à un seul point de cette communication (disons-le tout net : pas terrible) : une affirmation faite dans une courte vidéo selon laquelle Monsanto a été condamné aux États-Unis d'Amérique pour « défaut d'information ».
M. Franck Garnier, PDG de Bayer y répond à la question suivante, auto-posée :
« Monsanto fait l'objet de nombreux procès aux Etats Unis, cela ne confirme-t-il pas que le glyphosate est dangereux pour la santé ? »
Le « fact-checkeur » prend donc ombrage de :
« Concernant le procès aux Etats-Unis, il a jugé Monsanto pour défaut d'information. »
Il reproduit certes l'ensemble de la réponse... mais ne s'attarde pas sur les autres éléments, sur le fait que le jury du tribunal californien a :
« pris en compte un seul avis d'une entité de l'OMS qui raisonne sur la dangerosité du produit. Il a négligé l'ensemble des avis des autorités de par le monde qui font l'évaluation et l'autorisation du glypho et qui a confirmé après avoir examiné plus de 800 études la non-dangerosité du glypho dans les conditions qui sont recommandées »
Vrai ? Faux ? Les Décodeurs du Monde, par exemple, se seraient vraisemblablement attachés à évaluer ces affirmations.
Ici, le seul objectif est de prendre Bayer en faute.
Et pour évacuer ces arguments dérangeants, on sert un gloubiboulga : le CIRC (hue !), l'EFSA et l'EChA européennes (dia !), « des » députés européens qui critiquent le BfR allemand (hue !), « plusieurs médias [qui] avaient rapporté qu'une partie importante du rapport de [l'EFSA] semblait être un copié/collé d'un document déposé en 2012 par Monsanto, au nom d'un consortium d'entreprises commercialisant du glyphosate en Europe » (hue !)...
C'est ni fait, ni à faire, et c'est aussi en partie la régurgitation de ragots.
Et c'est faux ! Ce n'est pas l'EChA, mais l'EFSA qui s'est fondé sur le travail préparatoire de l'Institut Fédéral Allemand pour l'Évaluation des Risques (BfR).
Notre ANSES nationale est aussi mentionnée :
« L'Agence de l'environnement française Anses a annoncé mi-janvier l'interdiction avec effet immédiat de l'utilisation du Roundup 360 à la suite d'un jugement annulant son autorisation de mise sur le marché. »
En février 2016, notre ANSES nationale, tout en faisant preuve de jésuitisme politique, avait aussi, en résumé, invalidé le classement en cancérogène probable du CIRC. Mais le fact-checkeur de l'AFP Factuel doit avoir la mémoire courte...
Ce n'est pas tout. Voici l'attaque principale :
« Mais le tribunal a aussi estimé que les désherbants grand public Roundup et professionnel RangerPro de Monsanto avaient "considérablement" contribué à la maladie de Dewayne Johnson, 46 ans, qui est en phase terminale, ce que n'a pas dit M. Garnier. »
C'est l'interprétation – reprise sans examen critique d'une dépêche... de l'AFP... – de la réponse à la question 4 qui a été posée au jury du tribunal californien :
« Was the Roundup Pro® or Ranger Pro® design a substantial factor in causing harm to Mr. Johnson? »
« Substantial » se traduit-il par « considérable » ou « considérablement » ? Absolument pas !
Nous vous l'avons démontré dans « Dewayne « Lee » Johnson (avocats charognards) c. Monsanto : la curée continue, mais que dit le verdict ? », y compris par recours au texte pertinent du droit californien :
« La notion de "substantial factor in causing harm" a un sens précis en droit californien :
"Un facteur substantiel en causant une atteinte est un facteur qu'une personne raisonnable considérerait comme ayant contribué à l'atteinte. Il doit être plus qu'un facteur lointain ou trivial. Il ne doit pas nécessairement être la seule cause de l'atteinte."
C'est traduit au plus près du texte original pour bien en refléter le sens, au mépris des impératifs et de l'élégance de la langue française.
« Substantial »... cela s'applique dès que l'on sort du « lointain » et du « trivial ».
Hep, les « décodeurs » et autres « fact-checkeurs » ! Décoder ou fact-checker sélectivement , c'est aussi contribuer à la désinformation !
En plus, en l'occurrence, c'est mal vérifié et bourré de désinformation qui ne cesse d'être ressassée dans les médias.
Entendons nous : écrire que « plusieurs médias avaient rapporté [...] », c'est une information (exacte). Mais une information sur quoi ? « [...] qu'une partie importante du rapport de [l'EFSA] semblait être un copié/collé [...] » ? C'est de l'infox.
Au total, on peut se demander si ce fact-checking n'a pas eu des motifs inavouables, comme maintenir la pression médiatique sur le glyphosate, Monsanto et Bayer – ainsi que les agences d'évaluation et le monde politique – et venir en soutien des désinformateurs d'Envoyé Spécial.
C'est d'autant plus grave que cela vient de l'AFP, qui devrait être un parangon de la déontologie journalistique.
Emmanuelle, Géraldine, Mac, gazouilleurs rationalistes, don't give up the fight !