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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Les scientifiques ougandais sceptiques quant au projet de loi révisée sur les OGM

13 Janvier 2019 , Rédigé par Seppi Publié dans #OGM, #Afrique, #Activisme, #Politique

Les scientifiques ougandais sceptiques quant au projet de loi révisée sur les OGM

 

John Agaba*

 

 

 

 

Ma note : C'est un euphémisme ! On peut craindre que les conditions mises à la diffusion de plantes GM – pourtant indispensables pour, notamment, remédier à des crises phytosanitaires pressantes – sont telles que personne ne prendra le risque de les mettre à la disposition des agriculteurs qui en ont un besoin urgent.

 

L'obscurantisme et les petits intérêts des dirigeants des « ONG » mercenaires locales financées par des entités du Nord – qui prétendent œuvrer pour le développement du Sud et ne font que le maintenir dans le sous-développement – ont encore gagné.

 

 

Le Parlement ougandais a approuvé hier [le 28 novembre 2018] un projet de loi visant à réglementer les organismes génétiquement modifiés qui rend les scientifiques sceptiques sur la question de savoir si la technologie atteindra jamais les petits agriculteurs qu’elle est censée aider.

 

« Mordu une fois, doublement prudent », a déclaré le Dr Andrew Kiggundu, biotechnologiste spécialiste des plantes, faisant référence aux événements de l’année dernière, lorsque le Parlement avait adopté le projet de loi, mais que le président Museveni avait refusé de la promulguer.

 

Le président l'avait renvoyé au Parlement pour « quelques questions » qu'il souhaitait voir clarifiées. Après plus d'un an de querelles politiques, les législateurs ont renommé le projet de loi en y insérant des « clauses restrictives » qui concernent les chercheurs tels que Kiggundu.

 

« Je n'ai aucun problème avec le titre » [Genetic Engineering Regulatory Billprojet de loi sur la réglementation du génie génétique], a-t-il déclaré. Mais l’agronome, qui a promu le développement de la biotechnologie en Ouganda et a participé à la mise en route des travaux de laboratoire pour créer une banane génétiquement modifiée, a déclaré que les clauses relatives à la responsabilité stricte des chercheurs, à l'étiquetage des OGM et aux distances d’isolement entre cultures « inhibent manifestement la biotechnologie ».

 

Kiggundu ne sait pas comment les millions de petits exploitants agricoles qui dominent le pays peuvent appliquer ces règles.

 

« Nous devons comprendre pourquoi nous développons la biotechnologie – afin que des millions d'agriculteurs puissent avoir accès à des variétés de plantes plus productives, tolérantes aux maladies et résistantes pour éviter la faim », a déclaré Kiggundu. « Beaucoup de nos agriculteurs possèdent de petits lopins de terre. Ainsi, lorsque vous leur demandez d’étiqueter leurs cultures et d’observer les distances d’isolement, vous leur dites indirectement : "Ces variétés améliorées ne sont pas pour vous." Comment peuvent-ils s’isoler sur ces petites parcelles ? »

 

L'agronome a déclaré qu'il était dommage que « des personnes influentes, les membres du Parlement », n'aient toujours pas compris l'objectif d'une loi sur la prévention des risques biotechnologiques. S'ils comprenaient, dit-il, ils ne proposeraient pas ces « clauses limitatives. La loi doit réglementer et guider l'utilisation des OGM, mais les gens pensent que c'est pour l'introduction des OGM. »

 

Le projet de loi remanié comprend également une clause de responsabilité stricte, qui rend les scientifiques responsables en cas de plainte liée à leurs recherches, que l'anomalie soit ou non directement causée par eux.

 

Kiggundu a déclaré que cette disposition était non seulement mal conçue, mais décourageait également la recherche.

 

« Vous dites qu'un constructeur automobile devrait être responsable. Et qu'en est-il si c’est la négligence de la personne à qui il a vendu la voiture qui a causé l’accident ? »

 

Le scientifique a déclaré que le projet de loi, tel que remanié, porte encore la marque du mouvement anti-OGM dans bon nombre de dispositions.

 

Arthur Makara, commissaire chargé de la sensibilisation au Ministère des Sciences, de la Technologie et de l'Innovation, a déclaré que la clause de responsabilité stricte devrait être réservée aux situations considérées comme « intrinsèquement dangereuses », ce qui n'est pas le cas de la biotechnologie.

 

« Chaque nouvelle variété doit passer par un processus approfondi avant de pouvoir être distribuée aux agriculteurs pour utilisation. Elle doit être évaluée par le comité national de biosécurité et déclarée sûre. Je ne connais pas la raison pour laquelle certaines personnes ne font pas confiance à la science », a déclaré Makara, qui était auparavant directeur exécutif de la Science Foundation for Livelihoods and Development (fondation pour la science pour les moyens de subsistance et le développement).

 

Makara a déclaré que la clause était inutile. Et dans tous les cas, le gouvernement serait responsable, car la majorité des scientifiques en biotechnologie sont affiliés à des organisations publiques.

 

« En fin de compte, le gouvernement se rend lui-même responsable. C’est-à-dire si un scientifique souhaite poursuivre ses recherches dans un tel environnement », a déclaré Makara.

 

Fred Kyakulaga, président du comité parlementaire de la science, de la technologie et de l'innovation, a déclaré que la clause de responsabilité stricte permettrait aux chercheurs de rester à la pointe de la technologie. Elle accordera également la priorité à la sécurité, a-t-il déclaré, parce que la clause les rend responsables si « intentionnellement ou non », ils provoquent une anomalie.

 

Lorsque Museveni a renvoyé le projet de loi sur la biosécurité au Parlement en décembre 2017, il avait évoqué des problèmes liés à son titre, aux droits des agriculteurs autochtones sur les brevets et aux sanctions imposées aux scientifiques qui mélangent des OGM à des plantes ou à des animaux indigènes. Le Président a également demandé la création d’une banque de gènes, une sorte d'« arche de Noé » destinée à conserver toutes les semences indigènes, affirmant que « les semences GM ne devraient jamais être mélangées au hasard avec nos semences indigènes au cas où elles auraient un problème ».

 

Elioda Tumwesigye, Ministre de la Science, de la Technologie et de l’Innovation, a déclaré que le comité parlementaire sur la science, la technologie et l’innovation avait procédé à de longues consultations pour répondre aux préoccupations de Museveni, ce qui avait abouti au titre « plus spécifique » du projet de loi et à des articles supplémentaires.

 

« Nous ne voulions pas compromettre la sécurité », a déclaré le ministre en expliquant la raison des clauses appelées inhibitrices par les scientifiques.

 

Il a également déclaré que le projet de loi révisé proposait la mise en place d'une autorité compétente, qui garantira la sécurité de toutes les variétés génétiquement modifiées développées dans le pays.

 

Le plan initial consistait à placer cette autorité compétente sous l'égide du Ministère de la Science, de la Technologie et de l'Innovation. Mais cela a été révisé dans le nouveau projet de loi, laissant à Museveni le pouvoir discrétionnaire de déterminer qui contrôlera l'autorité.

 

Kyakulaga a expliqué à la Chambre que le Ministère de l'Agriculture disposait déjà d'une banque de semences que le pays n'avait qu'à améliorer pour préserver les variétés indigènes.

 

En ce qui concerne les droits de brevet, il a dit que le pays dispose déjà de protocoles et de lois régissant le partage des ressources génétiques.

 

Grâce à ces modifications, le comité et le ministre espèrent que le président promulguera la loi cette fois-ci.

 

Le retard pris dans la mise en place d’un environnement politique a empêché la diffusion des plantes GM développées et testées par des scientifiques locaux et jugées pertinentes pour l’agriculture ougandaise. Celles-ci incluent une banane bio-fortifiée riche en vitamine A et une autre résistante au flétrissement bactérien. Ils ont également produit un manioc résistant aux maladies de la strie brune et de la mosaïque, une pomme de terre résistante au mildiou et un maïs pouvant tolérer la sécheresse et résister à des insectes nuisibles, comme la légionnaire d'automne.

 

Les manœuvres politiques ont été particulièrement défavorables aux millions d'agriculteurs qui recherchent des variétés de plantes améliorées présentant des caractéristiques telles que la résistance à des maladies et la tolérance à la sécheresse, mais ne peuvent y accéder tant que le pays ne disposera pas d'un cadre juridique pour réglementer le secteur.

 

Humphrey Mutaasa, directeur des partenariats à l’Uganda National Farmers' Association (UFFE – association nationale ougandaise des agriculteurs), a déclaré le mois dernier qu’il était regrettable que des personnes occupant des postes clés ne soient toujours pas intéressées par la science et par ce qu’elle peut accomplir.

 

« Ceux qui détiennent le pouvoir politique doivent mettre une sourdine à leur ego et écouter les scientifiques pour qu'ils puissent comprendre le projet de loi et ce qu'il cherche à réglementer », a-t-il déclaré.

 

Mais Tumwesigye a déclaré que le vote du Parlement était un pas dans la bonne direction.

 

______________

 

* Source : https://allianceforscience.cornell.edu/blog/2018/11/ugandan-scientists-skeptical-revised-gmo-bill/

 

 

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