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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Gros clap de fin scientifique et petit clap de fin médiatique (pour l'instant) pour l'« affaire Séralini »

12 Décembre 2018 , Rédigé par Seppi Publié dans #Article scientifique, #Gilles-Éric Séralini, #OGM, #critique de l'information

Gros clap de fin scientifique et petit clap de fin médiatique (pour l'instant) pour l'« affaire Séralini »

 

 

(Source) La photo – qui a fait le tour du monde – est assortie d'une légende :

« RAT DE GAUCHE : régime constitué de maïs OGM non traité au Roundup. Après 497 jours apparaît un adénocarcinome mammaire. RAT DU MILIEU : même menu, accompagné d'un traitement au Roundup. Fibroadénome et adénocarcinome au 546e jour. RAT DE DROITE : pas d'OGM, mais une eau contaminée au Roundup à 0,5%. Fibroadénomes aux 525e et 577e jours, plus adénome hépatique. ( (Gilles-Éric Séralini)) »

Mais où est le rat témoin ?

 

 

On ne peut que se réjouir et se lamenter – à la fois – à la lecture de « OGM-poisons ? La vraie fin de l’affaire Séralini », de M. Sylvestre Huet sur le blog {Sciences2}.

 

 

Se réjouir...

 

Se réjouir parce que c'est un excellent article d'un journaliste scientifique reconnu (on peut toutefois ne pas partager tous ses points de vues).

 

Il a tiré profit de la publication, le 10 décembre 2018, de « The GMO90+ project: absence of evidence for biologically meaningful effects of genetically modified maize based-diets on Wistar rats after 6-months feeding comparative trial » (le projet GMO90+ : absence de preuves d'effets biologiquement significatifs des régimes alimentaires à base de maïs génétiquement modifiés sur des rats Wistar après un essai comparatif d'alimentation d'une durée de 6 mois) de Xavier Coumoul et al.

 

Et il tire un trait – qui ne sera ni suffisant, ni final, car le rationaliste est quasi désarmé face à l'aveuglement et l'obstination de l'activiste – sur l'« affaire Séralini ». L'entrée en matière :

 

« Vous souvenez-vous ? Ces images spectaculaires de rats atteints de cancers envahissants, si gros qu’en en voit les boules sous le poil. Exhibés à la télévision. Diffusés en film, livre, articles retentissants. Et de cette formidable campagne de presse lancé par le titre choc de l’Obs : "Oui, les OGM sont des poisons".

 

Oui, vous vous souvenez. Mais savez-vous que le 10 décembre, la revue Toxicology Sciences a publié l’un des articles de recherche montrant qu’il s’agissait d’une infox ? Certainement pas.

 

 

...et se lamenter

 

Se lamenter pour la raison évoquée dans le paragraphe précédent, augmentée de la constatation que l'analyse de M. Sylvestre Huet paraît dans un blog, certes hébergé par le Monde, mais pas dans le journal qui fut de référence.

 

Nos « amis » du Monde Planète, si prompts à publier dès la sortie d'un article scientifique (et même avant...) ont dû avoir une panne généralisée d'ordinateur... ou étaient bien trop occupés à faire la promotion des régimes alimentaires sans viande pour le plus grand profit allégué de la planète et de sa survie, paraît-il menacée.

 

 

« Rêvons un peu »

 

M. Sylvestre Huet pointe ce problème avec humour et tristesse :

 

« Rêvons un peu

 

Avant d’en venir à ces expériences et de leurs résultats, rêvons un peu. Rêvons que les journaux, radios, télévisions, journalistes et ONG ou responsables politiques qui ont en chœur assuré à leurs publics, lecteurs, électeurs et militants que Gilles-Eric Séralini avait "prouvé" que "les OGM" sont des "poisons" mortels, vont consacrer autant d’efforts, de temps de paroles, de longueur d’articles et de propos publics à annoncer cette nouvelle désormais bien établie.

 

Ce rêve n’a aucune chance de se réaliser. Ces actions ne sont susceptibles de rapporter aucune voix lors d’une élection, aucun soutien d’une opinion publique à des candidats aux postes électifs plus motivés par leurs conquêtes que par la qualité du débat public. Côté presse non plus : ce type d’information normale, a-t-on appris dans les écoles de journalisme, "ne fait pas vendre". L’homme qui mord un chien, c’est une info, mais si c’est un chien qui mord un homme, c’est une info seulement s’il en meurt. Une plante transgénique qui tue, c’est une information; elle se contente de nourrir, ce n’en est pas une. Et les près de 98 % des journalistes qui ont écrit sur cette affaire sans lire l’article originel de G-E Séralini ne vont pas plus lire les résultats de ces expériences ni se voir incité à les présenter par des rédactions en chef qui n’y verront pas le motif d’un titre bien saignant.

 

Donc, cessons de rêver. Et informons.

 

Quatre expériences ont été conduites. Trois européennes et une française. [...] »

 

Sachons toutefois gré au Monde d'avoir référencé l'article de M. Sylvestre Huet sur la page d'accueil de la rubrique Planète.

 

 

Il a retweeté.

 

 

La dissymétrie des faits scientifiques et des argumentations : une preuve de nocivité suffit, l'absence de preuve de nocivité n'est souvent pas une preuve de l'absence d'innocuité

 

M. Sylvestre Huet informe donc, et bien. Encore une fois, on peut ne pas partager tous ses points de vue et critiquer telle ou telle assertion (par exemple sur les résistances au glyphosate, ou à tout autre herbicide du reste).

 

Prenons un exemple anodin pour illustrer les difficultés à faire prévaloir la raison sur l'émotion :

 

« Dire que ces expériences prouvent que "Les OGM ne sont pas des poisons" serait une ânerie de même calibre que l’affirmation inverse du Nouvel Observateur en septembre 2012. Elles montrent seulement que les plantes transgéniques testées, et uniquement celles-là, ne sont pas des poisons. »

 

Non, ces expériences n'ont montré que le fait que leurs auteurs n'ont pas trouvé de preuves d'effet nocif. « Absence de preuve ne vaut pas preuve de l'absence. » L'activisme, y compris la science parallèle, a donc tout le loisir de prétendre que ces trois études ne sont pas suffisantes, ne démontrent rien et n'infirment pas ses résultats passés, ni à venir.

 

C'est du reste, un des fondements de la « réponse » du CRIIGEN à des articles précédents du Figaro, dans « Etude "Séralini 2012" : Comparer ce qui est comparable ! 4 juin 2018 ». Le CRIIGEN a osé écrire : «  Ces résultats [de l'étude Séralini] demeurent dans le corpus scientifique, et n’ont jamais été remis en cause ni infirmés. »

 

 

Le Figaro (et quelques autres) il y a cinq mois...

 

Car il y eut une tentative du Figaro, il y a quelque cinq mois, d'attirer l'attention du public sur ces trois études qui, si elles n'invalident pas directement l'étude Séralini (invalidée par ailleurs quoi qu'en disent les activistes), jettent de gros pavés dans la mare des marchands d'apocalypse. Le Figaro osa même un titre incendiaire : « Lien entre OGM et cancer : l'étude était fausse ».

 

La réponse médiatique a été plutôt modeste (voir sur ce site notamment « OGM, Gilles-Éric Séralini, trois études d'envergure et les médias : les "mute news").

 

L'Obs s'est distingué en tendant le micro à M. Gilles-Éric Séralini pour un pitoyable « Séralini : "On détourne des fonds publics pour discréditer mes travaux sur les OGM !" » que nous avons longuement démonté (la loi de Brandolini...) dans « OGM, Gilles-Éric Séralini, trois études d'envergure et l'Obs : le nouveau scandale », ainsi que dans la section « commentaires » de l'Obs.

 

La réaction de M. Gilles-Éric Séralini avait ceci d'extraordinaire que, quand il a été acculé à admettre que, tout bien considéré, son expérience n'était peut-être pas au top du top, il a chaudement applaudi à l'idée de refaire les essais. Il avait même participé à des travaux préparatoires pour se retirer vite fait au motif que l'objectif était de « discréditer ses travaux ».

 

 

Et maintenant ? Allô, les médias...

 

Les voilà donc infirmés, au moins en pratique, par des résultats maintenant disponibles sous la forme d'une publication scientifique. Et voilà l'« affaire Séralini » revenue sur le tapis médiatique, fût-ce par l'intermédiaire d'un blog, mais d'un blog dont l'auteur jouit d'une excellente réputation :

 

« Cela [conduire des expériences "vie entière"] a t-il été fait ? Oui. Au prix d’environ 15 millions d’euros dépensés par la Commission Européenne et la France et de milliers de rats de laboratoire. Par trois expériences différentes et indépendantes. Beaucoup mieux préparées et conduites que celle de Gilles-Eric Séralini. Et pour quel résultat ? Allons droit au but, comme à l’Olympique de Marseille : RAS. Rien à signaler côté santé des rats qu’ils soient nourris 90 jours, un an ou deux ans, avec des maïs transgéniques (tant pour le maïs tolérant au glyphosate que pour celui produisant son propre insecticide). Il y a certes quelques signaux dans l’expérience française, mais plus liés à des différences entre variétés de grains utilisés, pas vraiment entre maïs transgéniques et non transgéniques. »

 

Que feront les médias de ce nouveau signal ? À l'heure où nous écrivons, c'est le grand silence... Non, ce n'est pas du calibre de « [l]homme qui mord un chien »... Et l'homme qui est ainsi mordu, sur le plan de la crédibilité scientifique, est loin d'être mort sur le plan de l'activisme.

 

Et pendant ce temps, l'activisme continue

 

Nous avons trouvé d'Ouest France, « Calvados. Pour trouver du glyphosate, ils veulent étudier nos cheveux », la nouvelle action d'instrumentalisation de la justice par un groupe activiste dont le journal relaie complaisamment le plan d'action (en gras dans l'original) :

 

« Ce samedi, le collectif organise une réunion publique et présentera son plan d’action pour le premier trimestre 2019. "En plus des tests, une conférence en présence du biologiste Gilles-Eric Séralini, impliqué dans le projet, et de l’agronome Marc Dufumier, est prévue le 26 janvier. L’objet de notre collectif et de la future association, c’est aussi de sensibiliser la société civile, les agriculteurs et les élus à ces questions." »

 

« OGM-poisons ? La vraie fin de l’affaire Séralini », a écrit M. Sylvestre Huet ? Non, c'est sans fin. Et c'est grave pour la France et son avenir.

 

 

Le résumé de l'étude GMO90+

 

Nous découpons en paragraphes :

 

« Le projet GMO90 + a été conçu pour identifier des biomarqueurs d’exposition ou d’effets sur la santé chez des rats Wistar Han RCC exposés par leur régime alimentaire à deux plantes génétiquement modifiées (PGM) et pour évaluer des informations supplémentaires au moyen de techniques métabolomiques et transcriptomiques.

 

Les rats ont été nourris pendant six mois avec 8 aliments à base de maïs contenant 33 % de grains de MON810 (11 % et 33 %) ou de NK603 (11 % et 33 % avec ou sans traitement au glyphosate) ou de leurs témoins quasi isogéniques correspondants. Des analyses chimiques et ciblées approfondies entreprises pour évaluer chaque régime ont montré qu'ils pouvaient être utilisés pour l'essai d'alimentation.

 

Les rats ont été autopsiés au bout de trois et six mois. Sur la base de la ligne directrice 408 de l'OCDE, les paramètres testés ont montré un nombre limité de différences significatives dans les comparaisons par paires, très peu concernant les PGM par rapport aux non-PGM. Dans de tels cas, aucune pertinence biologique n'a pu être établie en raison de l'absence de différence pour les variables liées biologiquement, les effets dose-réponse ou les troubles cliniques.

 

Aucune altération de la fonction de reproduction ou de la physiologie rénale n'a été trouvée. Des analyses métabolomiques des fluides (sang, urine) ont été effectuées après 3, 4,5 et 6 mois.

 

Des analyses transcriptomiques sur les organes (foie, reins) ont été effectuées après 3 et 6 mois. Là encore, parmi les différences significatives dans les comparaisons par paires, aucun effet PGM n'a été observé, au contraire de la variété de maïs et du site de culture. En effet, sur la base des données transcriptomiques et métabolomiques, nous avons pu différencier les régimes à base de MON et les régimes à base de NK.

 

En conclusion, en utilisant ce plan expérimental, aucun biomarqueur d'effet néfaste sur la santé ne peut être attribué à la consommation de régimes PGM par rapport à la consommation de témoins quasi isogéniques non-PGM. »

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A
Bel article de Sylvestre Huet. <br /> <br /> À noter que les auteurs de GMO90+ font la même erreur que Séralini en se basant sur les noms commerciaux des hybrides de maïs pour identifier leurs "near isogenic lines". Vous savez très bien que c'est impossible de connaître le pédigré des variétés en Amérique du nord sans l'accord du semencier. Le nom commercial d'un hybride ne sert qu'a indiquer sa maturité relative et non son background génétique. Deux hybrides peuvent ainsi avoir un nom commercial quasiment identique mais provenir de croisements complètements différents. A vue d'oeil les hybrides Pioneers utilisées semblent effectivement très proches et la marque à l'habitude de proposer des hybrides conventionnels et OGM issus de la même base génétique. J'espère que les auteurs ont pris le temps de vérifier avec les semenciers que les variétés OGM/Non OGM provenait bien des mêmes parents (avec ou sans le trait OGM). <br /> <br /> La fin de l'article de Huet sur les fongicide est difficile a avaler quand on sait que la famille des SDHI comporte 10 sous groupes différents de matières actives et qu'ils sont assez peu utilisés en grandes cultures. Si il le sont c'est une fois par an en plein milieu de l'été...
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S
Bonjour,<br /> <br /> Merci pour votre commentaire.<br /> <br /> Comme je n'ai pas accès à la publi dans son intégralité, je ne peux pas répondre à la première question. Je suppose toutefois que, l'étude ayant été pilotée par des gens de l'INRA, les auteurs ont été attentifs à ce problème.<br /> <br /> Oui, la fin de l'article de Sylvestre Huet est difficile à avaler. On est en présence d'une gesticulation militante sur les fongicides SHDI fondée sur des théories qui sont à ce stade extrêmement audacieuses. L'éternel problème d'un danger envisagé soit par le raisonnement, soit par quelque bidouillage en boîte de Pétri qui sert de prétexte à l'application du "principe de précaution" alors qu'on est très loin de la réalité in vivo.