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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

L’inspecteur nouveau des restaurants sera doté d’intelligence artificielle ou comment pallier le manque d’inspecteurs chargés des contrôles des restaurants ?

23 Novembre 2018 , Rédigé par Seppi Publié dans #Albert Amgar, #Alimentation, #Santé publique

L’inspecteur nouveau des restaurants sera doté d’intelligence artificielle ou comment pallier le manque d’inspecteurs chargés des contrôles des restaurants ?

 

Albert Amgar*

 

 

En raison du manque de moyens humains de nos autorités pour contrôler les restaurants, on pense en haut lieu puiser dans des avis et commentaires présents sur Internet pour détecter des éventuels risques sanitaires…

 

Une information du portail de la modernisation de l’action publique du 21 novembre nous apprend qu’il y a eu un Appel à manifestation d’intérêt « intelligence artificielle », confirmé par un communiqué du ministère de l’agriculture le 22 novembre ; parmi les lauréats figure l’action proposée par la Direction générale de l'alimentation :

 

Cibler les contrôles de restaurants à partir des commentaires d'utilisateurs »

 

On nous dit aussi que les lauréats bénéficieront d’un accompagnement complet, avec :

 

un accompagnement technique pour développer un proof of concept (POC) sur la problématique identifiée et monter en compétence sur les technologies d'intelligence artificielle ;

 

un accompagnement stratégique pour appréhender la transformation du métier associée au développement de ce POC : impacts induits sur le métier des agents, les processus, conduite du changement, etc.

 

Voici en quoi va consister l’action sur les contrôles de restaurants :

 

LE PITCH

 

Optimiser le ciblage des contrôles en matière de contrôle dans le domaine de la sécurité sanitaire des aliments en orientant la programmation des contrôles des inspecteurs sanitaires à partir des commentaires et des avis présents sur les plateformes web (Trip Advisor, Google …).

 

L'OBJECTIF

 

Augmenter l’efficacité des contrôles en identifiant les établissements présentant des risques sanitaires.

 

LES DÉFIS

 

Accompagner les inspecteurs dans l’utilisation de cet outil ;

 

Utiliser les sites d’avis en ligne pour identifier les établissements les plus à risque.

 

En gros, comment cela va-t-il fonctionner ?

 

En analysant vos données personnelles, Google sait voir dans quels restaurants vous avez mangé, comment cela s’est passé et si ça s'est mal fini. Rien qu'en analysant vos recherches sur Internet, il sait dire si votre repas vous a rendu malade. Et il peut dès lors envoyer les services de contrôle d'hygiène dans l'établissement où vous êtes rendu.

 

Vous n’utilisez pas internet (ce n’est pas bien du tout !), et de plus vous avez été malade après avoir mangé dans un restaurant (fort heureusement sans gravité pour vous ou parfois un peu plus pour d’autres) sans informer Internet, là vous êtes carrément un « mauvais » sujet, car comment nos autorités chargées de l’inspection du restaurant vont-elles le savoir ?

 

Big Brother n’est pas loin…

 

Sur ce sujet, on lira entre autres articles :

 

 

Un article original paru dans la revue Nature du 6 novembre 2018, Machine-learned epidemiology: real-time detection of foodborne illness at scale, nous en dit un peu plus sur cette « merveille » d’outil :

 

Résumé.

 

L'apprentissage automatique est devenu un outil de plus en plus puissant pour la résolution de problèmes complexes et son application en santé publique a été sous-utilisée. L’objectif de cette étude est de tester l’efficacité d’un modèle de détection des maladies infectieuses d’origine alimentaire acquis par une machine dans un contexte réel. À cette fin, nous avons créé FINDER, un modèle appris par une machine afin de détecter en temps réel des cas de maladie d’origine alimentaire à l’aide de données de localisation et de recherche sur Internet en utilisant les données de recherche anonymes sur Internet, des données agrégées et des données de localisation. Nous avons utilisé ces informations pour cibler les inspections de restaurants dans deux villes (Las Vegas et Chicago) et avons démontré que FINDER améliorait la précision des inspections sanitaires; les restaurants identifiés par FINDER sont 3,1 fois plus susceptibles d’être considérés comme non sûrs que les restaurants identifiés par les méthodes existantes d’inspection. En outre, FINDER nous permet de vérifier des informations épidémiologiques auparavant inextricables, par exemple, dans 38 % des cas, le restaurant causant une intoxication alimentaire n'était pas le dernier visité, ce qui peut expliquer la moindre précision des plaintes auprès des autorités. Nous avons constaté que FINDER est capable d'identifier de manière fiable les restaurants qui ont une défaillance active en matière de sécurité des aliments, ce qui permet de mettre en œuvre des actions correctives pour prévenir la propagation potentielle de maladies d'origine alimentaire.

 

Il est vrai que l’on peut « cibler les contrôles de restaurants à partir des commentaires d'utilisateurs », mais le plus important n’est-il pas de faire baisser les maladies infectieuses d’origine alimentaire en utilisant efficacement les contrôles sanitaires des restaurants et obtenir des résultats comme dans la ville de New York où l’affichage du résultat de l’inspection des restaurants noté avec une lettre sur la vitrine du restaurant a été associé à une diminution des infections à Salmonella

 

Précisons qu’en France l’appréciation fournie par Alim’confiance, afin de consulter les résultats des contrôles officiels réalisés en matière de sécurité sanitaire des aliments depuis le 1er mars 2017, n’est pas obligatoire sur la porte ou la vitrine du restaurant.

 

Pour mémoire, rappelons que selon les cas, l’ineffable ministre de l’économie annonce qu’il « veut externaliser une partie des missions de la DGCCRF » car « la DGCCRF, qui va perdre 45 équivalents temps plein en 2018, n'a plus les moyens d'effectuer certaines de ses missions, comme les "contrôles d'hygiène dans les restaurants" ainsi que les contrôles sur les "aires de jeux pour enfants". »

 

Ou bien encore,

 

« Je ne pense pas que ce soit le rôle de la DGCCRF [...] d’aller contrôler chaque restaurant, chaque bar en France », a déclaré le ministre de l’Economie. « Les restaurants sont contrôlés en moyenne une fois tous les vingt ans », a-t-il ajouté. 

 

Quant au dispositif Alim’confiance tant vanté par le ministère de l’agriculture, et lui seul, rappelons ce qu’en disait en août 2018 Laurent Jan, président de la branche restauration de l’Union des métiers de l’industrie de l'hôtellerie (Umih).

 

Une idée qui pourrait être utile, si elle ne concernait pas seulement 4% des restaurants de France. En effet, à peine 13 500 établissements de restauration sont inscrits [il faut sans doute lire : « inspectés »] sur les 177 000 que compte la France (selon un décompte gouvernemental de 2016). Un chiffre qui aura du mal à grimper. D’une part car le ministère affirme prioriser les abattoirs. Et d’autre part, car certains chargés de contrôle « désapprouvent le système et décident délibérément de ne pas alimenter la base de donnée ».

 

Précision au moment d’écrire cet article : il y avait sur Alim’confiance très exactement les « résultats » de 13 934 restaurants… À suivre…

 

_____________

 

* Albert Amgar a été pendant 21 ans le dirigeant d'une entreprise de services aux entreprises alimentaires ; il n'exerce plus aujourd'hui, car retraité. Au travers de son blog il nous a livré des informations dans le domaine de l’hygiène et de la sécurité des aliments. Désormais, je l'accueille avec plaisir.

 

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