À propos de la sécurité sanitaire des fleurs comestibles... ou des fleurs du mal
Albert Amgar*
« Absence frappante de données sur la sécurité sanitaire des fleurs comestibles », source article de Joe Whitworth du 21 novembre 2018 paru dans Food Safety News.
Selon une étude réalisée au Danemark, « Flowers in food are popular, but safety data is limited », il existe un manque « frappant » de données de sécurité sanitaire sur les fleurs sauvages utilisées dans les restaurants.
Sur 23 fleurs examinées, neuf contenaient des composés ayant des effets toxiques ou potentiellement toxiques si elles étaient consommées, deux avaient un ou plusieurs composés toxiques non identifiés et quatre étaient des fleurs de plantes avec des composés potentiellement toxiques présents dans d'autres parties de la plante ou d’espèces apparentées.
Bourrache
Dans le cadre d'une campagne de contrôle, la Danish Veterinary and Food Administration (DVFA) a visité 150 restaurants et producteurs locaux de mai à octobre 2016 et a étudié l'utilisation de plantes cueillies dans la nature, cultivées dans des jardins privés ou chez des maraîchers.
Le National Food Institute, Technical University du Danemark (DTU Food), a dit que ces dernières années, les restaurants, les plus petits producteurs de denrées alimentaires et les consommateurs manifestaient un intérêt croissant pour des fleurs sauvages ou cultivées en cuisine. Cependant, il n’y a pas d’historique quant à l’utilisation de ces plantes dans les denrées alimentaires au Danemark ou dans le monde.
L’institut a aidé la DVFA à évaluer les risques de 50 plantes. Les chercheurs ont examiné la littérature pour trouver des informations sur les composés potentiellement toxiques présents dans 23 fleurs, les descriptions d'intoxication ou d'autres effets toxiques chez l’homme et l’animal après consommation, ainsi que des preuves de leur utilisation traditionnelle en tant qu'aliments en Europe. Les résultats ont été publiés dans la revue Food and Chemical Toxicology, « Are wild and cultivated flowers served in restaurants or sold by local producers in Denmark safe for the consumer? »
La plupart des toxines présentes dans les fleurs ne causent pas de maladies graves, mais peuvent avoir des effets néfastes à long terme. Certaines des substances identifiées sont connues pour être cancérigènes ou causer des maladies cardiovasculaires, tandis que d'autres peuvent endommager les systèmes nerveux ou reproductif.
L'Achillée millefeuille ou la millefeuille contient une neurotoxine, la thuyone, que l'on trouve également dans l'absinthe, une boisson alcoolisée. La bourrache et la vipérine commune contiennent des alcaloïdes de pyrrolizidine, qui peuvent provoquer des lésions du foie après une exposition prolongée et qui sont suspectés d’être cancérogènes. Il a également été prouvé que des doses élevées de fleurs de millefeuille ont un impact sur le tissu testiculaire chez la souris et le rat – un effet qui doit être provoqué par des substances autres que la thuyone, selon DTU Food.
Les chercheurs n'ont pas été en mesure de fixer une limite pour une consommation sans danger des fleurs en raison du nombre limité de données sur les substances toxiques présentes dans les 13 plantes. Bien qu'il n'y ait aucune preuve que les dix fleurs restantes contiennent des toxines, seules quelques études chimiques ont été effectuées.
Selon la législation européenne sur les nouveaux aliments (novel food), toutes les plantes non utilisées traditionnellement en tant qu'aliment doivent être approuvées pour la consommation avant de pouvoir être commercialisées. Pour la plupart des fleurs, les chercheurs n’ont trouvé aucune preuve de leur utilisation traditionnelle en cuisine au Danemark ou dans d’autres États membres de l’UE avant l’entrée en vigueur du règlement en 1997.
Les glycoalcaloïdes dans les pommes de terre, les glycosides cyanogènes dans le manioc ou les lectines dans les haricots rouges ont été associés à une toxicité aiguë pour l'homme lorsqu'ils ont été ingérés par le biais d'aliments mal transformés ou mal préparés.
Un cas à Hong Kong concernait un homme qui avait développé un engourdissement de la langue et un mal de gorge après avoir consommé une plante sauvage à la maison. Le Centre de protection de la santé a enquêté sur l’intoxication alimentaire présumée et a rappelé au public de se méfier des légumes contenant des raphides, des cristaux d’oxalate de calcium.
RIKILT, unité de l'université de Wageningen, a développé une base de données dans laquelle on trouve quels genres de plantes contenant des toxines et vice versa. Elle contient plus de 700 espèces de plantes et toxines associées.
Le Comité conjoint FAO/OMS d'experts sur les additifs alimentaires (JECFA ou joint FAO/WHO Expert Committee on Food Additives) est chargé d'évaluer les risques que présentent pour la santé les toxines naturelles contenues dans les aliments.
Le réseau d'échange des risques émergents (EREN ou Emerging Risk Exchange Network), créé en 2010, associe l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et les États membres. Au total, 17 problèmes émergents potentiels ont été discutés en 2016 et les nouvelles tendances de consommation ont été le principal facteur, selon le rapport annuel du réseau. Voir ce lien.
Les problèmes rencontrés concernaient l'utilisation accrue de varech, d’algues, d'alcaloïdes de pyrrolizidine dans différents thés sur le marché croate et l'utilisation d'Aloe vera dans les aliments.
On lira avec intérêt cet article de Magali Labadie paru dans Vigil’Anses n°5, le bulletin des vigilances de l’Anses, de juin 2018, Datura ou les « fleurs du mal ».
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* Albert Amgar a été pendant 21 ans le dirigeant d'une entreprise de services aux entreprises alimentaires ; il n'exerce plus aujourd'hui, car retraité. Au travers de son blog il nous a livré des informations dans le domaine de l’hygiène et de la sécurité des aliments. Désormais, je l'accueille avec plaisir.