Non, les aliments biologiques ne réduisent pas le risque de cancer, c'est biologiquement impossible
Alex Berezow*
Crédit: Lorenz Deconinck/Wikipedia
Certaines études sont si incroyablement stupides que l’on se demande comment elles ont réussi à être publiées dans des revues scientifiques, et encore plus dans des revues prestigieuses. Et pourtant, c'est arrivé, encore une fois1.
Une nouvelle étude publiée dans JAMA Internal Medicine affirme que la consommation de produits biologiques réduira le risque de développer un cancer. C'est vrai. La magie prévient le cancer.
Passons en revue ce que nous savons déjà sur les produits biologiques. Ils ne sont pas plus nutritifs que les produits cultivés de manière conventionnelle. Il n'y a pas de différence de goût. Ils ne sont pas meilleurs pour l'environnement. Parce que les gens ne peuvent pas faire la différence, les agriculteurs résolus à frauder peuvent faire passer des produits conventionnels pour des produits biologiques.
Les seules différences de fond sont l'étiquette de prix et le fait que l'agriculture biologique interdit arbitrairement certains types de pesticides tout en en autorisant d'autres. Cela signifie que le seul mécanisme biologique plausible par lequel les aliments conventionnels pourraient causer plus de cancers que les aliments biologiques est que les premiers utilisent des pesticides plus cancérigènes que les seconds. Est-ce vrai ?
Non. Voici une liste des pesticides les plus courants (PDF, page 22). De loin, le pesticide le plus utilisé aux États-Unis est le glyphosate. Il ne provoque pas de cancer. L'atrazine est le deuxième pesticide le plus utilisé. Il ne provoque pas de cancer. Le 2,4-D est un autre pesticide commun. Il ne provoque pas de cancer. Et même s'ils le faisaient, ces pesticides sont utilisés à des niveaux si bas qu'ils ne présentent aucun risque pour les consommateurs. Le seul risque – réel ou théorique – concerne les personnes potentiellement exposées à de fortes doses, telles que les agriculteurs ou les applicateurs.
De même, les pesticides bio sont sans danger lorsqu'ils sont utilisés à des concentrations approuvées. Mais si nous voulons vraiment jouer à ce jeu, nous pouvons le faire. Voici une liste de substances approuvées ou interdites pour l'agriculture biologique [ma note : aux États-Unis]. L'éthanol est autorisé. C'est assurément un cancérigène. Le sulfate de cuivre est un pesticide bio populaire qui peut causer des nausées et des vomissements. L'eau de Javel ? Le bio le permet aussi.
Le fait est qu'éviter les produits issus de l'agriculture conventionnelle ne signifie pas que vous éviterez les produits chimiques effrayants. Les produits chimiques effrayants sont partout, c'est donc la dose qui compte. (Au fait, 99,99% des pesticides que nous mangeons sont fabriqués par les plantes elles-mêmes.)
Les raisons ci-dessus expliquent pourquoi la récente étude de JAMA Internal Medicine est un non-sens total. En termes simples, il est biologiquement impossible pour un produit biologique de réduire le risque de cancer. Il n'y a pas de mécanisme perceptible pour que cela puisse être le cas.
En outre, la conception de l'étude était pure foutaise. Les participants à l'étude étaient à 78 % des femmes, les données sont donc faussées selon le sexe. Les données ont également été recueillies à l'aide de questionnaires, ce qui est un moyen extrêmement peu fiable de faire de la recherche. La capacité des auteurs à contrôler correctement tous les facteurs de confusion n’était pas convaincante. Et les auteurs n'ont même pas tenté de collecter des données sur l'exposition aux pesticides. (Alors, qu'ont-ils mesuré exactement ?)
Cependant, supposons, pour les besoins de l’argumentation, qu’ils ont tout fait à la perfection. Qu'ont-ils trouvé ? Ils ont constaté que les personnes consommant des produits biologiques présentaient une réduction du risque absolu de 0,6 %.
Pour mettre cela en perspective, l’incidence du cancer aux États-Unis est de 439,2 pour 100.000 hommes et femmes. Si tout le monde se tournait vers les produits biologiques, le taux de cancer chuterait à... 436,7 pour 100.000. En d'autres termes, l'invraisemblance biologique de la recherche des auteurs n'est surpassée que par son inutilité clinique. Aucun médecin compétent ne ferait une recommandation à un patient sur la base d’une taille d’effet aussi minuscule.
Emmanuelle Kesse-Guyot, l'une des principaux auteurs de l'étude, a une histoire de recherches étranges, avec un agenda. Par exemple, elle a co-écrit un article en 2015 affirmant que l'agriculture biologique promouvait des régimes alimentaires durables, ce qui est totalement faux. L'agriculture biologique ne pourrait pas nourrir le monde car elle est 20% moins efficace que l'agriculture conventionnelle. Donc, le bio est, par définition, non durable. Elle a également écrit un article établissant un lien entre les produits biologiques et la satisfaction de vie, ce qui ressemble moins à une recherche sérieuse qu’à une prestation de pom-pom girl.
JAMA Internal Medicine devrait vraiment le savoir, mais ce n’est pas la première fois que JAMA s’aventure dans Bizarro World. Ils vont certainement le refaire2.
(1) La prestigieuse revue PNAS a publié un trop grand nombre d’articles stupides, ce qui peut avoir contribué à sa décision de renoncer entièrement à la version papier.
(2) À son crédit, JAMA Internal Medicine a publié un commentaire indiquant que la plupart des données figurant dans l'article ne pouvaient être ni vérifiées ni validées.
Ma note : M. Hervé This – vo Kientza – a un autre point de vue dans « La publication scientifique peut-elle être confiée à des éditeurs privés ? Non ! Et nous en avons la preuve » :
« Une fois de plus, une revue américaine publie un mauvais article et publie simultanément un éditorial qui dit que cet article est mauvais. Drôle de pratique, non ?
[…]
Tout cela n'est guère conséquent, tout cela est en réalité malhonnête. »
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* Le Dr Alex Berezow a rejoint l'American Council on Science and Health (conseil américain des sciences et de la santé) en tant que Senior Fellow pour les sciences biomédicales en mai 2016. Il est un auteur prolifique dont les articles ont paru dans de nombreuses publications. Il est l'auteur ou le co-auteur de trois ouvrages : The Next Plague and How Science Will Stop It (la prochaine épidémie et comment la science l'arrêtera, 2018), Little Black Book of Junk Science (le petit livre noir de la science poubelle, 2017), et Science Left Behind (la science laissée pour compte, 2012).
Cette courte vidéo vaut le détour pour le commentaire rageur du Dr Jean-Michel Cohen. Oui, "c'est consternant".