Leçon à tirer des crises Lactalis et Greenyard : tout équipement contaminé par un pathogène persistant doit être mis au rebut !
Albert Amgar*
« Greenyard a identifié la source de Listeria dans son usine hongroise de légumes surgelés », source article de Joe Whitworth du 14 septembre 2018 paru dans Food Safety News. Voir aussi un article précédent, Listeria et les légumes surgelés, 107 pays concernés…
Une des leçons de cette affaire, comme cela a été également montré avec Lactalis (dans ce cas précis, c’était tout de même une tour de séchage !), mais aussi avec d’autres entreprises, il faut abandonner cet équipement définitivement à sa triste fin… en raison de la persistance de la présence de pathogènes, que ce soit Salmonella ou Listeria, et ce malgré la présence de bonnes pratiques d’hygiène… à bon entendeur…
Un remake en quelque sorte de « Errare humanum est, perseverare diabolicum », « L'erreur est humaine, l'entêtement [dans son erreur] est diabolique ».
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Greenyard, société liée à une épidémie mortelle de Listeria, a révélé qu'elle avait trouvé la cause de la contamination dans son usine hongroise.
Greenyard a déclaré qu'elle avait trouvé une présence persistante de Listeria monocytogenes dans l'un des tunnels de surgélation et, par conséquent, elle a fermé ce tunnel de l'usine de Baja.
On pense que l’usine hongroise de légumes surgelés est à l’origine d’une épidémie de Listeria qui a atteint 54 personnes dans six pays, dix personnes sont décédées. Dix-huit cas liés à l’épidémie ont été rapportés en 2018, le dernier en date est de mai 2018.
En juin, le Bureau national de la sécurité de la chaîne alimentaire (Nébih) de Hongrie a interdit la commercialisation de certains produits surgelés de l'usine fabriqués entre le 13 août 2016 et le 20 juin 2018 et a ordonné un retrait et un rappel des produits. (Plusieurs rappels ont eu lieu en France, voir le communiqué du 11 juillet 2018 de la DGCCRF.)
Des cas de maladie dans le cadre de l'épidémie ont été rapportés en Autriche, au Danemark, en Finlande, en Suède, au Royaume-Uni et en Australie. Les produits surgelés ont été distribués dans 116 pays et ont une longue durée de vie (certains jusqu’à la mi-2020).
Un porte-parole de Greenyard a déclaré à Food Safety News que des produits devraient être disponibles dans les prochains jours.
« Nous appliquons nos procédures de libération et nous pourrons, grâce à cela, redémarrer notre production et notre distribution. Nous avons rappelé deux années de production et nous voyons ce produit revenir ou être détruit. Nous ne pouvons donc que conclure que le produit potentiellement contaminé ne fait plus partie de la chaîne », a-t-il déclaré.
« Les consommateurs peuvent consommer en toute sécurité les produits qui sont dans les rayons des distributeurs. En accord avec les autorités, nous continuons à souligner qu'il est important de toujours suivre les instructions de cuisson sur l'emballage. »
Cette instruction indique que « Si les légumes surgelés sont cuits pendant au moins 2 minutes à une température minimale de 70°C, alors il n'y a pas de risque sanitaire. »
Avec le redémarrage de l’usine, Greenyard s’est dit confiant, l’impact financier du rappel restera inférieur à 30 millions après assurance.
« Greenyard a mené, en étroite collaboration avec les autorités et des experts indépendants, un vaste examen approfondi de l’installation pour identifier la cause profonde de la contamination potentielle. Cet examen a été couronné de succès et a permis d’identifier la cause principale de la bactérie Listeria, compte tenu en particulier de la présence persistante de Listeria dans l’un des deux tunnels de surgélation », a déclaré la société dans un communiqué.
La société a annoncé le mois dernier qu'elle voudrait recommencer la production après que toutes les analyses sur le site de production ont révélé l’absence de Listeria monocytogenes après son arrêt et son nettoyage.
Greenyard a décidé de fermer le tunnel en cause, qui représente environ 3% du volume produit par la division produits surgelés de l’entreprise et a examiné l’autorisation avec les autorités.
« C'est un tunnel plus petit et il ne représente qu'une petite partie des volumes que nous produisons dans nos activités surgelées. Nous pouvons transférer le volume vers d'autres tunnels, ce qui nous laisse un peu plus de temps pour réfléchir à l'avenir de ce tunnel », a déclaré le porte-parole.
La société fournira aux clients des produits de ses installations hongroises et a trouvé des alternatives pour compenser l’indisponibilité temporaire de certains produits. Ces alternatives incluent les autres usines de l’entreprise en Europe ou la sous-traitance de volumes auprès d’autres acteurs du marché.
La société a déclaré avoir adopté une série de procédures de libération strictes et va les maintenir aussi longtemps qu'elle le jugera nécessaire. Elle produira également à des niveaux plus stricts en dessous des seuils légaux et mettra en œuvre des mesures supplémentaires de sécurité et de nettoyage.
Le porte-parole de Greenyard a déclaré que l’entreprise ne libérerait pas de produits de l’usine hongroise, à moins que les analyses ne démontrent l’absence de Listeria monocytogenes.
« Dans toutes nos autres usines et à l'échelle du groupe, nous appliquons également, à notre propre initiative, des niveaux plus rigoureux que les normes légales (de 100 unités formant colonies par gramme). Nous produisons actuellement à moins de 10 ufc/g. En collaboration avec des experts externes, nous avons encore amélioré et affiné nos procédures de nettoyage, de désinfection et d’analyses par écouvillonnage en fonction de notre expérience du cas actuel », a-t-il déclaré.
Le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) et l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) ont déclaré que l'épidémie avait débuté en 2015.
Les mêmes souches de Listeria monocytogenes ont été détectées dans des légumes surgelés produits par l'entreprise en 2016, 2017 et 2018.
Commentaires
La communication de Greenyard est un grand classique, ne manque que le management par les excuses, style « I’m sorry »…
« On fait mieux que les normes légales, on va désormais produire avec des normes plus strictes, etc. » sont des discours assez courants après-coup, mais pour combien de temps, vu le coût des analyses…
De fait, on apprend également que ce n’était donc pas si bien que ça avant… avant de lever le nez du guidon dans cette usine hongroise de Greenyard… et de se rendre compte de ce qui se passe…
Reste la question « Y a-t-il une vie après une crise à Listeria ? », la suite nous le dira !
Quant à l’instruction mise sur les sachets, « cuire pendant au moins 2 minutes à une température minimale de 70°C », n’est-ce pas une façon de renvoyer la responsabilité vers le consommateur ?
Enfin, je citerais pour lecture quelques anciens articles que Greenyard a remis au goût du jour, dont :
Quelques pistes pour se débarrasser des bactéries persistantes dans les entreprises alimentaires (1 et 2)
Listeria monocytogenes survit dans des biofilms complexes après nettoyage et désinfection
Convoyeur, conception hygiénique, contamination par Listeria et éclosion
Convoyeur, conception hygiénique, contamination par Listeria et éclosion
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* Albert Amgar a été pendant 21 ans le dirigeant d'une entreprise de services aux entreprises alimentaires ; il n'exerce plus aujourd'hui, car retraité. Au travers de son blog il nous a livré des informations dans le domaine de l’hygiène et de la sécurité des aliments. Désormais, je l'accueille avec plaisir.