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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

La vérité complexe derrière le cotonnier GM en Inde

18 Septembre 2018 , Rédigé par Seppi Publié dans #Inde, #OGM

La vérité complexe derrière le cotonnier GM en Inde

 

Mark Lynas*

 

 

 

 

Depuis que l’Inde a adopté le cotonnier Bt génétiquement modifié en 2002, une lutte acharnée a fait rage pour définir le récit de son impact.

 

Pour les militants anti-OGM, ces humbles graines de cotonnier ont causé la mort par suicide de centaines de milliers d'agriculteurs innocents. Toutefois, les universitaires qui ont étudié la question ont clairement indiqué que les agriculteurs indiens n’avaient pas de taux de suicide plus élevés que ceux des autres pays, et que le mythe du cotonnier Bt était… un mythe. Ils ont également documenté une multitude d'avantages : des rendements plus élevés, de meilleurs profits, des réductions de l'utilisation des pesticides.

 

Maintenant, une nouvelle bataille a éclaté. Des histoires ont commencé à apparaître, évoquant un nouvel « échec » supposé dans la révolution du cotonnier GM en Inde – une invasion du ver rose de la capsule (Pectinophora gossypiella), qui semble devenir résistant aux protéines insecticides du cotonnier Bt.

 

Un article récent de Bloomberg était intitulé : « Une révolution génétique s'effondre », et les agriculteurs du Maharahstra « redoutent [la] campagne à venir ». Ils ont raconté que 2017 avait été « la pire crise de l'histoire du cotonnier Bt depuis l'approbation de la technologie des semences en 2002 », causant de nombreux décès dus à une réapparition des pulvérisations de pesticides dans un effort inutile de lutte contre le ver rose de la capsule.

 

L’universitaire américain et OGM-sceptique Glenn Stone a gazouillé un lien vers l’article en demandant sarcastiquement pourquoi les experts semblaient ignorer l’échec apparent du cotonnier Bt en Inde. (Nous avons demandé à Stone des commentaires supplémentaires par courrier électronique, mais il n'a pas répondu.)

 

Alors, quelle est la vraie histoire ?

 

Soyons juste : l'article de Bloomberg admet que l’échec apparent du cotonnier Bt en Inde est « un cas unique ». D’autres pays producteurs de cotonnier Bt, de l’Australie à la Chine, semblent avoir été capables de gérer l’évolution de la résistance aux ravageurs du cotonnier. Quelque chose ne va donc pas dans l'agronomie indienne.

 

Pour comprendre les détails, nous avons contacté des experts du cotonnier Bt de l’Université Cornell. Selon le Dr Ronald Herring, auteur de nombreux articles évalués par des pairs sur les impacts du cotonnier Bt en Inde, « le problème du ver rose est réel », mais « jusqu'à récemment isolé en Inde ».

 

Interrogé sur les problèmes signalés dans l'article de Bloomberg, M. Herring a déclaré : « Je voudrais d'abord exclure les semences contrefaites ». Il a noté que les fausses semences génétiquement modifiées sont « un énorme problème en Inde » et qu'« il y a des études à grande échelle qui montrent que des agriculteurs qui pensaient cultiver du cotonnier Bt avaient en réalité des variétés issues des usines d'égrenage avec peu ou pas d'expression des gènes Bt. »

 

Herring a également souligné « l'évolution des pratiques culturales », suggérant que le cotonnier Bt pourrait être victime en Inde de son propre succès car les agriculteurs abandonnent les rotations recommandées avec une deuxième culture, laquelle peut être moins rentable que le cotonnier, cultures de rente.

 

« Dans certaines régions, le cotonnier est devenu essentiellement une culture pérenne, cueillie en continu », a déclaré M. Herring. Cependant, « cette pratique a des implications ; plus on laisse les cotonniers dans le champ, plus il est probable que les vers roses se manifestent. » Il pensait que la restauration des rotations afin de rompre le cycle de reproduction de l'organisme nuisible pourrait aider.

 

Le Dr Srinivasan Ramasamy, chercheur invité auprès du professeur Tony Shelton, également à l’Université Cornell, nous a dit sans détour : « Je ne suis pas d’accord pour dire que le cotonnier Bt a échoué en Inde ».

 

Ramasamy a souligné que le cotonnier Bt « a été développé contre trois différents vers de la capsule : Helicoverpa armigera, Earias spp. et Pectinophora gossypiella » (cette dernière est le ver rose).

 

« Le cotonnier Bt a effectivement réduit ces vers de la capsule, à l'exception du ver rose, cela aussi dans le seul Maharashtra. Si les deux autres espèces étaient restées une menace majeure, l'utilisation des pesticides pourrait avoir été plusieurs fois supérieure à l'utilisation actuelle. Le cotonnier Bt a donc contribué à la réduction des pesticides. »

 

Herring a noté que la discussion est compliquée par des malentendus sur l'agronomie et la biotechnologie. « En un sens, il n’existe pas de "cotonnier Bt". Il existe des centaines d’hybrides porteurs d’un caractère, activé par un ou plusieurs gènes qui expriment chacun une protéine insecticide. C'est un trait, pas une essence existentielle. On peut obtenir des traits chez les plantes par de nombreuses méthodes ; ces hybrides ont tous reçu ce trait particulier grâce à des transgènes. Certains hybrides feront mieux dans certaines conditions que d'autres, mais le germoplasme compte : le trait ne fait qu'une chose, mais très importante : protéger les plantes d'un type d'insecte. Toute protection antiparasitaire devient finalement moins utile, car les parasites s’adaptent plus rapidement que l’homme ne peut concevoir de nouvelles protections. L'attaque a toujours un avantage sur la défense. Le Bt offre des avantages formidables mais n’est pas une solution miracle. Il s'agit d'agriculture après tout. »

 

De nombreux militants anti-OGM ont suggéré que le cotonnier Bt a été associé à des rendements réduits en raison d'un défaut allégué dans le caractère ou dans le processus de modification génétique.

 

Ramasamy a répondu à cette affirmation. « Après l'introduction du cotonnier Bt, le rendement a presque doublé en six ans. Cependant, la baisse de rendement n'est que d'environ 15 % au cours des six ou sept dernières années. » Le cotonnier Bt surpasse donc toujours les variétés conventionnelles, ce qui explique pourquoi presque tous les producteurs de cotonnier continuent de le préférer.

 

Ramasamy a également souligné que le Vidarbha dans le Maharashtra, la région du centre-sud de l'Inde, mentionné dans l'article de Bloomberg comme souffrant de problèmes, a tendance à souffrir de sécheresse et que peu de producteurs de coton ont accès à l'irrigation.

 

« Le rendement est donc lié aux conditions climatiques, mais pas aux génotypes de cotonnier », a-t-il conclu. Herring était d'accord, disant que « le Vidarbha est gravement sujet à la sécheresse et le cotonnier y échoue souvent indépendamment de la résistance aux ravageurs ».

 

Nous avons également contacté le Dr Vijay Paranjape, directeur associé du projet brinjal Bt financé par l'USAID au Bangladesh et expert du cotonnier Bt en Inde.

 

Paranjape a confirmé que « le ver rose montre une certaine tolérance à BGII [Bollgard II, le dernier cotonnier Bt], mais il y a certaines caractéristiques qui pourraient être dues à de mauvaises pratiques agronomiques. »

 

Comme nos autres experts l’ont dit, le problème pourrait être lié à la culture continue du cotonnier dans certaines régions. Paranjape a comparé cela avec le cotonnier irrigué dans le nord de l'Inde, qui est suivi par un riz d'hiver. « Cela brise le cycle de vie du ravageur. »

 

Dans le centre-sud de l’Inde, cependant, « le cotonnier est suivi par un cotonnier. En conséquence, les pupes, si elles survivent, trouvent un hôte approprié la saison suivante. »

 

Tout n'est pas nécessairement perdu, cependant, car les principes de la lutte intégrée contre les ravageurs peuvent toujours être respectés. « Dans cette région, on utilise des pièges à phéromone et d’autres mesures pour lutter contre le ver rose. »

 

Herring ajoute : « Nous sous-estimons dans le discours populaire, je pense, ce qui compte vraiment pour les plantes dans les champs, dans les systèmes agro-écologiques : le matériel génétique, le sol, l'eau, les ravageurs, le climat, tous sujets au changement. Certains facteurs sont plus susceptibles d'être améliorés que d'autres. Le changement climatique est une menace. »

 

Ces témoignages d’experts confirment que – comme c’est souvent le cas dans la science, et même dans le monde réel – l’histoire vraie a tendance à être plus compliquée que le mythe. Malheureusement, ces mythes simplistes prolifèrentsur Internet, en particulier lorsqu'ils correspondent à un certain récit idéologique.

 

_____________

 

Source : https://allianceforscience.cornell.edu/blog/2018/08/complicated-truth-behind-gmo-cotton-india/

 

 

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