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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

L'industrie textile ougandaise décline alors que ses voisins adoptent le cotonnier GM

8 Septembre 2018 , Rédigé par Seppi Publié dans #Afrique, #OGM

L'industrie textile ougandaise décline alors que ses voisins adoptent le cotonnier GM

 

Isaac Ongu*

 

 

 

 

Le coton, autrefois une vache à lait en Ouganda où les producteurs aspiraient à se dépasser les uns les autres pour la surface plantée et le revenu obtenu, pourrait lentement devenir une culture du passé si rien n'est fait pour freiner le déclin constant de sa production.

 

Selon les données de l'Organisation pour le Développement du Coton, la production de fibre de coton de l'Ouganda dépassait 450.000 balles dans les années 1970 (une balle pèse 185 kilogrammes). Mais au cours des dernières années, la quantité la plus élevée de fibre produite était d'à peine 250.000 balles par an, tombant parfois à 100.000 balles. En avril dernier, le Centre de Recherche sur les Politiques Économiques (EPRC), principal organisme de recherche économique de l'Ouganda, a publié des résultats de recherche intitulés « Développer des sous-produits du coton en Ouganda » qui ont montré que les usines d'égrenage tournaient à peine à 10 % de leur capacité optimale.

 

Qu'est-ce qui a pu faire tomber le secteur cotonnier ougandais si bas, et existe-t-il un moyen de sortir ce sous-secteur agricole jadis lucratif du marasme ?

 

 

Spirale descendante

 

La spirale descendante dans le secteur du coton ougandais est principalement due au coût élevé de la production de coton par rapport aux options concurrentes. Selon la même étude de l'EPRC, 40 % des recettes tirées du coton sont consacrées aux coûts de production, contre 11-24 % pour des cultures comme le manioc, l'arachide, le riz, le sésame et la canne à sucre.

 

L'Organisation de Développement du Coton de l'Ouganda, un organisme public chargé de superviser le sous-secteur cotonnier du pays, attribue les coûts de production élevés à plusieurs facteurs. Parmi ceux-ci : le financement inadéquat de la recherche et du développement technologique pour répondre aux contraintes émergentes en matière de production, qui est essentiel ; le coût élevé des intrants importés tels que les pesticides et les engrais ; et la concurrence pour la terre et la main-d'œuvre d'autres secteurs, ce qui a entraîné des fluctuations constantes de la production, les agriculteurs choisissant d'autres cultures dont les coûts de production sont plus faibles.

 

Dominic Etellu, agriculteur et ancien président de l'Association des Agriculteurs du District de Soroti, vient du district de Serere, une zone de culture traditionnelle du cotonnier dans l'est de l'Ouganda. Il attribue le déclin de la production de coton dans sa région aux coûts élevés des pesticides chimiques et du désherbage.

 

« Personnellement, j'ai cessé de produire du coton parce que cela n'a pas de sens sur le plan économique », a-t-il dit. « Il y a des agriculteurs qui continuent à le produire à cause de l'argent comptant tiré de sa vente. Je parie que si ces agriculteurs évaluaient le coût de leur travail, ils auraient déjà abandonné la production de coton. » Dominic dit que les agriculteurs comme lui, qui calculent les coûts, se sont tournés vers des cultures de substitution comme l'arachide et le sorgho, moins coûteuses à produire.

L'abandon de la culture du cotonnier par des agriculteurs comme Dominic Etellu, et la réduction de la superficie cultivée par ceux qui produisent encore du coton, ont conduit l'Ouganda à commencer à importer des produits du cotonnier. L'Ouganda importe actuellement jusqu'à 124 tonnes de coton absorbant, les principaux importateurs étant les agences gouvernementales, les magasins médicaux nationaux et les magasins médicaux communs. L'Ouganda est aujourd'hui le premier importateur de vêtements usagés du continent, mais il y a des décennies, il était capable de se vêtir.

 

La région adopte le cotonnier Bt

 

L'Ouganda est le seul pays d'Afrique de l'Est à connaître un déclin constant de la production de coton. Bien que l'Éthiopie et le Kenya aient connu les mêmes défis que l'Ouganda, ces deux pays ont réagi en adoptant la technologie Bt de réduction des coûts de production du coton comme mesure urgente pour relancer le secteur.

 

Les cotonniers Bt sont développés par génie génétique en transférant un gène d'une bactérie naturelle du sol, Bacillus thuringiensis, dans une variété désirée [ma note : cela n'est fait, en principe, qu'une seule fois ; après, on transfère le gène par des méthodes de sélection conventionnelles]. Le gène Bt offre une résistance naturelle à des insectes nuisibles, ce qui réduit la nécessité de traiter avec des pesticides. Les cultures actuelles avec des caractères Bt comprennent le maïs, le soja, le brinjal (aubergine) et le niébé.

 

Le mois dernier, le Kenya s'est lancé dans des essais de performance du cotonnier Bt à l'échelle nationale, qui marquent la dernière étape d'un projet de recherche de 12 ans avant que la graine de ce cotonnier ne soit vendue aux agriculteurs kenyans pour une production commerciale.

 

L'Ethiopie, quant à elle, vient d'approuver la libération environnementale du cotonnier Bt. Le Comité National d'Approbation des Semences de l'Éthiopie doit encore approuver les semences de cotonnier Bt avant qu'on puisse le cultiver dans les plantations et les petites fermes.

 

 

Statut du cotonnier GM en Ouganda

 

Après 2006, l'Institut National de Recherche sur les Ressources Semi-arides de l'Ouganda (NaSARRI), avec le soutien de Monsanto, a mené des essais sur le terrain pour le cotonnier résistant à des insectes (Bt) et tolérant à un herbicide. Les essais ont été réalisés pendant les deux saisons de culture 2009-2010 et 2010-2011 dans les zones traditionnelles de production de coton de Serere dans l'est de l'Ouganda et de Kasese dans le sud-ouest. L'information du NaSARRI montre que l'essai qui devait être mené pendant trois saisons de culture a été écourté d'une saison en raison d'un soutien financier insuffisant. Les résultats préliminaires de ces essais ont confirmé les résultats positifs et l'étape suivante consistait à transférer le gène dans les variétés de cotonnier ougandaises.

 

Pius Elobu, un chercheur travaillant sur le cotonnier au NaSARRI et qui a géré les essais sur le terrain dans l'est de l'Ouganda, attribue la fin des essais à l'incertitude causée par l'absence d'une loi favorable sur la biosécurité. « Les résultats des essais sur le terrain ont montré que les deux caractères de la résistance au ver de la capsule et de la tolérance à un herbicide étaient très efficaces », a-t-il déclaré. « Nous n'avons pas pu continuer après les essais sur le terrain parce qu'il n'y avait pas de loi complète sur la biosécurité, comme encore maintenant. »

 

Bien que le Parlement ait adopté le projet de loi sur la biosécurité en octobre dernier, il a été renvoyé par le président Museveni en décembre avec une demande de réponse à de nombreuses préoccupations. Le Parlement devrait revoir le projet de loi au cours des prochains mois.

 

Le NaSARRI, qui abrite le programme de recherche sur le cotonnier de l'Ouganda, a pour but de continuer à améliorer les variétés de cotonnier existantes. Cependant, Elobu a déclaré qu'il y a une limite qu'ils ne peuvent pas franchir dans l'amélioration du cotonnier en utilisant les outils de sélection des cultures actuelles. « En tant que scientifiques, nous continuons à travailler pour les agriculteurs. En 2015, nous avons lancé une variété de cotonnier à haut rendement, Bukalasa Pedigree Albar (BPA 2015), mais la variété reste vulnérable aux ravageurs, obligeant les agriculteurs à traiter trois à quatre fois », a-t-il noté.

 

Même si les chercheurs avaient achevé tous les essais sur le cotonnier Bt, la réticence des décideurs à promulguer une loi complète sur la biosécurité aurait empêché les agriculteurs ougandais de disposer d'une technologie offrant un potentiel important pour améliorer leurs moyens de subsistance. Si les législateurs prennent la mesure audacieuse d'ignorer les informations non factuelles qui prévalent contre les cultures GM et adoptent une bonne loi sur la biosécurité, ils pourraient placer l'Ouganda au même niveau que le Kenya et l'Éthiopie – deux pays en voie de relancer leurs filières cotonnières.

 

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Source : https://allianceforscience.cornell.edu/blog/2018/07/ugandas-textile-industry-declines-neighbors-embrace-gmo-cotton/

 

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