L’agriculture « à haut rendement » impacte moins l’environnement qu’on ne le pensait auparavant – et pourrait contribuer à préserver des habitats
Traduction du communiqué de presse de l'Université de Cambridge à propos de « The environmental costs and benefits of high-yield farming » (coûts et bénéfices environnementaux de l'agriculture à haut rendement » d'Andrew Balmford, Tatsuya Amano, […] Rowan Eisner.
L’agriculture « à haut rendement » coûte moins cher à l’environnement qu’on ne le pensait auparavant – et pourrait contribuer à épargner des habitats
De nouvelles découvertes suggèrent qu'une agriculture plus intensive pourrait être l'option « la moins mauvaise » pour nourrir le monde tout en sauvant ses espèces – à condition que l'utilisation de tels systèmes « efficaces en termes de surfaces » empêche une conversion supplémentaire de la nature sauvage en terres agricoles.
Nos résultats suggèrent que l'agriculture à haut rendement pourrait être exploitée pour répondre à la demande croissante de nourriture sans détruire davantage le monde naturel.
Andrew Balmford
Une nouvelle étude a montré que l’agriculture qui semble être plus écologique mais utilise davantage de terres, peut avoir des coûts environnementaux plus élevés par unité de nourriture que l’agriculture « à haut rendement » qui utilise moins de terres.
Il est de plus en plus évident que le meilleur moyen de répondre à la demande alimentaire croissante tout en préservant la biodiversité est de produire autant de nourriture que possible de la terre que nous exploitons, afin de « préserver de la charrue » davantage d’habitats naturels.
Toutefois, cela implique des techniques d'agriculture intensive censées créer des niveaux disproportionnés de pollution, de pénurie d'eau et d'érosion des sols. Une étude publiée aujourd'hui dans la revue Nature Sustainability montre que ce n'est pas nécessairement le cas.
Les scientifiques ont mis au point des mesures pour certaines des « externalités » majeures – telles que les émissions de gaz à effet de serre et l'utilisation d'engrais et d’eau – générées par les systèmes agricoles à haut rendement ou à faible rendement et comparé les coûts environnementaux de la production d'une unité de nourriture réalisée de différentes façons.
Des recherches antérieures ont comparé ces coûts par unité de superficie. L’agriculture à haut rendement ayant besoin de moins de terres pour produire la même quantité de nourriture, les auteurs de l’étude affirment que cette approche surestime son impact sur l’environnement.
Leurs résultats tirés de quatre grands secteurs agricoles suggèrent que, contrairement à la perception de nombreuses personnes, une agriculture plus intensive utilisant moins de terres peut aussi produire moins de polluants, causer moins de pertes de sol et consommer moins d’eau.
Cependant, l’équipe à l’origine de l’étude, menée par des scientifiques de l’Université de Cambridge, avertit que si les rendements plus élevés servent simplement à augmenter les bénéfices ou à faire baisser les prix, ils ne feront qu’accélérer la crise d’extinction que nous constatons déjà.
« L’agriculture est la principale cause de perte de biodiversité sur la planète », a déclaré l’auteur principal de l’étude, Andrew Balmford, professeur de sciences de la conservation au Département de zoologie de Cambridge. « Les habitats continuent d'être défrichés pour laisser la place aux terres agricoles, laissant toujours moins d'espace pour la faune. »
« Nos résultats suggèrent que l'agriculture à haut rendement pourrait être mise en œuvre pour répondre à la demande croissante de nourriture sans détruire davantage le monde naturel. Cependant, si nous voulons éviter une extinction massive, il est essentiel que l’agriculture économe en terres soit associée à des mesures soustrayant une plus grande partie de la nature sauvage de la charrue. »
Les scientifiques de Cambridge ont mené l’étude avec une équipe de recherche de 17 organisations du Royaume-Uni et du monde, y compris des collègues de Pologne, du Brésil, d’Australie, du Mexique et de Colombie.
L’étude a analysé des informations provenant de centaines d’enquêtes portant sur quatre vastes secteurs alimentaires, représentant un pourcentage important de la production mondiale de chaque produit : riz paddy asiatique (90 %), blé européen (33 %), bœuf latino-américain (23 %) et produits laitiers européens (53 %).
Des exemples de stratégies à haut rendement comprennent des systèmes de pâturage améliorés et de races améliorées dans la production de bœuf, l'utilisation d'engrais chimiques sur les cultures et le maintien prolongé des vaches laitières en étable.
Les scientifiques ont trouvé que les données étaient limitées et que des recherches supplémentaires sur le coût environnemental des différents systèmes agricoles étaient urgentes. Néanmoins, les résultats suggèrent que de nombreux systèmes à haut rendement sont moins préjudiciables à l'environnement et, surtout, utilisent beaucoup moins de terres.
Par exemple, lors d'essais sur le terrain, l'azote inorganique a stimulé les rendements avec peu ou pas de « pénalité » sous forme de gaz à effet de serre et une consommation d'eau plus faible par tonne de riz. Par tonne de bœuf, l’équipe a constaté que les émissions de gaz à effet de serre pourraient être réduites de moitié dans certains systèmes où les rendements sont augmentés par l’addition d’arbres pour fournir de l’ombre et du fourrage aux bovins.
L’étude n’a porté sur l’agriculture biologique que dans le secteur laitier européen, mais a constaté que, pour la même quantité de lait, les systèmes biologiques entraînaient au moins un tiers de perte de sol de plus et occupaient deux fois plus de terres que les élevages laitiers conventionnels.
L'un des co-auteurs, le Pr. Phil Garnsworthy de l'Université de Nottingham, qui a dirigé l'équipe laitière, a déclaré : « Dans tous les systèmes laitiers, nous trouvons qu'un rendement laitier plus élevé par unité de terre conduit généralement à une plus grande efficacité biologique et économique de la production. Les producteurs laitiers devraient se réjouir de l’information selon laquelle des systèmes plus efficaces ont moins d’impact sur l’environnement. »
David Edwards, expert en conservation et co-auteur de l'Université de Sheffield, a déclaré : « Les systèmes biologiques sont souvent considérés comme beaucoup plus respectueux de l'environnement que l'agriculture conventionnelle, mais nos travaux ont suggéré le contraire. En utilisant plus de terres pour produire une même quantité, la production biologique risque en fin de compte d’accroître les coûts environnementaux. »
Les auteurs de l’étude affirment que l’agriculture à haut rendement doit être associée à des mécanismes qui limitent l’expansion de l’agriculture si l’on veut en tirer des avantages environnementaux. Ces mécanismes pourraient inclure un zonage strict d'utilisation des terres et des subventions rurales restructurées.
« Ces résultats ajoutent à la preuve que la préservation des habitats naturels par le recours à une agriculture à haut rendement pour produire de la nourriture est la moins mauvaise façon d’avancer », a ajouté M. Balmford.
« Lorsque l’agriculture est fortement subventionnée, les paiements publics pourraient dépendre d’une augmentation des rendements alimentaires des terres déjà cultivées, tandis que d’autres terres seraient retirées de la production et restaurées comme habitats naturels pour la conservation de la faune et pour le stockage du carbone et des eaux de crue. »
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