Coquelicots : où sont les réponses ?
Nous avons vu dans l'épisode précédent, « Coquelicots : la bal des faux-culs – on nous prend pour des billes » que ce qui a été présenté dans le dossier de presse comme un mouvement spontané d'un « groupe de bénévoles sans argent, composé d’une quinzaine de personnes » était en fait le fruit d'une manœuvre soigneusement planifiée et orchestrée.
Les maîtres d'œuvre ? M. Fabrice Nicolino, journaliste de Charlie Hebdo, et M. François Veillerette, présentement directeur et porte-parole de Générations Futures.
Il faut constater que c'est de la belle ouvrage en matière de com' et de foutage de gueule (même si le choix du coquelicot comme emblème à deux mois de la célébration du centième anniversaire de l'armistice du 11 novembre 2018 est une ignominie).
Erreur ? Délibérée ?
L'activisme s'organise, se professionnalise et se fait de plus en plus pressant, voire intimidant, et prégnant. Se posent donc des questions pressantes.
Les agriculteurs répondent sur Twitter avec le mot-clé #mescoquelicots, mais cela relève essentiellement de l'anecdote.
Relevons toutefois ce constat parfaitement juste :
La famine en Irlande est un fait historique assez bien connu (quoique... nous n'oserions pas faire un sondage...). Mais beaucoup de gens ignorent que la situation alimentaire n'était pas reluisante dans une grande partie de l'Europe quand les Irlandais mourraient en masse.
D'autres sont montés au créneau comme Mme Géraldine Woessner, s'agissant du coquelicot promu symbole d'un « écocide », ou BunkerD qui propose un démontage du texte de l'appel.
Des recherches avec « coquelicots » et des noms d'organismes ne donnent rien, au moins pour le moment. C'est indirectement que nous avons trouvé que l'Union des Industries de la Protection des Plantes a publié un communiqué le 12 septembre 2018 (à télécharger... est-ce la bonne stratégie de publication ?).
Oui, « Protéger les cultures est une nécessité pour permettre aux agriculteurs de remplir leur mission ! » est pertinent... d'autant plus que le lancement de la campagne des gens bien nourris pour plus de coquelicots dans les champs a coïncidé avec la publication de statistiques alarmantes sur la précarité alimentaire en France.
Le mot « alarmantes » – galvaudé par l'activisme veillerettien – est tout à fait approprié en l'occurrence. Notons que dans le Monde, « Alimentation : 1 Français sur 5 est en situation de précarité » a été publié dans la rubrique Société, mais que cet article n'est pas référencé dans les pages Planète... il y a des choses de peu d'importance pour l'écolojournalomilitantisme...
Quelle est la réponse des milieux liés à la santé publique ?
Dans le manifeste des papavérophiles (Papaver rhoeas et peut-être aussi somniferum), nous en sommes pour le moment à :
« Les pesticides sont des poisons qui détruisent tout ce qui est vivant. [...] Les pesticides sont une tragédie pour la santé. Ils provoquent des cancers, des maladies de Parkinson, des troubles psychomoteurs chez les enfants, des infertilités, des malformations à la naissance. »
Le discours se durcira. Les méthodes peut-être aussi. Arrivera un moment où la santé publique sera mise en péril, notamment, par le refus d'une lutte chimique pour protéger la population d'une maladie vectorielle.
Les milieux de la santé publique comptent-ils s'investir dans le débat pour signaler les vrais enjeux ?
Car logiquement, par exemple, le refus de certains fongicides utilisés pour protéger des plantes (appelés « pesticides » dans ce cas) ne devrait-il pas mener au refus de ces mêmes fongicides (devenus « biocides » utilisés pour soigner les mycoses humaines ?
En admettant que des entités comme la FNSEA font le gros dos et se terrent, les médias ont-ils cherché à obtenir des avis d'un segment important de notre société ?
Car les agriculteurs sont ceux qui nourrissent le reste de la population, et l'industrie chimique apporte une contribution, pas seulement sous forme de pesticides, mais aussi de biocides qui protègent notre santé, celle des animaux et l'intégrité de certains biens (les bois de charpente et par conséquent les maisons, par exemple).
Le constat est effarant : les médias se sont en majorité livrés à une orgie ubuesque, à une course à la veulerie. Constat désabusé d'une gazouilleuse :
Il n'est certes pas question de remettre en cause la liberté d'expression et d'information, mais il sied de rappeler qu'elle a pour corollaire la déontologie.
Que penser, par exemple, d'un Europe 1 qui titre : « Fabrice Nicolino : "L'industrie des pesticides est devenue criminelle" » ? Est-ce encore de l'information ou est-on déjà dans les prémices d'appels au lynchage ?
Sur un plan trivial, les médias qui ont relayé la chose ont-ils vérifié les allégations de Charlie Hebdo sur la présence de résidus de « pesticides » dans les cheveux ? Ont-ils réalisé qu'ils étaient grossièrement trompés, les « pesticides » incriminés incluant d'autres substances telles que les bisphénols ou la perméthrine (un biocide non approuvé en tant que pesticide) ?
Il est encore, probablement, trop tôt. Mais les pouvoirs publics feraient bien de s'interroger sur l'avenir de la société française. Voici un extrait du Journal de l'Environnement :
« La stratégie est simple. [...] "Notre but, c’est de recueillir, 5 millions de signatures en deux ans. De façon à établir un nouveau rapport de force entre la société et le gouvernement", explique Fabrice Nicolino. "Il ne s’agit plus de discuter, renchérit François Veillerette. [...] »
La stratégie ne se limite pas à une collecte de signatures. Et, quoi qu'il en soit, la référence à « un nouveau rapport de force entre la société et le gouvernement » est claire : le gouvernement – nos institutions démocratiques – doivent se plier à la volonté du cyberespace, et peut-être de la rue – de signataires d'une pétition qui s'érigent en « mouvement citoyen ».
MM. Nicolino et Veillerette ont tout à fait le droit d'organiser un groupe de pression – il n'y aura pas de chemises de couleur, mais des cocardes. Mais on peut estimer que les pouvoirs publics ont le devoir d'éviter les débordements et de rétablir la vérité des faits.
Ne demandons pas à M. François de Rugy... Mais que fait M. Stéphane Travert ?
Le mouvement, paraît-il, n'est pas dirigé contre les agriculteurs. La France Agricole rapporte :
« "Cet appel n’est pas là pour aider les paysans, ni les condamner" assure Fabrice Nicolino. »
Charlie Hebdo excelle dans l'outrance et le mauvais goût... Mais on peut aussi prendre cette vignette au premier degré…
Charlie Hebdo peut aussi exiger la démission du directeur général de l'ANSES, M. Roger Genet, au motif qu'il a osé dire des vérités dérangeantes, et des médias peuvent répercuter complaisamment cet appel.
Mais le gouvernement ferait bien de s'interroger – y compris sur son propre fonctionnement, ou plutôt dysfonctionnement. Quand on institue des agences indépendantes, censées prendre des décisions sur la base de faits et non d'émotions, on doit veiller à garantir son indépendance.
Pour résumer, il est grand temps de déployer une stratégie de pédagogie sur les véritables enjeux.
Selon l'éditorial, « Charlie Hebdo [est] encore menacé de mort »...
Instrumentalisation indigente d'une drame, mais bon...
Charlie Hebdo a le bon goût de produire un numéro spécial sur les pesticides supposément mortifères pour les humains en présentant ses contributeurs avec une... pipe...
Vient de tomber (à l'heure où nous écrivons) :
« Interdiction du glyphosate : l’heure pour la France de combler son retard écologique »
par « un collectif d'associations »... dont, évidemment, Générations Futures.
Comme l'explique un autre collectif dans Libération, « Tribune – Lobbying : associations et entreprises ne sont pas les deux faces d’une même pièce »
Mais là, Générations Futures n'est pas parmi les signataires. Il est vrai que la petite entreprise est un peu en indélicatesse avec les règles de transparence et la HATP (lire l'excellent article d'Alerte Environnement.