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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

10 conseils pour une meilleure communication sur les pesticides et les risques

14 Septembre 2018 , Rédigé par Seppi Publié dans #Pesticides, #Risk-monger

10 conseils pour une meilleure communication sur les pesticides et les risques

 

David Zaruk*

 

 

 

 

L'un des plus grands défis pour un professionnel de la communication sur les risques est aujourd'hui de délivrer des messages positifs sur les pesticides. Comme tout processus de communication, la confiance est essentielle, mais dans un monde de chimiophobie, la confiance dans les produits chimiques est une denrée rare. Les pesticides trouvés dans les aliments que le public consomme créent une vulnérabilité (peur) qui ne peut pas être facilement surmontée. Les gens doivent être convaincus que leur nourriture est saine, que les éventuels résidus de pesticides ne présentent aucun risque et sont là pour une raison. Dans ce cas, nous demandons à une mère qui nourrit son enfant de faire confiance à l'industrie chimique… un défi en effet.

 

Ce ne serait pas deux fois moins difficile si les opportunistes ne cherchaient pas à tirer parti d’une population vulnérable, soucieuse de sa santé et de l’environnement. Quand les réseaux sociaux donnent l'impression que le cancer vous guette à chaque cuillerée, les consommateurs effrayés sortent leur portefeuille et succombent au rêve d'un monde sans produits chimiques.

 

Le récit orchestré par la communauté des activistes chimiophobes est que les pesticides sont dangereux pour les consommateurs, inutiles et destructeurs de l'environnement. Ils ont incité la plupart d’entre nous à penser qu’il devait y avoir une conspiration maléfique de l’industrie voulant polluer la campagne, empoisonner les enfants et profiter des ravages de cancers provoqués intentionnellement.

 

Les militants anti-OGM ont récemment modifié leur stratégie pour se concentrer sur la manière dont les semences sont sélectionnées pour résister à certains pesticides. Les attaques des activistes contre le glyphosate faisaient partie d'une campagne anti-OGM. Leur logique est claire : attaquer le riz doré ou le brinjal (aubergine) GM ne va pas augmenter les adhésions ou les dons, mais les pesticides suscitent la peur du public au prix d'un effort minimal.

 

Donc, pour ceux qui relèvent le défi de faire réagir le public favorablement aux pesticides (ou aux semences résistantes à des pesticides), permettez-moi de cataloguer ce que j'estime être dix bonnes pratiques. Il y a eu des erreurs dans le passé, et il y en aura probablement à l'avenir, mais peut-être qu'une discussion ouverte est le meilleur point de départ.

 

 

 

 

1. Ne pas minimiser la peur des gens et ne pas rejeter leurs préoccupations

 

Les personnes qui ont des connaissances scientifiques comprennent que les niveaux de résidus de pesticides présents dans la plupart des aliments sont insignifiants, que les niveaux de produits chimiques naturels dangereux sont relativement élevés et que des décennies de recherche sous-tendent les autorisations des pesticides et leurs conditions d'emploi. Mais le grand public ne le sait pas et il a été amené à croire, tout récemment avec les Monsanto Papers, que personne ne sait avec certitude si les pesticides sont sans danger. Un scientifique qui ne prend pas les inquiétudes des gens au sérieux, peu importe qu'elles soient ridicules, est rapidement rejeté.

 

Lorsque les gens se sentent vulnérables, ils recherchent une personne en qui ils peuvent avoir confiance et qui les comprend. Ne répondez pas à leurs questions avec des données, des noms chimiques repoussants ou des titres de scientifiques ou d’institutions importants. Essayez de mettre votre réponse dans une histoire personnelle, comparez le risque à celui d'une exposition quotidienne (comme une tasse de café) et essayez de démontrer pourquoi les agriculteurs utilisent ces produits. Les gourous anti-chimiques sont devenus populaires parce qu'ils ont compris et partagé les vulnérabilités ressenties par la population.

 

 

2. Louer les réalisations : des rendements plus élevés, des récoltes sûres, moins de travail

 

Malthus pensait que le monde ne pourrait pas nourrir un milliard de personnes. L’agro-technologie a permis à l’homme de nourrir une population toujours croissante avec des rendements plus élevés et moins d’intrants, et cela devrait être célébré. L'homme est un animal racontant des histoires et le développement de chaque pesticide est une histoire de la manière dont les scientifiques ont pu trouver un moyen de résoudre un problème et de permettre aux agriculteurs de conduire avec succès une culture du semis à la récolte. Les enfants de la plupart des pays n'ont plus besoin de passer leurs étés à arracher des mauvaises herbes. La meilleure histoire à raconter est celle de la sécurité alimentaire : nous ne vivons plus dans la peur des mauvaises récoltes au plan mondial – la technologie est éprouvée et fiable.

 

 

3. Faire bien comprendre que l'origine, naturelle ou synthétique, n'est pas un problème

 

Un récit culturel dominant aujourd'hui est axé sur la confiance dans le naturel. Les lobbyistes de l'alimentation biologique aiment prétendre que leurs pesticides sont plus sûrs parce qu'ils proviennent d'une source naturelle [ma note : quand ils sont obligés d'admettre que le bio utilise aussi des pesticides]. Mais le public doit comprendre que tous les pesticides contiennent des toxines utilisées pour résoudre des problèmes spécifiques (s’ils n'étaient pas efficaces, ils ne seraient pas utilisés). Les consommateurs doivent être rassurés sur le fait que toutes les toxines utilisées dans la protection des plantes, qu’elles soient d’origine naturelle ou synthétique, ont été bien testées et sont sûres. La filière biologique doit se comporter de manière plus éthique sur ce point.

 

4. Utiliser des termes précis lorsque cela est possible : insecticide, herbicide, fongicide

 

Le mot « pesticide » a évidemment une mauvaise connotation. Plus important encore, il ne dit pas ce que fait la substance. Un insecticide tue les insectes – les insectes mangent les cultures. Si le public a une meilleure idée de ce que fait une substance, elle peut mieux en accepter la nécessité. Bien que nous ne voulions pas de pesticides, nous ne voulons pas non plus d’insectes dans nos aliments, de mauvaises herbes dans notre jardin ou de moisissures ou de pourriture sur nos plantes. Un vocabulaire précis est essentiel dans la communication sur les risques.

 

 

5. Montrer pourquoi les agriculteurs utilisent des pesticides (avantages) et qu'ils ne le font que lorsque cela est nécessaire

 

Les agriculteurs et l'agriculture sont perçus différemment. L'agriculture est considérée comme un processus assez simple : vous semez une graine et au bout de quelques mois, vous faites une récolte que vous allez vendre sur le marché (…et une fois, j'ai fait pousser des haricots dans mon jardin !). Les agriculteurs conventionnels, quant à eux, semblent travailler pour un complexe industriel, empoisonner la terre et ne pas s’intéresser à la santé publique. La discours du lobby des produits biologiques selon lequel les agriculteurs conventionnels traitent (aspergent, arrosent…) sans retenue est inexcusable. Le public doit comprendre que les agriculteurs n'utilisent des pesticides que lorsqu'il y a une raison, aux doses les plus basses possibles (cela coûte de l'argent) et en gardant à l'esprit la prévention. Il y a des avantages évidents à les utiliser. Si un agriculteur pouvait cultiver avec succès sans pesticides, il le ferait sûrement.

 

 

6. Présenter les pesticides en tant qu'éléments de la boîte à outils des agriculteurs utilisés pour des tâches difficiles

 

La lutte intégrée contre les ravageurs est un bon exemple du fait qu'un agriculteur dispose de nombreux outils, y compris des pesticides, pour produire une récolte pour la mettre sur le marché. Mais ces outils doivent être de la meilleure qualité (les agriculteurs utilisent généralement les meilleurs outils de protection des plantes disponibles). Chaque fois qu'un pesticide est retiré du marché (et cela se produit à un rythme alarmant à Bruxelles), les agriculteurs doivent rechercher d'autres outils (souvent des pesticides plus anciens avec des profils moins durables). Le public, en particulier les médias et les décideurs, doit comprendre que l'interdiction d'importants outils agricoles n'est pas nécessairement un pas dans la bonne direction.

 

 

7. Souligner la tendance à la diminution des doses au cours des 50 dernières années, et l'apparition de meilleures technologies

 

Les premiers pesticides apparus sur le marché dans les années 60 étaient certes assez durs (comme toute technologie émergente). Mais au cours des 50 dernières années, les scientifiques ont travaillé continuellement à améliorer les technologies agricoles (gestion des produits), à réduire les doses, à réduire les impacts sur l'environnement et la santé et à améliorer les performances des cultures. Les activistes aiment représenter l’industrie avec de vieilles images de poudreuses et de produits chimiques de qualité militaire – ils savent que le public pourrait être attiré par les technologies de pointe. L'agriculture de précision est un exemple d'une technologie attrayante qui peut captiver l'imagination du public si l'histoire est bien racontée.

 

8 Démontrer visuellement le volume des études sur la conformité aux bons principes

 

Le processus d'évaluation des risques liés aux pesticides n'est pas bien compris et la confiance dans les organismes de réglementation diminue. Les activistes ont décrit le processus comme quelque chose de sinistre : une entreprise met sur le marché un poison sans aucune donnée, et lorsque les cancers commencent à augmenter, l'entreprise fait pression sur les régulateurs pour leur permettre de continuer à faire des profits. Si les gens comprenaient la quantité de tests et de mesures de conformité requis avant la mise sur le marché d’un produit et le niveau de recherche requis pour le maintenir sur le marché, leur confiance dans le processus pourrait s’améliorer. J'entends souvent les termes « 10 ans et 10 000 pages » pour décrire le fonctionnement du processus d'évaluation des risques. Cette image doit être visualisée de manière à montrer le volume de travail et de recherche requis pour se conformer aux règles.

 

 

9. Mettre la toxicité dans un contexte de banalisation

 

La plupart des gens sont fâchés avec les chiffres (certains achètent des billets de loterie dans l'espoir de rembourser leur découvert de carte de crédit). Exprimer la toxicité en termes de DL50 à une personne qui assimile « chimique » à « cancer » est une perte de temps. Vous devez mettre la toxicité dans un contexte que les gens comprennent. Par exemple, si vous expliquez qu'une tasse de café contient une quantité de substances cancérigènes supérieure à l'ensemble des résidus de pesticides absorbés par la consommation de fruits et de légumes pendant toute une année (Bruce Ames), les gens peuvent commencer à comprendre le risque (ou cesser de boire du café...). Dire que le glyphosate a une très faible toxicité n'a pas de sens, mais si vous montrez à quel point il est moins toxique que les ingrédients contenus dans le chocolat ou les biscuits, peut-être qu'ils comprendront. J'appelle cela la banalisation du risque.

 

 

10. Aider les gens à trouver plus d'informations par eux-mêmes

 

L'appropriation est un élément essentiel de la confiance. Je crains davantage de prendre l'avion que de conduire ma voiture à l'aéroport parce que je sais que je pilote le véhicule. Si je peux trouver des informations correctes sur les pesticides moi-même, je vais acquérir ma propre compréhension des problèmes. Tout effort de communication devrait laisser à l'auditoire le moyen de se renseigner par lui-même. Lorsque je dis aux gens qu'il y a plus de substances cancérigènes dans une tasse de café, je leur demande de chercher « Bruce Ames + café + pesticides » avec leur moteur de recherche. Il y a beaucoup d'informations disponibles, mais il faut envoyer les gens dans la bonne direction. Un récepteur passif entend des informations, un actif les saisit.

 

 

Ces 10 règles facilitent la communication sur les pesticides. Bien sûr, toute personne qui s'y est frottée attestera que la tâche est difficile. Il y a beaucoup d'activistes intelligents et manipulateurs qui ont toujours une longueur d'avance sur vous, utilisant des outils de peur comme les enfants, les abeilles et la phobie du cancer pour saper la confiance du public. Les ONG ou les gourous des réseaux sociaux n'ont pas de code de conduite éthique limitant leur comportement (de sorte que leurs mensonges et leurs discours anxiogènes peuvent être justifiés par une sorte d'éthique du zélote machiavélique). Ni l'industrie ni les régulateurs ne peuvent se comporter selon les mêmes règles.

 

Un élément important de la confiance est le messager. Un porte-parole de l'industrie est probablement la voix la moins crédible pour livrer une histoire positive sur les pesticides. Les agriculteurs et les scientifiques doivent s'investir davantage et être les conteurs. Ils vont eux aussi souffrir de l'agression continue contre l'agro-technologie.

 

Je suis sûr qu'il doit y avoir dix règles de plus à ajouter à cette conversation et que chaque pesticide ou catégorie de substances est différent. Les cultures ont des perspectives différentes (de nombreuses langues considèrent les pesticides comme des médicaments pour les plantes) et il existe différents niveaux de connaissances scientifiques. Une chose est certaine : nous avons une idée générale de ce qui ne fonctionne pas lorsque nous communiquons sur les pesticides. Les choses ne peuvent que s'améliorer… n'est-ce pas ?

 

_____________

 

* David Zaruk est spécialiste de la communication en matière de science et de risques depuis 2000 ; il est intervenu dans les événements politiques européens de REACH et SCALE à la directive sur les pesticides, des questions de Science dans la Société à l'utilisation du principe de précaution. Suivez-le sur Twitter @zaruk.

 

Cet article a été publié à l'origine dans European Seed sous le titre « The Risk Corner: Ten Rules for Communicating on Pesticides » (le coin du risque : dix règles pour communiquer sur les pesticides).

 

Source : https://geneticliteracyproject.org/2018/08/31/10-tips-for-better-communication-about-pesticide-science-risks/

 

 

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F
Le point 5 me semble essentiel. Beaucoup sont persuadés que les agriculteurs répandent des pesticides à tour de bras sans que ce soit nécessaire. Idem pour l'administration d'antibiotiques aux animaux d'élevage. L'image des agriculteurs est désastreuse: ils sont vus comme des marionnettes manipulées par les industriels. Que font les syndicats agricoles pour changer ça?
Répondre
S
Bonjour,<br /> <br /> Merci pour votre commentaire.<br /> <br /> Vous avez raison. Je pense que les syndicats agricoles font fausse route.<br /> <br /> Il y a pourtant moyen de véhiculer des messages simples. Par ex. :<br /> <br /> https://twitter.com/brunepoirson/status/1036146703156563973