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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Cépages résistants au mildiou et à l'oïdium : c'est 'Resdur', dur, dur

28 Août 2018 , Rédigé par Seppi Publié dans #amélioration des plantes

Cépages résistants au mildiou et à l'oïdium : c'est 'Resdur', dur, dur

 

La longue marche des chercheurs de l'INRA et la démission médiatique de ses cadres

 

 

 

Pour en savoir plus sur les travaux d'Alain Bouquet et l'INRA, par Alain Carbonneau. Les deux étaient inséparables et j'ai pu apprécier leur compagnie au réfectoire, à Montpellier (Source)

 

 

Dans un billet précédent, « L'INRA doit promouvoir le progrès, pas les obscurantismes », nous avions évoqué brièvement la stratégie de l'Institut National de la Recherche Agronomique (INRA) s'agissant de la vigne. Nous avions noté que « d'importants travaux de feu Alain Bouquet qui se poursuivent sans nul doute à l'abri des regards et de la communication institutionnelle », mais qu'on se complaisait dans la stratégie et la sociologie, alors que l'Agroscope suisse co-construisait le progrès agronomique.

 

 

L'INRA sort quatre cépages résistants à l'oïdium et au mildiou

 

Les Suisses (comme les Allemands) avaient fait le choix pragmatique des cépages à résistances (a priori) simples aux maladies et ont produit des cépages comme le Gamaret, le Garanoir et le Diolinoir qui sont maintenant en production, en bouteilles et sur les étals. La recherche française a souhaité jouer la prudence avec des résistances polygéniques, moins susceptibles d'être contournées.

 

C'est un choix qui se défend en théorie. Mais il avait « suscité une certaine frustration et incompréhension dans le groupe, qui avait pu auparavant découvrir l’approche pragmatique de nos voisins helvétiques et allemands sur le traitement de la recherche sur les cépages résistants » (c'est ici, une excellente source d'informations). Ou encore une critique bien plus vive de M. Alain Carbonneau qui s'est fondé sur les analyses génétiques.

 

Cela a en tout cas retardé la confrontation des milieux viti-vinicoles et de la société tout entière aux perspectives de progrès génétique – et environnemental – de deux décennies.

 

Ce choix a abouti à l’inscription au catalogue officiel, fin janvier 2018, d''Artaban', de 'Floreal', de 'Vidoc' et de 'Voltis', quatre cépages issus du programme de sélection Resdur 1 (pour « résistance durable ») lancé en 2000. Ce sont les descendants de croisements entre des variétés Bouquet – issues d'un patient programme de 30 ans, de 1979 à 2009 – et des variétés allemandes, l'une du Julius Kühn Institut et l'autre de l'Institut d'État de Viticulture de Fribourg.

 

 

Du génie génétique complexe, produit du génie humain

 

Schéma de sélection des variétés (Alain) Bouquet. La génération F1 contient un génome à 50 % de Vitis vinifera et 50 % de Muscadinia rotondifolia. Dans le premier rétro-croisement (RC1), la part de M. rotondifolia est (statistiquement) divisée par deux, et tombe à 25 %. Cette part est divisée par deux à chaque génération de rétro-croisement, de sorte qu'il reste 1,5 % de M. rotondifolia Dans le RC5. Mais ces 1,5 % peuvent inclure des choses fort indésirables ! (Source du graphique et des deux suivants)

 

 

Schéma de sélection des variétés Resdur (« SAM » = sélection assistée par marqueurs).

 

 

Le cépage 'Bronner' est un croisement de 'Merzling' et d'un plant non commercial, 'Gm 6494', qui est lui-même un croisement 'Zarya Severa' x 'St. Laurent', le premier étant un croisement 'Précoce de Malingre' x Vitis amurensis réalisé à l'Institut Potapenko de Rostov sur le Don en Russie.

 

Avez-vous suivi ? Le 'Bronner' contient (statistiquement et si mes neurones sont bien connectés) 12,5 % du génome de la vigne de l'Amour (du fleuve). Celle-ci est certes cultivée en Extrême-Orient pour ses raisins de cuve depuis l'entre-deux-guerres, mais tout de même... les effets hors-cible... 'Merzling' contient aussi des gènes de Vitis lincecumii et V. rupestris.

 

Nous ne consulterons pas ce directeur de recherche de l'INRA qui fait cause commune avec les anti-OGM et anti-NBT (nouvelles techniques génomiques) pour connaître les risques de et des « hors-cible » ; ni Leurs Honneurs de Luxembourg pour savoir si ces croisements interspécifiques voire intergénériques conçus par des générations d'esprits diaboliques, violant les lois de Dame Nature, sont des «  techniques [...] qui ont été traditionnellement utilisées pour diverses applications » – c'est manifestement le cas car 'Zarya Severa' a été créé en 1936 – « et dont la sécurité est avérée depuis longtemps ».

 

Quant au 'Regent', Wikipedia en allemand nous dit qu'il a dans son pedigree, outre Vitis vinifera, notre bonne vigne qui enivrait le dieu Bacchus, V. aestivalis, V. cinerea, V. labrusca, V. lincecumii, V. riparia und V. rupestris.

 

Un communiqué de presse qui ne fait pas le buzz...

 

L'INRA a publié un communiqué de presse – « L'Inra obtient l'inscription au catalogue de quatre variétés sélectionnées pour la viticulture durable » – le 24 janvier 2018 pour annoncer l'inscription des quatre cépages au catalogue – ce qui implique une autorisation de commercialisation et de plantation (avec quelques restrictions dans le cas des zones à appellations). On ne peut pas dire que la réception a été bonne : impact dans les médias généralistes nul ou quasi ! Nous n'avons guère trouvé (sans trop chercher) qu'un article dans cet Ouest-France qui considère que l'actualité agricole est digne d'être diffusée.

 

 

...sauf chez... Syngenta !...

 

Il y avait aussi un billet sur le site de... Syngenta, avec ce commentaire :

 

« Elles possèdent une résistance totale à l'oïdium, et élevée au mildiou. Une solution pour réduire les applications de fongicides, jusqu’à 90 % dans certains essais régionaux. Même si ces variétés restent sensibles au black-rot, elles représentent un moyen important de réduire l'impact environnemental de la viticulture, sans renoncer à la qualité des vins. Car les chercheurs l’affirment : les caractéristiques organoleptiques de ces vins sont comparables à celles des cépages témoins. »

 

Comme quoi on peut être producteur de pesticides et informer sa clientèle de manière très positive sur un progrès génétique qui réduit son propre marché de pesticides... Avis aux activistes friands de conspirations...

 

 

...car une bonne nouvelle pour la société et l'environnement est mauvaise pour les médias

 

Mais que dit notamment le communiqué de presse ? Le titre est pourtant accrocheur :

 

« L'Inra obtient l'inscription au catalogue de quatre variétés sélectionnées pour la viticulture durable ».

 

Mais il y a aussi :

 

« ...l'inscription au catalogue officiel de quatre variétés dotées de résistances naturelles au mildiou et à l'oïdium... »

 

Pfff ! Ce n'est pas une nouvelle médiatiquement bonne parce qu'elle n'est pas substantivement mauvaise et alarmante, style... voyons voir... nous avons l'embarras du choix...

 

Mais à propos, qu'est-ce que des « résistances naturelles » ? Le politiquement correct hystérique a encore frappé...

 

Nouveau flop médiatique au Salon International de l'Agriculture

 

Idem au Salon International de l'Agriculture où les cépages et leurs premiers vins ont également été présentés, avec le même « succès ». Là encore, nous n'avons guère trouvé qu'un article de la Dépêche et un autre de Sciences et Avenir.

 

Terre-Net relève (c'est M. Philippe Maugain, PDG de l'INRA, qui parle) :

 

« "Nous prévoyons de sortir vingt variétés nouvelles de cépages de plus en 2019", a-t-il ajouté. Les cépages ne sont pas issus de mutations génétiques mais de sélection et de croisement traditionnel, a-t-il précisé, en soulignant le travail de "longue haleine et de modestie" nécessaire pour "identifier sur des vignes sauvages les gènes naturellement résistants", les «"croiser" avec des variétés déjà utilisées en viticulture, et ensuite les tester en grandeur nature, "en allant jusqu'à la récolte et jusqu'au vin". »

 

La complaisance pour l'obscurantisme a franchi des degrés supplémentaires !

 

C'était, paraît-il, lors d'un entretien avec l'AFP. Mais visiblement, faire savoir qu'on peut réduire les traitement de la vigne contre le mildiou et l'oïdium de 80 % (voire plus) n'est pas digne d'être répercuté...

 

 

 

La « science post-normale » à l'INRA

 

Quittons ce chapitre bien triste sur cette perle, un encart d'une page de l'INRA, « Vignes résistantes au mildiou et à l‘oïdium : un déploiement responsable » :

 

« La Science Post-Normale

 

La Science Post-Normale (PNS – Post-Normal Science) est un concept proposé par Silvio Funtowicz et Jérôme Ravetz et présenté pour la première fois à la conférence inaugurale de la Société Internationale d‘Economie Ecologique en 1990. La Science Post-Normale postule que les défis auxquels la politique scientifique actuelle fait face ne sont pas caractérisés par des phénomènes simples, réguliers et certains. C’est pourquoi les réponses fournies par la science "normale" sont nécessaires, mais ne suffisent pas. Dans ce contexte, la PNS plaide pour une participation étendue dans le processus de prise de décision, avec un dialogue ouvert constant entre tous les acteurs affectés, ce que Funtowicz et Ravetz appellent "une communauté de pairs étendue". »

 

Nous supposerons – avec un brin de charité – qu'on accepte encore dans certains départements de l'INRA que « les réponses fournies par la science "normale" sont nécessaires ». Et, comme on l'a vu, il arrive même que M. Philippe Maugain, PDG de l'INRA, présente les fruits de cette « science normale », mais en prenant soin de ne pas heurter la « science post-normale ».

 

Nous verrons dans un billet à suivre que cette politique est absurde et ne fait rien, au contraire, pour désamorcer les oppositions.

 

 

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R
Il serait intéressant de savoir si l'on pourrait rendre des variétés traditionnelles actuelles qui ont fait leurs preuves au niveau goût (raisins de table ) ou par le vin obtenu (raisins de cuve )résistantes à ces maladies par le moyen de la technologie CRIPR cas 9 et là , ça serait VRAIMENT le top !
Répondre
S
Bonjour,<br /> <br /> Merci pour votre commentaire.<br /> <br /> Je ne peux pas vraiment répondre à cette question.<br /> <br /> Si les gènes des espèces voisines diffèrent de ceux de Vitis vinifera par un nombre limité de bases, CRISP/Cas est une solution. <br /> <br /> Je suppose cependant qu'on peut le faire par transgénèse ou plutôt, maintenant, par cisgénèse (transfert de gènes, maintenant intégrés dans le génome de Vitis vinifera, dans des cépages particuliers).<br /> <br /> Mais les activistes s'opposent à l'un comme à l'autre… Et l'INRA a démissionné de ses responsabilités...