« Avaaz Papers » : jusqu'où vont les compromissions du « spécialiste invité » du CIRC Christopher Portier ?
Voici des informations sur les turpitudes de M. Christopher Portier (et quelques autres) que le Monde Planète et ses journalistes si friands de conflits d'intérêts (mais qui en profitent en acceptant certains prix de journalisme... nobody is perfect) ne daignera pas communiquer à ses lecteurs. Pas dans la ligne militante...
En février 2018, nous avions publié « Monsanto se rebiffe... pauvre Avaaz ». En bref, Monsanto avait saisi la justice états-unienne pour se faire délivrer toute une série de documents d'Avaaz dans le cadre d'une discovery.
Le journal Politico a mis en ligne une série d'échanges entre les gens d'Avaaz et M. Christopher Portier.
Rappelons que M. Portier, après une carrière au sein d'institutions états-uniennes de santé, s'est mis au service du militantisme anti-technologie. Il a notamment été un « spécialiste invité » au groupe de travail du Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) et, moins de deux semaines après et contre coquette rémunération, s'est mis au service de cabinets d'avocats prédateurs cherchant à faire les poches de Monsanto, ainsi qu'au service d'entités se disant généralement « ONG » militant contre la réautorisation du glyphosate en Europe (on peut adopter cette forme verbale – plutôt qu'« ayant milité » – malgré la décision d'accorder une nouvelle licence de cinq ans : le dossier n'est pas encore définitivement clos, les escarmouches continuent et la grande partie sera certainement remise pour l'échéance de 2022).
Rappelons aussi qu'Avaaz se prétend « mouvement mondial qui donne aux citoyens les moyens de peser sur les prises de décision partout ». En bref, un tiroir-caisse incorporé dans le Delaware, paradis fiscal états-unien, qui lance des pétitions sur internet sur des sujets susceptibles de faire entrer du cash... dont la réautorisation du glyphosate en Europe.
En bref, les échanges de courriels montrent que M. Portier a contribué à l'activisme d'Avaaz, ainsi que l'imbrication d'Avaaz et de M. Portier dans un réseau plus vaste.
Un fil de courriels de juillet 2017 montre des relations avec M. Francesco Forastiere, du Service Régional de Santé de la Région du Lazio, Italie, et M. Hans Kromhout, de l'Université d'Utrecht, Pays-Bas. Leur particularité : ils furent tous deux membres du groupe de travail du CIRC qui a classé le glyphosate en « probablement cancérogène » en mars 2015. Une preuve de plus que l'activisme anti-glyphosate n'était pas présent au CIRC uniquement en la personne de Christopher Portier.
Le réseau s'étend à M. Peter Clausing, dont l'une des dernières fonctions semble être celle de membre du comité exécutif de PAN [Pesticide Action Network] Germany. Avec une formation de toxicologue, il a contribué à l'activisme anti-glyphosate par des documents de fond. Il a aussi été un « témoin » à la mascarade du Tribunal International Monsanto.
En novembre 2017, à la suite de la décision surprise des États membres de prolonger l'autorisation du glyphosate, M. Jan Grossarth, un journaliste économique de la Frankfurter Allgemeine Zeitung, a écrit : « Vernünftige Glyphosat-Verlängerung » (une décision de prolongation du glyphosate raisonnable). En chapô :
« On pourra encore utiliser le glyphosate au cours des prochaines années dans l'UE. Cela semble raisonnable. Car derrière les arguments des activistes, il y a beaucoup de points d'interrogation. »
Cela n'a pas plu à ces gens d'Avaaz Allemagne. M. Daniel Boese, media campaigner (chargé de campagne en direction des médias) demande donc à M. Portier d'envoyer une réponse à la FAZ. Mieux encore, il lui propose des éléments de langage (c'est nous qui graissons) !
« Seriez-vous prêt à écrire une courte lettre à l'éditeur de la FAZ, répondant à leur éditorial d'aujourd'hui ? Il crée une fausse équivalence entre le CIRC, d'un côté, et toutes les agences de gestion des risques comme l'EFSA, de l'autre. Vous devez essentiellement rappeler la fausse équivalence en rappelant aux rédacteurs que le CIRC est la seule agence qui ne s'appuie pas sur les données de l'industrie et qui est vraiment indépendante.
C'est un argument clé que vous, nous et beaucoup d'autres devrons faire au cours des mois/années à venir et répéter sans cesse. Il a fonctionné pour la science du climat, mais il a fallu beaucoup de temps pour le faire coller. »
Puis, dans le courriel suivant, avec la traduction anglaise de l'éditorial :
« L'argument clé à opposer avec une lettre à l'éditeur est la fausse équivalence entre le CIRC et des agences comme l'ECHA et l'EFSA. Il faut lui rappeler que [le CIRC] est le seul organisme indépendant qui ne se fonde pas sur la science payée et résumée et analysée par l'industrie. Sur le deuxième argument, sur les chapitres plagiés dans l'évaluation des risques, vous pouvez également souligner que le chapitre sur la cancérogénicité n'est peut-être qu'une fraction du rapport complet (je crois 80 pages sur 1600) – mais évidemment il est absolument central à la décision. et pas une sous-section non pertinente. »
Et que croyez-vous qu'il fît, M. Portier ? Il obtempéra en partie !
« Grossarth a exagérément simplifié les arguments concernant la cancérogénicité du glyphosate. Bien que le CIRC soit le seul organisme à déclarer le glyphosate comme cancérogène probable pour les humains, il est également le seul forum où des scientifiques indépendants ont objectivement examiné les preuves scientifiques sur cette question et ont offert une évaluation indépendante sans pression commerciale ou politique. [...] »
Lisez bien la fin de la citation : c'est implicitement une accusation gravissime portée contre les autres forums. M. Portier enfonce le clou en conclusion :
« Il est maintenant temps pour les scientifiques indépendants d'examiner de près les pratiques des régulateurs de pesticides dans le monde entier et de corriger les nombreuses failles dans la façon dont ils évaluent les preuves scientifiques. »
On peut évidemment éclater de rire... Un Portier empêtré dans un réseau de conflits d'intérêts donnant une leçon d'indépendance et d'honnêteté...
Mais on peut aussi trouver cela pathétique. Qu'a dit M. Portier lors de son audition par la Commission PEST du Parlement Européen chargée d'examiner la procédure d'autorisation des pesticides dans l'UE : en bref et si nous avons bien compris, que le système d'évaluation est de bonne qualité et ne nécessite que quelques ajustements mineurs !
Petit clin d'œil à des avocats de cabinets prédateurs états-unien ; aux activistes de l'USRTK, porte-voix et porte-flingue du biobusiness ; et aux journalistes primés (grâce à des conflits d'intérêts dans les jurys) pour leur travail d'« investigation » sur les « Monsanto Papers » : quand Monsanto contribue à des articles, c'est du ghostwriting... et quand les gens d'Avaaz disent à M. Portier ce qu'il faut écrire, c'est quoi ?
M. Boese recommande même à M. Portier d'ajouter « son impressionnant en-tête de lettre/signature avec PhD, CV, etc. ». Pour autant que nous pouvons voir sur internet, cela n'a pas impressionné les rédacteurs de la FAZ.