Au secours ! Lyssenko revient à l'INRA
Le portrait d'Einstein au-dessus de cette bouse… quelle insulte à sa mémoire !
Avertissement : c'est un titre putaclic... Mea culpa... faute avouée est à moitié pardonnée, n'est-il pas ?
Il ne s'agira pas non plus de science, d'agronomie, de recherche.
L'Institut National de la Recherche Agronomique (INRA) a mis en ligne le 23 mai 2018 un dossier, « Le glyphosate, un pesticide parmi les autres ? ». Comme tout texte qui fait honneur à la rationalité de base, il débute par une introduction, laquelle est suivie des articles suivants :
Glyphosate et santé humaine : pas de certitude
Glyphosate et environnement : encore matière à recherche
Glyphosate en agriculture : pas irremplaçable, sauf…
Se passer de pesticides : des solutions à conjuguer
Un verger pionnier avec moitié moins de pesticides
De l'introduction :
« L’autorisation précédente du glyphosate a pris fin le 30 juin 2016. Le 27 novembre 2017, l’UE a voté une prolongation de 5 ans de la substance active. La France pour sa part s’est prononcée pour une prolongation de seulement trois ans des produits commerciaux. De plus en France, le glyphosate est interdit dans les espaces publics depuis le 1er janvier 2017 et le sera pour les particuliers le 1er janvier 2019.
Dans ce contexte, et à la demande des ministères en charge de l’Agriculture et de l’Environnement, l’Inra a piloté une étude qui analyse les leviers et freins spécifiques à la suppression du glyphosate en agriculture et le replace dans la perspective plus globale de diminution des pesticides du plan Ecophyto.
Ce dossier commente les résultats de cette étude et, plus globalement, donne des éléments informatifs sur les recherches menées à l’Inra sur différents aspects de la problématique du glyphosate. »
Nous trouvons à redire sur ce dossier, quant au fond, mais cela risquerait de nous mener loin. Notons toutefois qu'à aucun moment, l'INRA ne pose la seule vraie question qui mérite d'être posée : pourquoi faudrait-il interdire le glyphosate ? Admettons cependant que la prudence est de mise quand le dossier risque de chatouiller le bâilleur de fonds... voire la servilité quand le carriérisme prévaut sur le civisme...
Mais peut-être sommes nous trop exigeant, trop critique...
Le premier article de fond est intitulé de manière très cavalière « Glyphosate et santé humaine : pas de certitude »... prudence... servilité... Parce que, en fait, l'article ne laisse guère de place aux incertitudes...
Voici la réponse à la troisième question :
« Puisqu’il y a désaccord sur l’évaluation du glyphosate, ne doit-on pas le retirer en application du principe de précaution ?
G. P. : A mon sens, une application intelligente du principe de précaution se fait à partir d’une analyse de risques, et non pas sur l’existence d’un danger. Sinon, on serait conduit à interdire beaucoup de choses, y compris l’automobile…Le glyphosate, de par ses avantages, a été très (trop ?) utilisé dans le monde. De plus, dans l’opinion publique, il est lié aux OGM résistants aux herbicides. Je pense donc qu’il est condamné à terme, non pas pour des raisons scientifiques en lien avec la santé humaine, mais à cause de la perception de la société, qui rejette ainsi un certain modèle d’agriculture. Ce rejet reflète une inquiétude générale par rapport à un environnement imprégné de produits chimiques dont on ne connaît pas tous les effets, comme les effets chroniques, à long terme ou cocktails. »
Qui a osé asséner des vérités qui dérangent de manière courageuse, voire téméraire à l'aune de la « nécessaire » prudence institutionnelle ? M. Gérard Pascal.
Mais quel est le lien avec Trofym Lyssenko ?
En bref, de nombreux scientifiques soviétiques qui ne partageaient pas les vues de Lyssenko ou, pire, étaient des tenants de cette génétique vilipendée comme « science bourgeoise », ont été malmenés en tant que dissidents. L'immense Nicolaï Vavilov est ainsi mort en prison en 1943. (Incidemment, cela vaut la peine de voir le traitement de Lyssenko sur Wikipedia dans différentes langues. La comparaison des articles sur Lyssenko et Vavilov est également éclairante... La fascination pour Lyssenko n'est pas morte en France...)
Vous l'aurez compris : M. Gérard Pascal a osé exposer en trois réponses la « science capitaliste ». Enfin, c'est un suppôt de la « science capitaliste », puisqu'il travaille pour l'industrie depuis son départ à la retraite, et il convient donc de purifier le site web de l'INRA en l'expurgeant.
Qui le dit ? Non pas un chercheur particulier, mais le Syndicat Sud Recherche. L'intitulé de son communiqué est tout un poème : « L’INRA endosse les propos d’un proche de l’industrie agrochimique et agroalimentaire sur la question du glyphosate, de la santé et des conflits d’intérêt ! »
Nous ne ferons pas l'exégèse de ce texte dégoulinant de vindicte, sinon plus.
Notons cependant cette phrase remarquable : « Encore pire, l’INRA, qui le présente comme un simple scientifique en exercice, lui demande son avis sur les soupçons de conflits d’intérêt dans l’évaluation du glyphosate ! »
Non, M. Pascal est présenté en introduction comme : « expert en santé de l’alimentation humaine », et dans une note comme : « ex-directeur de recherche à l’Inra ».
Mais il est vrai que quand les faits ne correspondent pas à l'objectif de la manœuvre...
« ...nous demandons à la direction de l’INRA la révision immédiate de son dossier en ligne "le glyphosate, un pesticide parmi d’autres ?" par le retrait de l’interview de Gérard Pascal, et l’annonce publique immédiate de nouvelles procédures concernant la prévention des conflits d’intérêt dans la communication institutionnelle de l’INRA. »
La popularité de ce communiqué était de 100 % quand nous l'avons consulté la première fois. Un score plus que soviétique, tombé à 79 % à l'heure où nous mettons en ligne. Il doit y avoir plein de petits Lyssenko à l'INRA...
[Ajout du 21 juillet 2018 : la popularité est tombée à 38 % ; on peut croire que c]e billet n'y est pas totalement étranger.]
Il y a des manifestations d'intolérance qui sont tout simplement intolérables.
Et c'est un ancien syndicaliste (enfin, dans le système des Nations Unies...) qui l'écrit.