Requiem pour les néonicotinoïdes : un échec du leadership européen
Risk-monger*
Vendredi dernier [27 avril 2018], le Comité Permanent de l'UE des Végétaux, des Animaux, des Denrées Alimentaires et des Aliments pour Animaux (PAFF) a voté l'interdiction proposée par la Commission Européenne de toutes les applications extérieures [hors serres permanentes sur des plantes ne sortant pas de la serre] de trois néonicotinoïdes principaux (imidaclopride, clothianidine et thiaméthoxame). Cela a couronné une empoignade de quatre ans qui opposait l'industrie et les agriculteurs d'un côté et les activistes et le lobby des produits biologiques de l'autre. Le Commissaire Européen à la Santé, Vytenis Adriukaitis, a vanté le vote en tant que preuve de l'utilisation cohérente de la science dans la politique de l'UE. Ce n'était pas du tout cela, et c'est triste, le commissaire le sait.
Le Commissaire Européen à la Santé sait très bien que la santé des pollinisateurs est une question compliquée et qu'il dispose de certains des meilleurs conseils scientifiques... mais il s'est arrangé pour les ignorer complètement.
Un seul laboratoire a signalé que les pesticides étaient la cause de la mortalité de colonies d'abeilles
Ses propres directeurs de la DG Santé (alors Sanco) ont présenté des preuves au moment de la première interdiction des néonics qui contredisaient l'affirmation selon laquelle les pesticides étaient un facteur de risque important pour la santé des pollinisateurs. Le Commissaire a financé plusieurs études Epilobee qui ont mené des enquêtes exhaustives sur les pollinisateurs à travers l'Europe et conclu qu'il n'y avait pas de déclin du nombre total de ruches, et que là où il y avait des déclins, c'était dû en grande partie aux hivers froids.
Andriukaitis a déclaré publiquement qu'il attendrait que le Centre Commun de Recherche (CCR) de la Commission publie ses conclusions sur les effets de l'interdiction provisoire des néonics de 2014 avant de prendre une décision sur une interdiction permanente.
Les conclusions du CCR montrent que l'on a utilisé plus de pesticides anciens. Mauvaise nouvelle pour les abeilles.
Le rapport du CCR a fuité l'année dernière et les conclusions étaient sombres : les agriculteurs ont été en général contraints d'utiliser des pesticides plus anciens, pulvérisés plus fréquemment, la plupart ayant un effet plus nocif sur la santé des pollinisateurs. Les coûts et le temps de travail ont augmenté et les agriculteurs ont dû passer plus de temps à parcourir leurs champs pour détecter rapidement les signes d'infestation. C'est le code pour : « plantez autre chose l'année prochaine », ce qui signifie qu'il y aura moins de variété dans la rotation des cultures et donc moins de gestion durable des sols.
L'analyse du CCR achevée, elle a été rebaptisée « étude », de sorte que le commissaire n'a pas eu besoin de la commenter ou même de la publier (il peut simplement demander au CCR de reprendre le dossier pour de nouvelles études !). Je ne vois malheureusement aucune preuve suggérant que quelqu'un d'important à la DG Santé ait même pris la peine de lire l'excellente « étude » du CCR ou l'article publié l'année dernière. Quoi qu'il en soit, la situation avait changé entre-temps : Andriukaitis avait reçu l'ordre d'interdire tous les usages des néonics (pas seulement celles qui pourraient affecter les pollinisateurs). L'étude du CCR semblait donc un peu « inconfortable ».
Je suis abasourdi quand j'essaie de comprendre pourquoi le Commissaire Andriukaitis a tourné le dos aux preuves éclatantes du CCR de l'échec d'une interdiction de précaution dans le sauvetage des abeilles, et a proposé d'interdire les outils de protection des plantes très avancés pour les cultures non florales comme la pomme de terre et la betterave à sucre. Les deux sont des produits agricoles essentiels dont dépendent les fabricants de produits alimentaires européens ; les deux risquent d'être moins cultivés, à l'aide d'outils agricoles moins durables. On peut voir ici un producteur de betterave à sucre expliquer que les semences traitées avec des néonics sont essentielles et qu'il n'y a pas d'alternatives comparables [voir aussi ici l'analyse de l'ANSES].
Peut-être que par « science », le Commissaire Andriukaitis a simplement voulu faire référence à l'Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (EFSA).
Oh, juste un autre fonctionnaire de la Commission fricotant avec des parties prenantes ?
Les évaluations de l'EFSA sur les trois néonics ont constitué une excellente étude de cas sur la science mise au service de politiques : la création de conditions pour forcer la science à justifier une position souhaitée. Il y a près de dix ans, Eric Poudelet, un apiculteur amateur, anti-industrie, a demandé à l'EFSA de mettre en place un groupe de travail sur l'évaluation des risques pour les abeilles afin d'élaborer un document d'orientation sur la manière de recueillir des données d'essais sur le terrain.
Nous savons aujourd'hui (y compris la haute direction de l'EFSA) que ce petit groupe de travail externe comprenait trois activistes anti-pesticides, lesquels ont contribué à ce qui est devenu le Bee Guidance Document (BGD – document d'orientation sur les abeilles) ; l'un d'eux, Gérard Arnold, a caché son conflit d'intérêts et essayé d'effacer les traces en ligne.
Sans surprise, le BGD a été conçu de manière si ridiculement stricte dans ses conditions qu'aucun test sur le terrain où les abeilles seraient exposées à des pesticides dans des situations réelles ne pourrait se conformer à ses exigences. Il a imposé une mortalité de référence des abeilles de 7 % au cours des essais (la mortalité moyenne des abeilles est de 15 %) et a insisté pour que les chercheurs suivent les abeilles sur des champs d'au moins 168 km²... bien trop vastes pour qu'on puisse en imaginer en Europe ! Ainsi, toutes les données de terrain produites par l'industrie lors des précédentes évaluations des risques ont été rejetées comme insuffisantes (ce que le BGD était censé faire par conception) et l'EFSA a été réduite à n'examiner que les données fournies par les tests d'alimentation en laboratoire dans lesquels on fait absorber des pesticides à un petit nombre d'abeilles confinées dans de petites cages. Sur la base de preuves insuffisantes issues des résultats de tests d'alimentation en laboratoire, l'EFSA ne pouvait que recommander des précautions sur les néonics.
Ce n'est pas tout ! L'horrible et biaisé document d'orientation sur les abeilles n'a jamais été accepté par les États membres – les conditions étaient trop sévères et irrationnelles. Cela signifie que la décision de l'UE d'interdire les trois néonics en 2014, à la suite du projet de BGD, ne reposait sur aucun document (juridiquement) légitime. Nous attendons toujours les résultats de l'instance introduite contre la Commission Européenne par Syngenta, BASF et Bayer. Le directeur de l'EFSA, Bernhard Url, est même allé jusqu'à dire au Parlement européen qu'on lui donné instruction d'utiliser le document d'orientation sur les abeilles, inutilisable, dans ses évaluations des trois néonics. Pourquoi un haut fonctionnaire d'une instance européenne parlerait-il si ouvertement contre la politique de sa hiérarchie s'il ne demandait pas que cette folie s'arrête ? Url est responsable de la réputation et de la crédibilité mondiale de l'EFSA.
Bien sûr, le projet de BGD déterminant les éléments de preuve admissibles dans les évaluations des risques de l'EFSA, la science de l'EFSA a été axée sur les politiques et manipulée par conception. Le Commissaire Andriukaitis sait tout cela et il a félicité le Comité Permanent d'avoir suivi la politique scientifique proposée par ses services. Cette pauvre âme doit juste compter les jours qui le séparent de la fin de la Commission Juncker, quand il pourra retourner dans un monde qui respecte la méthode scientifique.
Et ce n'est pas tout ! Le directeur de la DG Santé autrefois responsable de la santé des abeilles, Michael Flüh, est allé jusqu'à admettre que l'interdiction des néonics n'allait pas du tout améliorer la santé des abeilles. Mais les autres facteurs de stress (changement climatique, biodiversité, Varroa...) sont tout simplement trop difficiles à résoudre ; donc, en interdisant les néonics, la Commission Européenne a réussi à donner l'impression qu'elle s'occupait de la question. C'est vrai, mais la Commission Européenne a aussi réussi à se faire passer pour une bande d'idiots sur la scène mondiale.
... et avec des groupes d'activistes d'ONG disant au Commissaire ce qu'il quoi faire...
Ce qui est triste, c'est que si le Commissaire avait réellement pris le parti de la science (sans vouloir simplement se faire des amis chez les activistes en costumes d'abeilles), il aurait financé des études sur la lutte contre le Varroa (que la plupart des entomologistes crédibles considèrent comme le facteur de stress principal pour les populations d'abeilles), sur l'amélioration de la santé globale des abeilles grâce à des bandes de biodiversité fleuries que l'industrie avait proposées, et l'amélioration de la formation et de la communication au sein de la classe naissante d'apiculteurs amateurs européens. Au lieu de contribuer à l'amélioration de la santé des abeilles, Andriukaitis a fait de la politique avec le lobby des activistes anti-industrie et a cédé à leurs demandes d'interdire une classe d'insecticides modernes avec un excellent profil de durabilité. Tout le monde sait que cette campagne militante ne visait pas à sauver les abeilles (et que les conséquences seront probablement bien pires pour la santé des pollinisateurs).
Même le commissaire Andriukaitis sait que l'interdiction des néonics n'avait pas pour but de sauver les abeilles. Il l'a dit au Parlement Européen.
Les abeilles n'ont jamais été menacées et la grande abeillecalypse des ONG n'est qu'une autre crise sur papier fabriquée par les activistes pour lancer une campagne, créer des peurs et récolter des fonds (le Risk-Monger envisage d'écrire une histoire documentant des campagnes de peur surjouées des activistes manipulateurs : « Leçons tardives des avertissements des zélotes »). Un peu d'histoire sur cette tromperie des activistes la plus récente.
Avant que les calamités prétendument subies par les abeilles ne fissent les gros titres, les activistes critiquaient déjà les néonics utilisés en traitement des semences en affirmant qu'ils violaient l'esprit de la lutte intégrée (n'utilisant les pesticides que lorsque toutes les autres mesures de protection des cultures ont échoué). Mais comme les semences traitées avec des insecticides réduisent considérablement les applications foliaire et que seuls sont ciblés les insectes attaquant la plante, de telles applications sont plus durables et plus efficaces. On pourrait dire que les semences traitées aux néonics ont rendu l'agriculture conventionnelle plus durable que l'agriculture biologique, laquelle est contrainte d'utiliser plusieurs applications de pyréthrines (pire pour les abeilles et l'environnement). Pas étonnant que le lobby du biobusiness ait versé des millions pour financer les campagnes anti-néonics.
Puis vint ce que les activistes des lobbies anti-industrie pourraient appeller un « coup de chance ». Depuis 2006, il y a eu plusieurs éclosions de troubles appelés syndrome de l'effondrement des colonies d'abeilles (DCC – colony collapse disorder) touchant les apiculteurs tant professionnels qu'amateurs (avec de nombreux facteurs causatifs, mais largement attribuées aux infestations de Varroa). En Allemagne, en 2008, il y a eu une mortalité massive d'abeilles suite à une erreur au semis et une libération accidentelle de poussières de néonics. C'était le pistolet fumant que les activistes cherchaient et ils ont dès lors entrepris de créer une perception de « fin du monde » nous menaçant si nous continuions à utiliser des néonics. Ils ont même inventé un avertissement de nul autre que'Albert Einstein à propos de la fin de l'humanité ; et, en 2013, Time Magazine l'a rendu réel ! Un an plus tard, et seulement quelques mois après l'évaluation de l'EFSA, la Commission Européenne a adopté une interdiction de précaution.
À la même époque, un groupe de scientifiques post-modernes (essentiellement des sociologues mécontents de ne pas être traités comme de vrais scientifiques) et quelques entomologistes marginaux se sont réunis et ont décidé de former une union d'experts en abeilles. Ils ont mis en place le Groupe de travail de l'UICN sur les pesticides systémiques dirigé par Jeroen Van der Sluijs (qui avait été précédemment un expert du changement climatique) [ma note : les relations entre ce groupe et l'UICN sont curieuses ; le groupe a fonctionné essentiellement de manière indépendante]. En recevant des fonds du lobby du biobusiness, ce groupe a entrepris de publier une série d'articles devant montrer que les néonics sont responsables des déclins des abeilles annoncés par les ONG. Un blogueur de Bruxelles a ensuite dévoilé qu'il n'utilisait pas une méthode très scientifique, et on n'en a pas beaucoup parlé pendant quelques années. Ensuite, ils ont reçu des financements de la part de groupes militants comme la Fondation David Suzuki et SumOfUs pour couvrir les frais de publication dans les revues payantes (pay-to-play), mais cela n'a pas donné lieu à beaucoup de débats sur leurs positions (à moins que vous ne suiviez SumOfUs).
Vint le moment où les populations d'abeilles ne diminuaient pas dans les proportions qui avaient été pronostiquées – en fait le nombre de ruches augmentait... les activistes se sont alors tournés vers l'argument que les néonics étaient une menace pour les abeilles sauvages. Comme nous n'avions vraiment aucun chiffre fiable sur leur abondance (et même sur le nombre d'espèces), les activistes ont pu dire ce qu'ils voulaient. Une étude de corrélation de piètre qualité [voir ici notre analyse], reposant largement sur des associations bénévoles d'observation des abeilles a été publiée, ce qui a suffi aux activistes pour continuer à dire : « Les néonics ? Très mauvais pour les abeilles ! »
Mais en réalité, les activistes n'avaient même pas besoin de se soucier de la science. Ils n'avaient qu'à s'en tenir à leur manuel de stratégie et répéter inlassablement :
C'est un pesticide fabriqué par la grande industrie ;
Nous ne savons vraiment pas avec certitude ce qu'il fait aux abeilles ;
Les « poisons » sont utilisés par les agriculteurs conventionnels. Nous pouvons tous cultiver facilement sans eux grâce à l'agroécologie ;
Nous allons continuer à protester jusqu'à ce que vous l'interdisiez !
Oh, et ce n'est pas important, mais voici quelques recherches que nous avons financées et publiées sur notre site Web.
Qui à Bruxelles allait défendre les agriculteurs, les scientifiques ou les consommateurs quand une vingtaine de militants se présentaient sur la Place Schuman en costumes d'abeilles ? Si un membre d'un organisme de réglementation s'en remettait au bon sens, il serait accusé d'être entre les mains de l'industrie. Cela ne vaut pas la peine.
Ce qui est remarquable ici, et j'ai déjà écrit à ce sujet, c'est la façon dont la Commission Juncker a abandonné l'approche de la consultation inter-services pour la gestion des politiques. J'ai parlé un jour à un fonctionnaire de la DG Agriculture qui a reconnu la menace potentielle pour la santé des sols dans l'UE si les agriculteurs sortaient trop de cultures comme la betterave à sucre de leur rotation. Le commissaire européen à l'agriculture, Phil Hogan, a défendu les néonics à plusieurs reprises. Mais la DG Agriculture, la voix des agriculteurs, a été muette dans cette discussion. C'est la DG Santé seule qui a compétence ici et son mandat est intransigeant : protéger la santé des hommes et des animaux.
S'il y a un risque pour les abeilles, même insignifiant, alors la DG Santé a la même mission : les protéger à tout prix.
Si cela signifie qu'il faut ajouter des centaines de millions d'euros au budget alimentaire des consommateurs, qu'il en soit ainsi.
Si cela signifie détruire les outils dont disposent les agriculteurs pour réussir à produire et à nourrir les Européens, qu'il en soit ainsi.
Si cela signifie que les agriculteurs traitent avec des pesticides plus anciens et nuisent ainsi à l'environnement, qu'il en soit ainsi.
Si cela signifie réduire les rotations potentielles des cultures et épuiser la fertilité des sols, qu'il en soit ainsi.
La DG Santé n'a qu'une responsabilité : protéger la santé des abeilles.
C'est, bien sûr, une folie quand vous considérez que ce n'est qu'une lointaine possibilité que les néonics nuisent aux abeilles (et que les Européens vont donc sacrifier nos moyens de produire de la nourriture, gérer une économie et permettre une consommation durable, et ce, uniquement sur la base de : « et si... »). Sur Twitter, plusieurs activistes se sont sentis très fiers d'eux-mêmes dans mon flux, disant qu'ils ont sauvé les abeilles, ajoutant que même si les néonics ne sont pas le seul problème, nous avons maintenant éliminé un facteur de stress potentiel affectant les abeilles. OK... les émissions des voitures stressent aussi les abeilles, alors interdisons toutes les voitures. Les champs électromagnétiques peuvent affecter les abeilles, donc, suivant cette logique de l'Âge du Stupide, nous devons interdire les lignes électriques et les téléphones portables. La seule différence est que ces zélotes hypocrites aiment leurs voitures et leurs téléphones... alors les agriculteurs ont été sacrifiés... pour un « et si... ».
Mais encore une fois, la véritable mission de la DG Santé est peut-être de faire adopter un texte législatif avec le moins de difficultés que possible. Il y avait une rumeur circulant à Bruxelles selon laquelle la proposition d'une interdiction totale des néonicotinoïdes faisait partie d'un compromis avec les Français pour prix de l'extension de l'autorisation du glyphosate. Ce serait une pure absurdité : « Je vous donnerai un herbicide en échange de l'interdiction d'un insecticide », mais là encore rien n'a de sens à Bruxelles en ce moment (ni en France d'ailleurs). [ma note : cette rumeur est fort curieuse : la France n'a jamais voté pour la réautorisation du glyphosate et a même voté contre après que M. François Veillerette eut offert des fleurs à Mme Ségolène Royal ; et M. Nicolas Hulot est resté sur cette position de refus... maintenant assortie d'une volonté de « sortie » d'ici 2020.]
Manifestement, il y a eu un échec du leadership, non seulement à la DG Santé, mais aussi à la tête de la Commission. Une politique non fondée sur des données probantes a été mise en œuvre pour répondre à des intérêts particuliers des États membres et d'une coalition hétéroclite de groupes militants. Les agriculteurs et les consommateurs n'étaient pas représentés dans le processus de décision et les scientifiques n'ont pas été consultés. L'EFSA avait les mains liées, forcée d'utiliser un document d'orientation illégitime qui constitue un exemple lamentable de mauvaise politique (une stratégie consistant à forcer la science à passer à travers un chas pour justifier une malversation de nature politique).
Sans consultation inter-services, les grandes parties prenantes européennes n'étaient pas représentées. Le modèle européen d'engagement a été remplacé par le théâtre d'ombres de Selmayr. Dans ce cas, puisque c'était l'industrie des pesticides, il n'y avait aucun intérêt à ce que les organismes de réglementation soient tenus d'agir de manière responsable. Les scientifiques activistes se sont mal comportés, diffusant des recherches sans valeur financées par des groupes d'ONG, tout en s'autorisant à mentir sur les risques pour les abeilles et l'environnement. L'attaque, d'une durée totale de cinq ans, contre une famille d'insecticides techniquement avancée a détourné le débat et le financement de l'UE des vrais problèmes affectant les pollinisateurs. Les agriculteurs n'ont eu que Twitter pour essayer d'expliquer à un groupe de zélotes désintéressés pourquoi ces insecticides étaient essentiels. Le lobby de l'industrie des produits biologiques a financé des campagnes et des scientifiques pour entretenir la tromperie et fabriquer la peur dans des proportions apocalyptiques.
Dans le vide du leadership, des actions irresponsables et contraires à l'éthique ont pu prospérer.
Et les abeilles prospéreront-elles lorsque le commissaire Andriukaitis se remettra au travail ce mercredi ? À peine. Personne à Bruxelles, pas même le bon docteur, n'a jamais cru qu'il s'agissait de sauver les abeilles. Et c'est là que Bruxelles perd sa légitimité. Le principe de précaution permet aux fonctionnaires d'agir sans engager leur responsabilité. Les vrais dirigeants prennent des décisions qui, bien qu'impopulaires, sont justes et dans l'intérêt public. Les lâches prennent des décisions opportunes et évitent tout risque d'être jugés. La précaution est un outil politique pour les lâches. L'année prochaine, quand nous aurons un nouveau commissaire européen à la santé, combien d'entre nous remonterons au 27 avril 2018 et jugerons cette décision à l'aune des conséquences négatives qu'elle produira sans aucun doute pour les agriculteurs, les consommateurs, l'environnement et, oui, aussi... pour les abeilles ?
Le Risk-Monger le fera.
Après cinq ans d'écriture sur ce sujet, une douzaine d'articles et plusieurs menaces de procès, je me sens à nouveau seul à Bruxelles. Pour la deuxième fois en six mois, je dois m'excuser auprès des agriculteurs européens, même si je ne suis pas dans un circuit officiel qui les représente. Les gens ont le droit d'être furieux.
Mais je ne suis pas fâché contre les lâches opportunistes dans les positions officielles. Je comprends que les activistes soient biaisés au point de justifier sans vergogne leurs mensonges et leurs picorages. Je comprends qu'il y a beaucoup de scientifiques sous-employés et méconnus qui se sont laissé tenter par l'attention et l'argent de la communauté des ONG anti-pesticides. J'ai abandonné depuis longtemps l'espoir que le lobby de l'industrie des produits biologique adoptera ou appliquera un code de conduite éthique. Je ne suis pas surpris par les conneries dont ces groupes peuvent revendiquer la paternité.
Ce qui me surprend et me déçoit, c'est que l'industrie agroalimentaire soit restée en retrait et n'ait rien fait alors que les agriculteurs qui les approvisionnent ont été étranglés par la machinerie du culte naturopathique. Les grandes entreprises agroalimentaires dépendent d'un approvisionnement agricole fiable pour produire la nourriture pour laquelle l'Europe est réputée ; et pourtant, à ma connaissance, aucune d'entre elles n'a pris la tête pour défendre les agriculteurs et les outils dont ils ont besoin. Le mot "néonicotinoïde" n'est apparu pas une seule fois sur le site internet de FoodDrinkEurope, ni chez ses principaux membres.
Peut-être que l'industrie alimentaire ne pense pas que le sort des agriculteurs européens est important. Si les coûts augmentent, leurs marges augmenteront également. Si les agriculteurs européens ne peuvent plus produire, Nestlé et Danone importeront-ils simplement plus de produits d'un autre continent ? Avaient-ils si peur qu'un petit groupe de fanatiques activistes déclenche une tempête twitter sur les pages dédiées à leurs marques qu'ils aient décidé de se mettre en retrait et prétendre que la preuve n'avait pas d'importance ? Vont-ils vendre des aliments issus d'une production non durable plutôt que d'essayer d'éduquer les consommateurs européens sur la science qui sous-tend des technologies de culture fiables ? Dans leur soif de marges plus élevées, pour les produits biologiques, les fabricants de produits alimentaires sont-ils prêts à voir les plus démunis souffrir de la faim et de la malnutrition ?
Ce sont les vrais lâches... et c'est honteux !
Alors que la saga des néonics européenne se referme, la véritable victime est le leadership. L'Europe a fait de l'échec son objectif, de la lâcheté sa vertu politique et de l'ignorance sa culture.
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* David pense que la faim, le SIDA et des maladies comme le paludisme sont les vraies menaces pour l'humanité – et non les matières plastiques, les OGM et les pesticides. Vous pouvez le suivre à plus petites doses (moins de poison) sur Twitter et sa page Facebook.
Source : https://risk-monger.com/2018/05/01/requiem-for-neonicotinoids-a-failure-in-european-leadership/