L'activisme anti-pesticides du député européen Éric Andrieu
Les petits derniers, à l'heure où nous mettons en ligne
Twitter a ceci de bon qu'il permet de jauger ses utilisateurs.
M. Éric Andrieu se présente avec modestie en anglais sur son compte comme membre du Parlement Européen, porte-parole du groupe S&D (en toutes lettres : Alliance Progressiste des Socialistes et Démocrates) pour l'agriculture et président de la commission PEST, une commission spéciale sur les procédures d'autorisation des pesticides dans l'Union européenne.
Ces fonctions présupposent – en principe du moins – un sens certain des responsabilités. Est-ce le cas ? Que faut-il conclure quand sur les quelque 330 gazouillis du mois de mai 2018 (jusqu'au 26), les mots « pesticide » et « glyphosate » apparaissent 59 et 45 fois, respectivement ?
Une partie est due à l'actualité (quoique... cela n'empêche pas de faire preuve de jugement)... Une autre...
Nous avons parcouru son compte et, franchement, en ce qui nous concerne, son compte est bon. Celui du parti à la rose aussi s'il ne saisit pas que le populisme et la démagogie ne sont pas des éléments de programme pour un parti de gouvernement ; et que l'activisme déployé par M. Andrieu et quelques autres de ce groupe font le jeu des eurosceptiques et des europhobes.
Petit rappel sur le capharnaüm européen : les matières actives sont autorisées au niveau européen ; les produits formulés au niveau national.
Les règles en vigueur permettent à un État membre qui n'a pas accordé une autorisation de mise en marché pour un produit formulé contenant une matière active autorisée d'accorder une dérogation, sur demande, d'une durée de 120 jours.
Le 14 mai, M. Andrieu gazouille :
C'est clair : c'est une éructation anti-pesticides, et d'une certaine manière anti-France, notre patrie (enfin pour les Français) étant pointée du doigt comme mauvais élève.
Il n'est pas venu à l'esprit de M. Andrieu que le nombre de demandes de dérogations est peut-être dû à un dysfonctionnement des procédures d'autorisation nationales, les agriculteurs – qui n'aspergent pas leurs cultures par plaisir ou pour engraisser BaySingeMonDowSF – étant privés de solutions phytosanitaires dans des cas spécifiques.
Les réponses n'ont pas tardé. Pan sur le bec :
Voici les dérogations demandées par l'ITAB en 2016 et, selon le cas, accordées
Le 24 mai 2018, M. Andrieu répercute le gazouillis suivant :
L'usage des pesticides – « comme le glyphosate » – représente-t-il vraiment un « crime sanitaire » ? M. Andrieu connaît-il les raisons de la tragédie de l'Agent Orange ? Est-il conscient des amalgames de ces quelques lignes ?
Porteurs d'intérêts contestataires « écolos », évidemment...
M. Andrieu a répercuté un gazouillis du 23 mai 2018 au sujet d'« ONG » ayant lancé une pétition contre le glyphosate (c'est celle qui est censée faire pression sur l'Assemblée Nationale pour qu'elle acte la « sortie » du glyphosate dans la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable).
M. Andrieu a répercuté un gazouillis du même jour de Justice Pesticides, l'association dont la présidente est Mme Corinne Lepage, avocate spécialisée dans les affaires environnementales, et dont la page d'accueil sur Internet comporte un onglet « Je souhaite soumettre une affaire »... Alerte Environnement avait produit en son temps un billet, « Les associations antipesticides au service du business de Corinne Lepage ? »
Dans le Conseil d'Administration de Justice Pesticides il y a notamment Mme Carey Gillam, de l'US Right to Know, ce faux-nez du biobusiness auquel nous devons en particulier la publication des « Monsanto Papers ». M. Andrieu a répercuté un gazouillis du Guardian relatif à un article de Mme Gillam.
Comment fonctionne la désinformation ? Mme Gillam a colonne ouverte au Guardian. Elle y publie un article : on a trouvé du glyphosate dans certaines confiseries. L'« information » est reprise par le New York Post, avec un titre aussi anxiogène que possible... M. Andrieu répercute le gazouillis...
À votre avis, M. Andrieu a-t-il lu cet article (tout comme celui du Guardian susmentionné) pour s'assurer qu'il ne répercutait pas de l'intox ou des fake news ? Poser la question, c'est quasiment y répondre.
M. Andrieu s'est fait commentateur de décisions de justice :
La Cour de Justice de l'Union Européenne a-t-elle vraiment remis en cause le « principe de précaution » ? Voici l'extrait pertinent du communiqué de presse de la Cour :
« En ce qui concerne le fipronil, le Tribunal annule, par son autre arrêt de ce jour, le règlement d’exécution 781/2013 dans la mesure où celui-ci i) restreint, à partir du 16 août 2013, l’utilisation de produits phytopharmaceutiques contenant cette substance active aux cultures sous serre ainsi qu’aux semences de poireaux, d’oignons, d’échalotes et de brassicées destinées à être utilisées en champs et récoltées avant la floraison et ii) oblige les États membres à modifier ou à retirer les autorisations existantes de produits phytopharmaceutiques contenant du fipronil.
En effet, la Commission a adopté ces restrictions sans avoir auparavant mesuré les conséquences de son action, comparées aux possibles conséquences de son inaction, sur les différents intérêts en jeu. En s’étant abstenue d’effectuer une telle analyse d’impact, la Commission a violé le principe de précaution. »
Mais quand on déteste les pesticides...
On notera que cette sottise sur la remise en cause du principe de précaution a aussi été gazouillée par le group S&D.
Cela se passe de commentaire :
M. Andrieu a aussi répercuté un gazouillis sur les « semences paysannes ». Problème ? C'est une déclaration un peu simpliste et M. Andrieu, ayant voté le texte, devrait le savoir.
Et puis Monsanto, franchement, ils s'en tapent... Mais quand on déteste cette firme qui disparaîtra dans peu de temps... Dépêchez-vous, M. Andrieu, ou révisez vos automatismes panurgiques pour écrire Bayer...
M. Andrieu s'est aussi fait auteur de pétition, « Gardez vos caissières, virez vos pesticides ! », adressée à Carrefour, mais aussi à M. Michel-Édouard Leclerc, Castorama, Leroy Merlin, Bricorama et Gamm Vert.
C'était à l'origine une lettre ouverte, publiée par Libération le 25 janvier 2018, de dix députés S&D et de la Verte Michèle Rivasi.
Les auteurs ne sont probablement pas responsables du chapô de l'article de Libération, mais celui-ci est édifiant :
« Des eurodéputés demandent aux leaders de la grande distribution de retirer de leurs rayons le glyphosate et les produits phytosanitaires liés au déclin des abeilles. »
L'auteur de ce monument a bien compris que, dans cette lettre ouverte, les auteurs n'ont aucune considération pour les « caissières » – un mot qui n'apparaît que dans le titre.
Ça doit être ça, le nouveau « socialisme ».