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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Burkina Faso : payer le prix de l'abandon du cotonnier GM

28 Mai 2018 , Rédigé par Seppi Publié dans #OGM, #Afrique

Burkina Faso : payer le prix de l'abandon du cotonnier GM

 

Joseph Opoku Gakpo*

 

 

 

Les adversaires purs et durs des organismes génétiquement modifiés qui disent que les cultures GM devraient être interdites pourraient vouloir regarder ce qui s'est passé au Burkina Faso. Les producteurs de coton du pays ont payé le prix de la suppression progressive du cotonnier génétiquement modifié en 2015. Leurs revenus ont chuté et leurs coûts ont augmenté car ils ont été obligés de dépenser plus pour les pesticides et la main-d'œuvre pour les traitements. La perte du cotonnier OGM signifiait également plus de maladies induites par les pesticides et une augmentation du travail des enfants.

 

Le correspondant de l'Alliance pour la Science, Joseph Opoku Gakpo, s'est rendu au Burkina Faso pour découvrir la véritable histoire de ce qui s'est passé en parlant avec les personnes les plus touchées : les agriculteurs.

 

 

 

 

Une exploitation cotonnière au Burkina Faso. Photo Joseph Opoku Gakpo

 

 

Partie I : Inverser la vague de progrès

 

Seidu Konatey est un homme qui ne connaît pas de repos. Il passe au moins 10 heures par jour à travailler ses 15 hectares de champs de coton à Diguima et Palsama dans le district de Pandema au Burkina Faso.

 

Avec 2018 marquant la 35e année consécutive qu'il a été sur ce créneau, il n'y a rien à propos de la culture du cotonnier que l'homme de 63 ans n'a pas vu auparavant. Mais rien ne trouble plus Seidu que les vers de la capsule qui attaquent et détruisent le coton. Les chenilles du ver de la capsule peuvent causer jusqu'à 90 pour cent de perte de rendement. En Afrique de l'Ouest, 25 à 35 pour cent de tout le coton sont perdus à cause de ces ravageurs.

 

 

Seidu Konatey, producteur de coton. Photo Joseph Opuku Gakpo

 

La pulvérisation de pesticides a longtemps été le principal moyen d'y faire face. La moitié de tous les pesticides importés en Afrique sont utilisés pour le cotonnier, une situation qui représente une menace extraordinaire pour la santé humaine et l'environnement. Au Burkina Faso, il y a plus de 600.000 hectares de champs de coton. Cela équivaut à environ 7,2 millions de litres de produits chimiques potentiellement dangereux qui sont pulvérisés chaque année – rien que pour le cotonnier.

 

Au début des années 2000, la société agricole américaine Monsanto a lancé des tests pour introduire des semences de cotonnier génétiquement modifiées ayant le potentiel de lutter contre le ver de la capsule du cotonnier au Burkina Faso. Connu sous le nom de cotonnier Bt, les graines contiennent des gènes d'une bactérie qui le rend naturellement résistant aux ravageurs de la capsule. Après cinq années d'essais, le cultivar Bt a été mis à la disposition des agriculteurs du Burkina Faso en 2008.

 

Le cotonnier Bt est devenu extrêmement populaire et en 2014, plus de 70 pour cent de tout le coton cultivé au Burkina Faso était génétiquement modifié. Mais l'année suivante, le coton génétiquement modifié a été complètement éliminé. (Voir ici.)

 

 

Partie II : Une course contre le temps

 

Avance rapide jusqu'à 2017. Deux ans après l'élimination progressive du cotonnier génétiquement modifié (Bt) au Burkina Faso, la pression exercée par les ravageurs sur les champs de coton est telle que de nombreux agriculteurs sont convaincus que l'industrie s'effondrera bientôt.

 

« Tous les agriculteurs qui ont de l'expérience avec le cotonnier Bt regrettent le passage du cotonnier Bt au cotonnier conventionnel ... mais ils sont impuissants et espèrent que le gouvernement va les écouter », a déclaré François Traoré, président de l'Union Nationale des Producteurs de Coton (UNPC) du Burkina. dans une interview.

 

En tant que journaliste ghanéen, j'ai eu l'occasion de voyager à travers les champs de coton dans ce beau pays d'environ 20 millions de personnes avec une grande diversité de cultures et une histoire extraordinaire. Tous les agriculteurs que j'ai rencontrés étaient catégoriques sur le fait qu'il était temps de réintroduire le cotonnier Bt. Kuraogo Salifu est un producteur de maïs, de sorgho, de millet et de coton âgé de 65 ans à Diguima, dans le district de Pandema ; il a cinq femmes et 16 enfants. Il dit que la décision d'éliminer le coton génétiquement modifié a augmenté les attaques de ravageurs dans ses champs pour atteindre des limites insupportables. (Plus ici.)

 

 

Tanou Louiumissa, producteur de coton. Photo Joseph Opoku Gakpo

 

 

Partie III : Le coût réel de la décision d'abandonner le cotonnier GM

 

Lorsque les négociants en coton du Burkina Faso ont annoncé en 2015 qu'ils éliminaient progressivement la culture du cotonnier génétiquement modifié, ils l'ont expliqué par une perte de 50 milliards de francs CFA (76 millions d'euros au taux de change actuel) au cours de cinq des sept campagnes où la variété avait été cultivée.

 

Les entreprises ont pu chiffrer leurs pertes, mais quel a été le coût réel – du point de vue des producteurs de coton – de la décision d'abandonner les cultures génétiquement modifiées ?

 

Les agriculteurs du Burkina Faso ont vu leurs revenus s'effondrer alors qu'ils sont obligés de dépenser plus d'argent pour l'utilisation accrue des pesticides et le surcroît de travail physique. Dans certains cas, les agriculteurs ont dû recourir à l'utilisation de leurs enfants dans les champs, une pratique qui semble menacer les efforts investis dans la campagne mondiale contre le travail des enfants.

 

« Il y a un énorme problème de main d'œuvre », m'a dit Karboe Guile, un agriculteur produisant 80 hectares de coton. « Parfois, nous devons utiliser des enfants de 12 ans sur le terrain, car il y a beaucoup de travail à faire et tout le monde doit être impliqué. Les enfants prennent froid, toussent et éternuent terriblement quand ils pulvérisent les pesticides. » (Plus ici.)

 

Bambio Dambo, producteur de coton, et sa famille. Photo Joseph Opoku Gakpo

 

 

Partie IV : Le Burkina Faso perd son rang de premier producteur de coton en Afrique

 

Comme les agriculteurs du Burkina Faso l'avaient prédit, la décision d'arrêter la culture du cotonnier Bt génétiquement modifié et résistant à des ravageurs a rapidement fait perdre à la nation son statut de premier producteur de coton en Afrique.

 

En 2017, le Mali est devenu le premier producteur de coton en Afrique, dépassant le Burkina Faso et prenant la place qu'il occupait depuis plus d'une décennie. Encore une fois, les agriculteurs avaient raison. (Plus ici.)

 

Karboe Guile dans son champ de coton. Photo Joseph Opoku Gakpo

 

 

Partie V : Le Burkina Faso poursuit ses recherches sur les OGM

 

Bien que la nation burkinabé ait perdu son statut de premier producteur de coton en Afrique et malgré les demandes répétées des agriculteurs, les négociants en coton du pays, qui contrôlent la production, insistaient toujours en janvier 2018 pour que les agriculteurs ne plantent que des variétés non GM.

 

Mais cela ne signifie pas pour autant que la recherche sur les OGM se soit arrêtée dans le pays. Des travaux sont en cours pour développer d'autres produits GM, y compris le niébé Bt et les moustiques stériles génétiquement modifiés.

 

La destruction des champs de niébé par la foreuse de gousses (Maruca vitrata) est un problème majeur en Afrique. Plus de 40 pour cent de tous le niébé produit dans la sous-région sont endommagés par le ravageur. Le niébé Bt, qui présente une résistance naturelle sans l'application de pesticides, devrait aider à réduire le niveau des dégâts de manière drastique.

 

Dr Umar Traore, de l'Agence Nationale de Biosécurité du Burkina Faso, dit que les travaux sur le niébé Bt progressent régulièrement et que les défis de la production de coton ne l'affecteront pas.

 

« L'histoire est différente de celle du cotonnier Bt », a-t-il déclaré. « Le niébé est à la fois une culture de base et une culture commerciale. Ce sera différent du cotonnier Bt. » (Plus ici.)

 

Bidons de pesticides vides dans un champ de coton au Burkina Faso. Photo Joseph Opoku Gakpo

 

 

Partie VI : L'industrie cotonnière burkinabé renverse le cours

 

Alors que les plaintes des agriculteurs n'ont peut-être pas suffi à influencer l'industrie cotonnière du Burkina Faso, les chiffres de la production ont été une autre histoire. Les sociétés d'achat de coton du pays ont été critiquées après que le Burkina Faso a perdu sa place de premier producteur de coton en Afrique.

 

En février 2018, les représentants de l'industrie ont annoncé que les variétés génétiquement modifiées qui ont été écartées en 2015 pourraient bientôt être réintroduites. La firme allemande Bayer entamera d'ici la fin de l'année des négociations avec les autorités burkinabè pour permettre le retour des semences de cotonnier Bt demandé par les agriculteurs locaux, selon Wilfried A. Yameogo, directeur général de la SOFITEX, qui achète environ 80 pour cent de tout le coton produit dans la nation ouest-africaine.

 

Bien que Yameogo ait insisté sur le fait que de faibles précipitations et l'arrivée de nouveaux insectes nuisibles étaient responsables des faibles rendements du coton, il a admis que le coton Bt avait aidé à contrôler les infestations de ravageurs dans les champs. Il a également déclaré que la SOFITEX travaillerait avec les banques locales pour donner aux agriculteurs un répit face aux énormes pertes qu'ils ont subies après le passage forcé au coton conventionnel.

 

Pour les agriculteurs qui ont tellement souffert de la décision d'abandonner les semences Bt, le retournement de l'industrie est une musique douce à leurs oreilles. (Plus ici.)

 

J'espère que la prochaine fois que je visiterai ce beau pays de gens audacieux, optimistes et travailleurs, les agriculteurs me feront part d'histoires de succès plutôt que de récits de malheur. – Joseph Opoku Gakpo

 

Tanou Louiumissa, producteur de coton, et ses ouvriers. Photo Joseph Opoku Gakpo

 

_______________

 

* Source : https://allianceforscience.cornell.edu/blog/2018/04/burkina-faso-paying-price-dropping-gmo-cotton/

 

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B
Le monde évoque le sujet ici: https://abonnes.lemonde.fr/afrique/article/2018/05/29/secheresse-inondations-chenilles-legionnaires-le-coton-burkinabe-en-danger_5306236_3212.html mais il arrive à ne pas citer les OGM.
Répondre
S
Bonjour,<br /> <br /> Merci pour votre commentaire et pour le lien.<br /> <br /> Un commentateur a bien résumé la situation :<br /> <br /> « Manifestement l'auteur de l'article ne connait rien à l'agriculture. Un pigiste qui passait par là? Au moins il lie un micro-trottoir à une cause comme on l'enseigne à l'école des journaleux: ici, le changement climatique. Il manque la voix de l'ONG qui promeut la permaculture rabilisienne ou qui critique les pesticides. Reste le problème des prix et des coûts en augmentation avec les difficultés à obtenir intrants et engrais. Quand donc les ONG aideront vraiment les agriculteurs? »<br />