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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Sur la ZDF allemande : « La folie avec le blé » ? La bien-pensance stupide !

28 Avril 2018 , Rédigé par Seppi Publié dans #critique de l'information, #Afrique

Sur la ZDF allemande : « La folie avec le blé » ? La bien-pensance stupide !

 

 

Convaincre aussi par le choc des photos...

 

 

La ZDF, la deuxième chaîne allemande a diffusé un reportage de 30 minutes, « La folie avec le blé » le 28 février 2017. Pour ceux qui comprennent l'allemand :

 

 

 

En bref :

 

« Un quart des exportations allemandes de blé est allé en Afrique en 2016. À première vue, c'est une contribution à la lutte contre la faim et la misère. Mais est-ce vrai ? La recherche de "ZDFzoom" donne une image différente. »

 

En plus détaillé :

 

« Les livraisons de céréales font concurrence aux produits locaux et sapent l'aide au développement. L'UE finance des projets en Afrique qui ne décollent pas parce que les agriculteurs n'ont aucune chance avec leurs produits nationaux contre le blé européen bon marché.

 

Dans la capitale sénégalaise, Dakar, la reporter Katharina Schickling de "ZDFzoom" a découvert qu'il y avait dans les boulangeries presque exclusivement des produits de l'importation du blé, comme des baguettes. Pourtant, le pain de farine de blé était largement inconnu en Afrique jusqu'au début de la domination coloniale. Au lieu de cela, on consommait de la bouillie ou des crêpes de céréales telles que le sorgho ou le mil, qui prospèrent même dans les climats chauds. Le pain de farine de blé est devenu l'aliment de base grâce aux dirigeants coloniaux européens. Mais le blé ne poussant pas en Afrique en raison du climat, cela a donné lieu à des dépendances fatales : au Sénégal, la consommation de mil est tombée d'environ 80 kg par habitant et par an en 1961 à 25 kg en 2010. Durant cette période, les exportations de blé allemand ont été multipliées par quatre dans les pays de l'Afrique de l'Ouest.

 

Ce qui agace beaucoup de Sénégalais : le blé provenant de cultures allemandes coûteuses à produire ne peut être offert à très bon prix que parce que les agriculteurs allemands reçoivent des subventions tirées des recettes fiscales. "C'est comme si on mettait quelqu'un sur la ligne de départ avec un vélo face à un véhicule tout-terrain et qu'on disait : 'à vos marques, prêts, partez !'" Le conducteur de la voiture gagnera toujours", a déclaré Baba Ngom, [Secrétaire Général du Conseil National de Concertation et de Coopération des Ruraux (CNCR)] dans une interview avec "ZDFzoom".

 

Des experts allemands tels que Stefan Liebing, de l'Association Africaine des Entreprises Allemandes, sont également sceptiques à propos de ce développement. Les subventions accordées l'agriculture européenne détruiraient beaucoup, et il serait préférable de protéger les industries émergentes en Afrique.

 

Un plan Marshall pour l'Afrique est actuellement en discussion. Il y aurait pourtant une mesure très simple : mettre fin à la politique commerciale insensée de l'UE dans le secteur agricole. Les céréales pour l'Afrique – qui semblent être à première vue une contribution à la lutte contre la faim et la misère – détruisent en fait les sources de revenus et sont une des causes de l'émigration. 

 

Notre ami Willi l'Agriculteur a été interviewé dans la phase préparatoire de ce reportage. Il a consacré quelque six heures à l'équipe de tournage, qui a fait quelque trois quarts d'heure de prises, dont elle n'aura retenu que trois minutes, essentiellement de platitudes. Willi en conçoit légitimement une grande amertume. Mais le pire est qu'on l'a interrogé sur le marché mondial des céréales, le sujet allégué du reportage, l'Afrique n'ayant été abordée que marginalement. En résumé, et selon ses termes, il a été l'idiot utile.

 

Ça rappelle furieusement une mésaventure qui est arrivée à M. Daniel Sauvaitre (voir par exemple ici). Non, le monde des médias n'est pas peuplé de margoulin(e)s, mais on peut légitimement s'interroger sur sa déontologie.

 

Willi a ensuite exposé son point de vue dans un texte que nous traduirons. Et Mme Schickling a répondu – un texte mis en ligne par Willi que nous ne traduirons pas, tant il nous paraît odieux. Le morceau de choix :

 

« Je regrette que vous vous sentiez visiblement trompés, mais je rejette le reproche que je vous aurais berné. Mes publications sur le thème de l'agriculture sont toutes accessibles, autrement dit, vous aviez la possibilité de vous informer sur ma démarche et mon point de vue critique. »

 

Revenons aux « explications » ci-dessus.

 

Que pensait trouver Mme Schickling dans une boulangerie à Dakar ?

 

La comparaison entre 1961 et 2010 est tout aussi débile. Du reste, n'a-t-elle pas disposé d'une statistique plus récente ? Et imputer la baisse de la consommation de céréales sèches sénégalaises à une concurrence du blé européen, sans tenir compte d'autres facteurs tels que la consommation de riz, relève de la bêtise et de l'aveuglement militant.

 

En 1961, le Sénégal comptait environ 3,3 millions d'habitants ; en 2010, il comptait 13 millions d'habitants, 4 fois plus. Mangeait-on 3,2 fois plus de mil par habitant et par an en 1961 qu'en 2010 ? On peut en douter. Selon les statistiques de la FAO, on a récolté 334.300 tonnes de mil en 1961 (ce qui donnait un disponible brut de 101 kg/habitant/an) et 813.300 tonnes en 2010 (63 kg/hab./an).

 

Malgré l'augmentation importante des surfaces (1 million d'hectares en 2010 contre 738.000 hectares en 1961) et des rendements (7,9 q/ha contre 4,5 q/ha), la production n'a pas suivi l'augmentation de la population. Comment fait-on alors ?

 

Un autre document fort intéressant note ceci :

 

« On peut donc tabler sur des importations moyennes récentes d'environ 490 000 t de blé par an, contre 216 465 t en 2000, soit une multiplication par 2,3 en 16 ans. On observe cependant une certaine stabilisation des importations depuis 2012. »

 

Sur la période, les importations ont augmenté d'un facteur 2,26, et la population, d'un facteur 1,56.

 

Le blé européen concurrence-t-il de manière déloyale les céréales locales ? C'est à voir. En tout cas, Willi nous livrera d'intéressantes réflexions.

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