Les exportations de céréales vers l'Afrique : vraiment de la folie ?
Willi l'Agriculteur*
La discussion sur les exportations de céréales de l'Allemagne (et de l'UE) vers l'Afrique ne me laisse pas en paix. On en parle dans le film « Der Wahnsinn mit dem Weizen » (la folie avec le blé). Mais qu'est-ce qui est juste ou meilleur ? Quelles sont les solutions qui aident vraiment l'Afrique ?
Il est vrai que presque tous les pays, pas seulement l'Allemagne ou l'UE, exportent du blé vers l'Afrique. À l'heure actuelle, les principaux exportateurs de céréales sont la Russie, les États-Unis et le Canada. C'est logique, car là, en raison des conditions climatiques, il pousse tant de céréales qu'une exportation est possible.
Offre et demande
Dans un monde régi par l'offre et la demande, cette céréale trouve un prix pour lequel elle est achetée par le client. Le producteur le moins cher remporte la compétition pour le client. Donc, si un négociant en grains africain veut acheter du grain à bon marché, il va d'abord regarder autour de lui sur le marché intérieur. Si le grain est à meilleur prix sur d'autres marchés, il achètera ailleurs. C'est logique et chacun d'entre nous décidera ainsi pour un produit de même qualité. Le vendeur livrera le produit à l'acheteur qui lui paiera le prix demandé. Encore une fois, cela est logique et, à mon avis, nullement moralement répréhensible. En conséquence, il y a du blé allemand, français, russe et américain sur le marché africain.
Rendu meilleur marché par des subventions ?
On prétend souvent que les céréales allemandes (cela vaut également pour d'autres productions) sont rendues meilleur marché par des subventions et ne peuvent être exportées en Afrique que par ce biais. Mais la vérité est que l'agriculteur allemand touche grosso modo le prix du marché mondial pour son grain, parce que les bourses de Paris et de Chicago évoluent quasiment de concert. Les paiements de l'UE sont basés sur la superficie, indépendamment de la culture qu'elle porte. Par conséquent, à mon avis, il n'y a aucun lien entre les subventions allemandes (en fait, ce sont des paiements européens) et les exportations vers l'Afrique.
On peut évidemment le contester. Mais que se passerait-il si les subventions de l'UE étaient supprimées ? C'est simple : l'agriculteur allemand aurait un revenu plus faible, car les paiements liés à la surface contribuent à compenser les handicaps. Les prix des grains, qui sont décisifs pour les acheteurs et les vendeurs et qui peuvent être lus en bourse, ne changeraient pas, et donc rien ne changerait pour d'éventuelles exportations vers l'Afrique. Ou ai-je oublié quelque chose ? Si oui, je demande des éclaircissements.
Des prix élevés – bien ou mal ?
Maintenant, on pourrait augmenter artificiellement les prix des céréales exportées vers les pays africains. Par exemple, dans le pays exportateur, on pourrait ajouter une majoration à payer à la frontière. Ou les pays africains pourraient imposer un droit d'importation et percevoir ce droit à leur profit. Certains pays le font. Le grain étranger serait alors plus cher. Mais où cela nous mène-t-il ? La population de leur propre pays devrait payer plus et l'offre serait plus réduite. La question est cependant de savoir qui peut se permettre des importations plus chères. Pour les riches, peut-être même pour la classe moyenne, ce ne serait probablement pas un problème. Mais qu'en est-il des couches les plus pauvres de la population ? Se tourneraient-elles vers les céréales locales (mil, riz) ? En fait, ce serait un grand avantage pour l'agriculteur africain parce qu'il aurait alors un revenu plus élevé avec toutes ses conséquences positives. Mais je me permets de douter des avantages que tirerait la population de la hausse des prix due à la hausse de la demande, plus précisément je doute que les sommes tirées des droits d'importation seraient suffisantes pour réduire les prix en faveur de la population pauvre – ou même utilisées à cette fin.
Et si la population veut aussi manger du blé ? Dans ce cas, les agriculteurs allemands, européens et africains seraient d'accord sur un point : les prix élevés des céréales seraient bons, voire très bons. Mais pour le consommateur, c'est mauvais. Je me souviens juste du tollé quand la plaquette de beurre a augmenté de 60 ou 70 centimes [en Allemagne]...
Pommes de terre ou blé ?
Mon collègue en Egypte ou au Maroc (tous deux en Afrique) produit actuellement (en mars) sur ses terres des pommes de terre pour le marché européen. En avril, elles arriveront sur le marché et il touchera beaucoup d'argent ici parce que nous avons assez de clients pour les pommes de terre primeurs en provenance d'Égypte. Devrait-il cultiver plutôt des céréales sur ses terres dans le delta du Nil, pour lesquelles il touchera moins ? Il est logique qu'il cultive ce qui lui rapporte le plus. Qui ne ferait pas ça ?
Mais peut-on dire que les producteurs de pommes de terre égyptiens cassent le marché des producteurs allemands avec leurs exportations ? Oui, c'est comme ça. Lorsque les premières pommes de terre nouvelles arrivent sur le marché, les prix des pommes de terre allemandes de conservation chutent presque régulièrement.
Pourquoi toujours l'Afrique ?
Ce qui me frappe toujours dans la discussion, c'est le fait indéniable que les politiciens, certaines organisations et aussi les médias se concentrent constamment sur l'Afrique. Quand avez-vous lu quelque chose sur les exportations de céréales qui détruisent les marchés en Inde, au Pakistan ou au Bangladesh ? Je ne m'en souviens pas. Ne se pourrait-il pas que des conditions politiques très instables prévalent dans de nombreux pays africains ? Que la corruption et le népotisme y jouent un grand rôle ? Il faudrait également mentionner dans ce contexte les décisions de politique économique dans de nombreux pays africains, telles que les problèmes d'approvisionnement ou les famines causées par des expropriations arbitraires. Ils ont ensuite été soulagés par les livraisons de céréales – y compris d'Europe – souvent pendant des décennies. Je ne suis pas convaincu que l'appel à la dissolution des relations commerciales agricoles mutuelles existantes ait une influence positive sur la situation de l'offre en Afrique. Mais vous voudrez peut-être me convaincre du contraire...
Qu'est-ce qui est bien, qu'est-ce qui est mal ?
L'hémisphère nord présente des conditions climatiques favorables pour les céréales et d'autres cultures et dispose, par conséquent, de grandes zones de culture. Comme la production dépasse la consommation de la population indigène, elle est exportée en partie vers des pays qui, pour une raison ou une autre, ne produisent pas assez de céréales pour leur propre population. Si l'on devait empêcher ces exportations, par quelque mesure que ce soit, il y aurait une carence dans les pays insuffisamment approvisionnés. Dans les pays qui produisent plus que leur propre consommation, les prix baisseraient et les productions seraient affectées à des usages autres que l'alimentation (comme les énergies renouvelables). Mais cela aussi est critiqué. Alors expliquez-moi s'il vous plaît ce que devrait être la bonne façon de faire. Je suis un peu perplexe.
Willi, votre Agriculteur
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* Willi l'Agriculteur (Bauer Willi) exploite 40 hectares en grandes cultures (betterave sucrière, colza, céréales) en coopération opérationnelle. Il a été double-actif jusqu'à l'automne 2014. Son deuxième métier a été le suivi et le conseil aux agriculteurs pour une entreprise familiale (sucrerie). Depuis lors, il continue d'exploiter son domaine en tant que pré-retraité et a du temps pour écrire et partager son expérience.
Il contribue aussi bénévolement à l'association (fondation) des habitants de sa commune et à une coopérative agricole.
Source : http://www.bauerwilli.com/exporte-nach-afrika-wirklich-wahnsinn/